mardi 10 juin 2014

Bébert, le chat

Dimanche.

Après huit jours de calvaire, je venais enfin de terminer la peinture des murs de ma terrasse et j'écoutais l'émission Vivre avec les bêtes.

A l'origine


 Après lessivage


Au final


Ça paraît facile... j'ai pourtant failli m'évanouir!

Revenons à l'émission! Cette lettre de Paul Léautaud à Céline a retenu mon attention.
 
"Vous allez sans doute être liquidé à la Libération et vous l’aurez bien cherché. Je ne verserai pas une larme mais vous pourrez mourir en paix car, sachez que je suis prêt à recueillir Bébert qui lui seul m’importe."

(Je résume mais les amoureux des chats doivent connaître l'histoire de Bébert).

 
"Peu avant son départ pour le Danemark, en 1944, Céline aurait reçu ce mot de Paul Léautaud.  Lettre détruite dans l’incendie du pavillon de Meudon en 1968, et que Frédéric Vitoux rapporte dans : «Bébert le chat de Louis-Ferdinand Céline» Grasset 1976 P.32. 

 http://ecx.images-amazon.com/images/I/41eNcjbvZkL._SY300_.jpg
 
Selon Vitoux, Céline aurait été sensible à cette proposition, mais décide tout de même de prendre Bébert, ce dernier deviendra le chat le plus important de la littérature française. Cela implique nécessairement que Bébert n’était pas n’importe quel chat et possédait, déjà, une certaine notoriété pour que Léautaud puisse exprimer sa proposition à Céline; il ne l’a probablement jamais rencontré.

[...] L’un est surnommé l’ermite de Fontenay-aux-Roses et l’autre, celui de Meudon. Ils s’habillent en clochards, Léautaud vit seul avec ses animaux dont il fait parfois le décompte, une dizaine de chats, des chiens, une oie, un singe; il dresse un plan de son jardin, marquant la tombe de chacun. Céline entretient aussi nombre de chats, de chiens, d'oiseaux et un perroquet; il marque la Tombe de Bébert et de Bessy. Léautaud se prive de nourriture pour nourrir ses bêtes et Céline ne s’alimente presque plus. Il vit avec Lucette, mais possède le rez-de-chaussée du pavillon où il est seul la plupart du temps."


Paul Léautaud à Fontenay-aux-Roses



 Céline avec le journaliste André Parinaud à Meudon 



Céline au Danemark, sa chienne Bessy et Bébert 



A Baden-Baden, Lucette promenant Bébert


"La cohabitation et les relations avec les animaux sont importantes chez Céline, pour ne pas dire essentiel à son processus de création. Cet état d’âme se confirme avec les années d’occupation et se cristallise à partir des années d’exil; l'année où Céline quitte la France, accompagné de Lucette et de Bébert, qui deviendra «le chat le plus célèbre de la littérature française». Dans la trilogie allemande, Bébert fait figure de héros mythologique, il devient un personnage charnière qui humanise l’incroyable démesure de la folie humaine.
La présence de Bébert ramène l’homme au niveau de l’essentiel, du vivant et de la beauté au milieu de l’horreur ambiante. Bébert, demeure toujours stoïque, survole la mort de son regard de chat, créature surnaturelle, bien enfoui dans la gibecière que Céline le pèlerin porte en bandoulière, comme un talisman sur ses canadiennes sales et trouées.
Bébert n’appartient pas véritablement au monde, le chat traverse l’Allemagne en spectateur sans jamais chercher à fuir, émettre une plainte, se situant volontairement à part, indépendant face à des évènements qu’il ne comprend pas. D’ailleurs, la plupart des humains ne comprennent pas la guerre, ils se contentent de suivre le flot de feu et de sang.
Il dégage la noblesse, la certitude et la hauteur propre à sa race, snob et libre comme seul un chat peut le montrer. Il est le seul personnage de Sigmaringen à pouvoir approcher Pétain à sa convenance, sans que celui-ci s’en formalise; errer dans le château à la quête de quelques fantômes, pendant que Lucette s’exerce à la danse. Bébert est le maître du terrain, explore, fouine, renifle, mais revient toujours au moment opportun; au moment où il faut partir.
Jusqu’au Danemark où l’attend la prison pour 18 mois, Lucette et, en cachette, Bébert, avec la complicité d’un gardien francophile, visitent l’oiseau enfin en cage. C’est avec l’installation à Korsør que nous assistons à une transformation importante dans la relation de Céline avec les animaux. Les lieux sont propices aux bêtes, la forêt, la proximité de la mer, les maisons d’été et d’hiver où habitent les Destouches deviennent rapidement des lieux de rencontre, des refuges. Céline recueille Bessy, berger allemand à demi sauvage, abandonné par les troupes qui retournent en leurs terres et d’autres chats, aussi de petites bêtes, hérissons et oiseaux des alentours comprennent rapidement qu’ils ne manqueront jamais de rien, la nourriture abonde, pain, graines et, même de la viande, Lucette et Céline y veillent."

(Source, Fabienne Fournier, L'ombre de Louis-Ferdinand Céline).


"Céline, Bébert, Bessy, Toto...et les autres


On a tout dit sur Céline, qu'il était le plus grand écrivain du siècle vingtième avec Proust, qu'il était le pire des salauds à cause des odieux pamphlets antisémites.


Mais ce qu'on ne peut lui enlever, c'est qu'il éprouvait un amour sincère des animaux, de tous les animaux, lui qui, médecin de dispensaire, s'était voué aux faibles, aux éclopés de la vie. Qu'on se rappelle  la dédicace de Féerie pour une autre fois : " Aux animaux Aux malades Aux prisonniers".
[...]
Qu'on se souvienne [...] du chat Bébert, le "greffe" le plus célèbre de la littérature qui accompagna Céline et Lucette durant la seconde guerre jusqu'en Allemagne et au Danemark, caché dans une musette.

Et Bébert le chat évoque le petit Bébert du Voyage qui va mourir injustement de la typhoïde, sans que Bardamu, le médecin des pauvres, y puisse rien : "On n'est jamais très mécontent qu'un adulte s'en aille, ça fait toujours une vache de moins sur la terre, qu'on se dit, tandis que pour un enfant, c'est tout de même moins sûr. Il y a l'avenir."



Ou encore la chienne Bessy, le berger allemand abandonné par les troupes nazies en fuite, ramené du Danemark et qui mourra elle aussi à Meudon deux ans après Bébert en 1954. Sans compter  Toto, le perroquet gris du Gabon, acheté par Lucette à la Samaritaine pour remplacer Bébert qui, à Meudon, servait d'interlocuteur à Céline et lui était farouchement attaché."




Liens pour en savoir plus sur Paul Léautaud et Céline, et sur l'histoire du chat Bébert : ici et .

Lire aussi cette thèse de l’École Vétérinaire d'Alfort
L'animal dans le roman célinien : Etude de Bébert, le chat de Céline.