Après huit jours de calvaire, je venais enfin de terminer la peinture des murs de ma terrasse et j'écoutais l'émission Vivre avec les bêtes.
A l'origine
Après lessivage
Au final
Ça paraît facile... j'ai pourtant failli m'évanouir!
Revenons à l'émission! Cette lettre de Paul Léautaud à Céline a retenu mon attention.
"Vous allez
sans doute être liquidé à la Libération et vous l’aurez bien cherché. Je ne
verserai pas une larme mais vous pourrez mourir en paix car, sachez que je suis
prêt à recueillir Bébert qui lui seul m’importe."
(Je résume mais les amoureux des chats doivent connaître l'histoire de Bébert).
"Peu avant son départ pour le Danemark, en
1944, Céline aurait reçu ce mot de Paul Léautaud. Lettre détruite dans
l’incendie du pavillon de Meudon en 1968, et que Frédéric Vitoux
rapporte dans : «Bébert le chat de Louis-Ferdinand Céline» Grasset 1976
P.32.
Selon Vitoux, Céline aurait été sensible à
cette proposition, mais décide tout de même de prendre Bébert, ce
dernier deviendra le chat le plus important de la littérature française.
Cela implique nécessairement que Bébert n’était pas n’importe quel chat
et possédait, déjà, une certaine notoriété pour que Léautaud puisse
exprimer sa proposition à Céline; il ne l’a probablement jamais
rencontré.
[...] L’un est surnommé l’ermite de
Fontenay-aux-Roses et l’autre, celui de Meudon. Ils s’habillent en
clochards, Léautaud vit seul avec ses animaux dont il fait parfois le
décompte, une dizaine de chats, des chiens, une oie, un singe; il dresse
un plan de son jardin, marquant la tombe de chacun. Céline entretient
aussi nombre de chats, de chiens, d'oiseaux et un perroquet; il marque
la Tombe de Bébert et de Bessy. Léautaud se prive de nourriture pour
nourrir ses bêtes et Céline ne s’alimente presque plus. Il vit avec
Lucette, mais possède le rez-de-chaussée du pavillon où il est seul la
plupart du temps."
Paul Léautaud à Fontenay-aux-Roses
Céline avec le journaliste André Parinaud à Meudon
Céline au Danemark, sa chienne Bessy et Bébert
A Baden-Baden, Lucette promenant Bébert
"La
cohabitation et les relations avec les animaux sont importantes chez
Céline, pour ne pas dire essentiel à son processus de création. Cet état
d’âme se confirme avec les années d’occupation et se cristallise à
partir des années d’exil; l'année où Céline quitte la France, accompagné
de Lucette et de Bébert, qui deviendra «le chat le plus célèbre de la
littérature française». Dans la trilogie allemande, Bébert fait figure
de héros mythologique, il devient un personnage charnière qui humanise
l’incroyable démesure de la folie humaine.
La
présence de Bébert ramène l’homme au niveau de l’essentiel, du vivant
et de la beauté au milieu de l’horreur ambiante. Bébert, demeure
toujours stoïque, survole la mort de son regard de chat, créature
surnaturelle, bien enfoui dans la gibecière que Céline le pèlerin porte
en bandoulière, comme un talisman sur ses canadiennes sales et trouées.
Bébert
n’appartient pas véritablement au monde, le chat traverse l’Allemagne
en spectateur sans jamais chercher à fuir, émettre une plainte, se
situant volontairement à part, indépendant face à des évènements qu’il
ne comprend pas. D’ailleurs, la plupart des humains ne comprennent pas
la guerre, ils se contentent de suivre le flot de feu et de sang.
Il
dégage la noblesse, la certitude et la hauteur propre à sa race, snob
et libre comme seul un chat peut le montrer. Il est le seul personnage
de Sigmaringen à pouvoir approcher Pétain à sa convenance, sans que
celui-ci s’en formalise; errer dans le château à la quête de quelques
fantômes, pendant que Lucette s’exerce à la danse. Bébert est le maître
du terrain, explore, fouine, renifle, mais revient toujours au moment
opportun; au moment où il faut partir.
Jusqu’au
Danemark où l’attend la prison pour 18 mois, Lucette et, en cachette,
Bébert, avec la complicité d’un gardien francophile, visitent l’oiseau
enfin en cage. C’est avec l’installation à Korsør que nous assistons à
une transformation importante dans la relation de Céline avec les
animaux. Les lieux sont propices aux bêtes, la forêt, la proximité de la
mer, les maisons d’été et d’hiver où habitent les Destouches deviennent
rapidement des lieux de rencontre, des refuges. Céline recueille Bessy,
berger allemand à demi sauvage, abandonné par les troupes qui
retournent en leurs terres et d’autres chats, aussi de petites bêtes,
hérissons et oiseaux des alentours comprennent rapidement qu’ils ne
manqueront jamais de rien, la nourriture abonde, pain, graines et, même
de la viande, Lucette et Céline y veillent."
(Source, Fabienne Fournier, L'ombre de Louis-Ferdinand Céline).
"Céline, Bébert, Bessy, Toto...et les autres
On a
tout dit sur Céline, qu'il était le plus grand écrivain du siècle
vingtième avec Proust, qu'il était le pire des salauds à cause des
odieux pamphlets antisémites.
Mais ce qu'on ne peut lui enlever, c'est qu'il éprouvait un amour sincère des animaux, de tous les animaux, lui qui, médecin de dispensaire, s'était voué aux faibles, aux éclopés de la vie. Qu'on se rappelle la dédicace de Féerie pour une autre fois : " Aux animaux Aux malades Aux prisonniers".
[...]
Qu'on se souvienne [...] du chat Bébert, le "greffe" le plus célèbre de la littérature qui accompagna Céline et Lucette durant la seconde guerre jusqu'en Allemagne et au Danemark, caché dans une musette.
Et Bébert le chat évoque le petit Bébert du Voyage qui va mourir injustement de la typhoïde, sans que Bardamu, le médecin des pauvres, y puisse rien : "On
n'est jamais très mécontent qu'un adulte s'en aille, ça fait toujours
une vache de moins sur la terre, qu'on se dit, tandis que pour un
enfant, c'est tout de même moins sûr. Il y a l'avenir."
Ou encore la chienne Bessy,
le berger allemand abandonné par les troupes nazies en fuite, ramené du
Danemark et qui mourra elle aussi à Meudon deux ans après Bébert en
1954. Sans compter Toto, le perroquet gris du Gabon, acheté
par Lucette à la Samaritaine pour remplacer Bébert qui, à Meudon,
servait d'interlocuteur à Céline et lui était farouchement attaché."
(Source Le Nouvel Observateur).
Liens pour en savoir plus sur Paul Léautaud et Céline, et sur l'histoire du chat Bébert : ici et là.
Lire aussi cette thèse de l’École Vétérinaire d'Alfort :
L'animal dans le roman célinien : Etude de Bébert, le chat de Céline.