Longtemps j'ai vécu seule, souvent avec mélancolie, parfois avec une certaine joie de vivre cette indépendance, cette liberté.
Aujourd'hui je vis avec un sale type, un méchant compagnon : Prosper Menière. Il bousille ma vie.
Toujours j'ai souhaité que ma vie ne se prolonge pas trop longtemps mais aujourd'hui je voudrai qu'elle s'arrête.
Le spécialiste (réputé) que j'ai consulté l'année dernière à la même époque, je l'ai revu jeudi, mes crises de vertiges étant de plus en plus rapprochées. Cette fois il a bien diagnostiqué : maladie de Menière et, comme si ça ne suffisait pas, associée aux vertiges positionnels "qui sont deux choses différentes" a-t-il précisé en poursuivant : "Menière, on n'en guérit pas. On vit avec. On essaie de gérer." On n'en meurt pas, malheureusement, sauf si... je... n'en peux plus...
Alors, me voilà obligée d'ingurgiter quatre molécules différentes, trois fois par jour, plus un morceau de la fameuse barrette, le soir. Quant aux effets secondaires de cette batterie de médicaments, le spécialiste évite d'en parler, la liste est si longue. Ce qu'il n'a pas arrêté de m'asséner c'est : Menière ON-N'EN-GUERIT-PAS! Ce n'est pourtant pas l'avis du Professeur Chays : (écouter à partir de la minute 46:30).
De plus, suppression du sel, du café, du vin (il ne me l'a pas dit mais ça c'est déjà fait depuis la dernière crise il y a un mois). Une vie sans sel, sans petit noir c'est tout vu pour moi pour voir la vie en noir. De toute façon avec toutes ces molécules je vais être atone et stone alors franchement, vivre comme une morte-vivante, très peu pour moi. Et, évidemment, plus de projets d'aucunes sortes, Menière entre sans prévenir et sans frapper à la porte au moment où tout semble aller mieux... et, chaque nouvelle crise ne sera JAMAIS la dernière. Quel compagnon insupportable!
Après la manipulation de jeudi, je m'applique à suivre les recommandations (sauf que j'ai repris le volant sans me faire conduire... et je ne me rase pas sous le menton (0_0))... je me tiens droite comme un piquet avec ma minerve mais dès que je l'enlève j'oublie. "Dormez avec, sur le dos, en position relevée à 45°" m'a-t-il dit! Porter une minerve au lit, j'ai déjà l'impression d'être dans la boîte en sapin! D'ailleurs il est temps que je pense à l'urne...
Après la consultation, moral en berne, un peu (même beaucoup) de glycérine aux mirettes (expression de mon bien-aimé), je suis allée pour m'apaiser boire un thé au port de plaisance. A l'ombre et en lisant Rachel et autres grâces de Emmanuel Berl, je retrouvais un soupçon de bien-être. Je levais le nez de temps en temps et contemplais cette plage près de laquelle dans ma jeunesse nous venions dans un bar - qui n'existe plus - jouer au bowling.
Je décidais alors d'aller faire une petite promenade jusqu'au bout du quai et sur la jetée.
Il faisait chaud, très chaud. Je n'avais pas envie de rentrer tout de suite et de faire une heure de route. Je décidai de rester dîner au Tour du Monde. La terrasse était pleine et très animée, le serveur me trouva une table à l'ombre. J'étais seule, vieille parmi la foule, la jeunesse. Le poisson était bon; avec un doigt de vin blanc il eut été très bon; avec de l'eau pétillante, y a que dans le verre que ça pétillait, pas dans mon sang. La lumière du soir sur les bateaux et le Pont de Plougastel était exceptionnelle, mon enthousiasme de contemplative était intact, le soleil descendait du ciel comme un ange... L'instant occulta mes idées noires qui devinrent saumonées, comme le ciel.
Cependant je repris le chemin du retour alors qu'il faisait encore jour, avec les mêmes angoisses et l'idée insupportable que ce sale compagnon ne me lâcherait plus. J'arrivais chez moi dans la nuit; le Festival de Cornouaille battait son plein.
J'ai décidé de suivre le traitement prescrit pour six mois pendant un
mois et voir si mon système digestif, ma tête tiennent le coup, si je ne
deviens pas un zombie.
Dans un mois... le sort en sera jeté!
D'ici là, je n'écrirai pas ici, l'écran ne faisant qu'augmenter la fatigue, voire quelques symptômes. Une déconnexion n'est pas superflue.