vendredi 7 octobre 2016

Un instant de grâce

En début de semaine, je suis allée faire un tour dans mon ancien club de golf, celui que j'ai quitté en 1997. Une envie, comme ça, sans raison précise, si ce n'était celle de trouver un pantalon pour jouer l'hiver. Futilités! Pas de soldes d'hiver dans leur boutique, évidemment, et tout était hors-de-prix!
Puis, j'y rencontrais - par hasard - un ami qui m'invita à prendre un café. Sur la terrasse, à l'heure des "fins de parties", en milieu d'après-midi, je reconnaissais d'anciens joueurs du club; ils étaient donc toujours là. On parlait haut et fort. Puis, j'entendis mon prénom, je me retournai et  je vis une amie et ancienne partenaire venir vers moi. Plaisir de la revoir. Nous nous promettons de nous appeler pour jouer ensemble ici ou dans mon club, échangeons nos numéros de téléphone (mais j'avais déjà le sien) et, que deviens-tu? et patati et patata... A bientôt. Buvant tranquillement mon café avec l'ami qui conversait de son côté avec une autre personne, j'entendis à nouveau mon prénom et une autre joueuse vint vers moi, m'embrassa et idem : échange de téléphone, IL FAUT ABSOLUMENT QU'ON JOUE ENSEMBLE, et patati et patata. Je répondais pendant ce temps à un petit signe amical d'une autre joueuse, attablée plus loin, qui me reconnaissait. Tout cela était fort agréable et sympathique. J'avais l'impression de n'avoir pas quitté ce club vingt ans plus tôt. Et si les visages avaient un peu changés, les regards étaient restés les mêmes.
Je ne m'attardais pas après avoir bu mon café avec l'ami et je me promettais de venir jouer avec elles un de ces jours ou de les inviter dans mon club, plus rustique.

Il faut battre le fer quand il est chaud! Le lendemain j'envoyais un texto à la première, qui avait été si souvent ma partenaire en compétitions et avec qui j'aimais jouer. Je lui proposais donc de faire un parcours avec elle ce vendredi (mais seulement pour 9 trous). Elle me répondit illico : "j'ai un départ vendredi avec une amie, si tu veux te joindre à nous ce sera avec plaisir". Ce qui fut dit fut fait.

Nous étions au départ toutes les deux dix minutes avant - comme il se doit - et attendions son amie. Une autre partie de trois allait démarrer avant nous et, attendait aussi. Mon amie me présente :
- xxx, une ancienne joueuse du club...
Je leur serre la main. L'une me demande, aimablement :
- Vous n'étiez pas sur la terrasse l'autre jour? 
- Si
- Je vous ai remarquée.
- Ah bon?
- Oui, vous avez un visage si... particulier...
- (Silence), elle poursuit
- ... si joli. 
- Gênée ou plutôt, perplexe, je la remercie, en rougissant.
Je me disais qu'elle avait réussi une belle pirouette après son "si... particulier", et pour se rattraper, a rajouté "... si joli".  Particulier, peut-être mais joli, hum! c'est invraisemblable. Elle, avait un joli prénom et un beau regard, assez impénétrable.
- Bonne partie nous dit-elle en se dirigeant vers son tee de départ.

L'amie de mon amie venait d'arriver, je ne la connaissais pas. Elles avaient prévu de faire 18 trous et moi 9. Qui vois-je arriver? Le mari de mon amie avec qui je jouais très souvent aussi, il y a plus de vingt ans. Il avait abandonné le golf depuis quelques années et il nous a accompagnées sur 9 trous. Il était fatigué, légèrement dépressif m'a-t-il semblé et nous a quitté très rapidement. J'ai laissé mes partenaires poursuivre; nous nous sommes promises de "remettre ça" une autre fois. Ce fut une bonne partie, un démarrage difficile pour toutes les trois puis, réchauffées sans doute, nous avons bien joué. Je ne regrettais pas de ne faire que 9 trous, j'avais faim en voyant mon amie dévorer son sandwich.

Je ne prenais même pas le temps de prendre quelque chose au bar, je rangeais mon matériel dans le coffre et décidais d'aller déjeuner à Saint-Marine, en terrasse, j'étais bien couverte, il était 14 heures 15. J'avais fait la même chose lundi après mes 9 trous, ce fut aussi délicieux d'être devant ce paysage et bien plus jouissif que de déjeuner sur la terrasse du club house. J'allais finir par prendre un abonnement au Café de la Cale!

J'allais ensuite en voiture jusqu'à la pointe et je fis une balade le long de la baie, je me sentais aussi calme intérieurement que cette mer où filaient, sans bruit, quelques bateaux. Si j'aimais jouer au golf, en cet instant j'aimais peut-être encore plus être là, solitaire, contemplative. Je n'avais pas mon appareil de photo, ce n'était pas plus mal. Il y avait une lande de fougères sèches et de broussailles le long du sentier, sur la droite et sur la gauche cette baie magnifique; l'horizon était dégagé malgré un ciel un peu couvert, j'apercevais les îles Glénan. Dans la lande une ouverture menait à un portail en bois blanc, je m'approchais doucement, un superbe papillon noir et orange y était scotché. Je ne voulais pas le déranger; derrière le portail je devinais un grand parc, la pelouse était tondue, j'imaginais une belle demeure que je ne voyais pas. J'avais assez marché pour aujourd'hui après mes deux heures de golf. Je fis demi tour. Deux cormorans juchés sur des rochers au bord de l'eau n'avaient pas bougé depuis un quart d'heure. Ils étaient comme moi, captivés, charmés par ce qu'ils avaient sous les yeux. Comme un instant de grâce.

Dans ma voiture, en rentrant, je pensais à toi, mon Amour...