lundi 21 décembre 2015

Un film sur l'amour et non sur le pouvoir

"Je me bats pour la recherche du vrai.
Même si tout film est politique, au sens grec de vie dans la cité,
l'art, lui, est au-dessus des lois."

"Il faut envisager un cinéma inachevé et incomplet
pour que le spectateur puisse intervenir
et combler les vides." 


En immersion avec ce cinéaste depuis le début du mois. J'ai emprunté les DVD que j'ai pu trouver à la médiathèque : Copie conforme (2010), Où est la maison de mon ami? (1987), Et la vie continue (1992), Au travers des oliviers (1996). J'ai commencé par visionner le film avec Juliette Binoche, peut-être par facilité? craignant que les trois autres allaient être plus ardus, voire ennuyeux? En fait - je ris en écrivant cela - je n'y crois pas un seul instant car tout ce que j'ai pu lire ici sur Abbas Kiarostami m'a passionnée et me laissait à penser que je ne pourrai qu'aimer son cinéma, et d'autant plus, les films tournés dans son pays.
Précédemment - je n'avais pas pris le temps d'en parler - j'avais emprunté Ten. (Mais je ne peux tout dire* dans ce blog, - ce que je lis, ce que je vois, ce que je fais, ce que je dévore - je n'aurais alors même plus le temps de manger ni de dormir (0_0). Parfois il m'arrive de me demander, longtemps après avoir vu un film qui m'a marqué, si j'en ai parlé ou pas, tant il me poursuit, me laisse des traces).
Revenons au sujet, j'ai donc visionné en premier Copie conforme, film qui valut à l'éblouissante Juliette, le Prix d'interprétation féminine au Festival de Cannes. 

"Abordé de manière chronologique, le film laisse supposer la rencontre d’une antiquaire d’origine française (Binoche) établie à Arezzo en Italie et d’un critique d’art britannique (Shimell) venu en Toscane pour promouvoir la sortie de son dernier livre traduit en italien. À rebours, la trame narrative permet aussi bien de penser que l'auteur d'un ouvrage sur la notion de copie en art passe une journée à Lucignano avec son épouse ou qu'il s'ajuste au jeu provocateur d'une femme pleine de désirs. La particularité du film tient donc aux indéterminations narratives et au jeu interprétatif qu'imposent celles-ci."

C'était la première fois que le cinéaste iranien tournait hors de son pays. "Le film est une fable et une comédie. Une comédie de faux-semblants. Un jeu sur les apparences." "Kiarostami use de la confusion entre le vrai et le faux pour nous faire accéder à un au-delà de l'image." (Source Le Monde). Magnifique! Je n'ai pas pris le temps de "capturer des images", pendant ni après le film. Dans les scènes finales Juliette Binoche - alors que tout le film n'est que regards, réflexions, introspection, discussions, séduction, questionnement (le réel/l'imaginaire) psychologie voire psychanalyse -, le réel prime et Juliette (Elle dans le film) exprime son désir de (à) cet homme, qui reste "de marbre" (le fou). C'est tout l'art de Kiarostami en effet de laisser "le spectateur combler les vides". Un savant mélange de sensualité et de pudeur.



Je passe ensuite - quelques jours jours plus tard - d'un Abbas Kiarostami de 2010 à son cinéma des années 80/90 avec la Trilogie de Koker tourné dans son pays, empreint d'une grande poésie. La poésie n'est-elle pas aussi souvent toujours sensuelle? 

Sur le visage - pur comme un diamant - de cet enfant submergé d'empathie pour l'élève humilié dans Où est la maison de mon ami? (le premier film de cette trilogie, 1987, petit rappel), je vois dans son regard de la générosité, de la poésie, de la tendresse, une immense compassion, qui font sens, qui sont sens(uelles). Que de pudeur, que de beauté dans ces images, ces paysages, cet enfant qui court, grimpe les sentiers, se perd à la recherche de son ami pour lui remettre son cahier qu'il avait malencontreusement emporté. Penser à l'autre avant de penser à soi; Ahmad craint plus pour son ami, qui risque de se faire renvoyer de l'école et une rude punition s'il n'a pas fait son devoir sur son cahier, que pour lui-même de se faire réprimander sévèrement par sa mère, parce qu'il rentre tard et sans son pain. Pas de pathos mais grande émotion à suivre le parcours kafkaïen de Ahmad.

"Cette simple course va se transformer pour le jeune écolier en un véritable chemin initiatique dans une société figée sous le poids des interdits."












Ahmad Ahmad Pur
(dans le rôle de Mohammad Nématzadé)





 

Babak Amhad Pur
 (Bouleversant dans le rôle de Ahmad)






 



En "capturant" ces images d'écoliers après avoir vu le film, en les revoyant, en suivant la caméra du cinéaste, j'avais envie de les serrer dans mes bras; Ahmad pour sa tendre, sa bouleversante compassion envers son ami et Mohammad Nématzadé pour le consoler d'être durement réprimandé. J'ai vécu durant ce film dramatique un moment de grâce, un moment de bonheur... 
Un film de 1987, INTEMPOREL!

"Où est la maison de mon ami ? est un film réaliste, explique Abbas Kiarostami : « Je veux que dans mon film tout ait l'air fidèle au réel. Je veux montrer la vérité. C'est aussi un film politique dans le sens où la politique touche l'ensemble de la vie et détermine le quotidien de chaque individu. Mais c'est surtout un film tendre : Je voulais faire un film sur l'amour, et non sur le pouvoir. C'est pourquoi dans mon film je n'ai pas montré comment le garçon était puni »".

Je titrais mon précédent billet "Le pouvoir de l'amour". C'est un pouvoir magique. Et de l'amour, on en a tellement besoin ces temps-ci.

(Trilogie de Koker, à suivre)...

* Parenthèse journal intime :  (Tenez, hier je suis allée au golf; il s'est mis à pleuvoir au trou n°2, mon beau-frère m'accompagnait et avait payé son green-fee - moi je suis abonnée - donc, pour lui, pour compenser son investissement, je me suis sacrifiée (0_0) pour continuer, malgré la pluie sans parapluie et, heureusement, il a déclaré forfait au 7, ce n'était plus de la pluie mais le déluge. Nous étions dégoulinants, trempés jusqu'aux os - enfin je parle pour moi qui ai peu de chair car lui, c'est plutôt un nounours bien enveloppé - c'était épouvantable. Je n'avais pas joué sous la pluie depuis des années et aujourd'hui à XX ans - un chiffre et un zéro - je me suis fait 7 (c'est mon chiffre fétiche) trous sous la pluie battante alors qu'elle n'était prévue par la météo pourrie que trois heures plus tard. Je n'ai pas DU TOUT ressenti ce bonheur dont je parlais ici... j'avais alors six ans de moins (et à mon âge les années comptent doubles). Aujourd'hui je n'avais pas mes vêtements de pluie et je n'avais pas fait le choix d'aller jouer sous la pluie.