jeudi 15 novembre 2018

Une journée idéale

Henry Miller et Hoki Tokuda, sa dernière épouse. Il la rencontre en 1966 (elle avait 29 ans et lui 75 ans), l'épouse en 1967, divorce en 1970. Henry Miller meurt en 1980. Hoki Tokuda est toujours en vie, elle a 81 ans.


Roland Jaccard: «Une journée idéale selon Henry Miller»

Sexe, ping-pong et euthanasie

Évidemment, le sexe mène parfois à l’amour, qui nous entraîne, malgré nous, à nous mettre au service de l’espèce en procréant. Terrible déchéance qui fait de nous des épaves de l’amour. Il est toujours bon de se vacciner contre cette pente fatale en observant le dimanche après-midi sur les grands boulevards ces épaves de l’amour traînant derrière elles leur progéniture comme autant de boîtes de conserve. Henry Miller, tout comme moi, préférait jouer au tennis de table au soleil sous le regard attendri d’une jeune Asiatique. Il était très favorable à l’euthanasie, la seule cause qui lui tenait à cœur* – encore un point commun – ne comprenant pas pourquoi on piquait son chien quand il souffrait, alors que l’homme dégoûté par l’existence est réduit à mendier un «suicide assisté»
[...]
Mais revenons à sa journée idéale : elle commence, et c’est plus important à ses yeux que tout le reste, par se mettre au soleil et nager dans sa piscine de Big Sur. Et, en fin d’après-midi, à jouer pendant une heure ou deux au ping-pong. Une forme d’hédonisme que je partage. Ensuite, après un dîner léger, voir un bon film, de préférence japonais (ils sont moins décevants). Baiser? Pourquoi pas? Mais est-ce bien indispensable à mon âge? se demande-t-il. Ce qui est vrai, c’est qu’une présence féminine, surtout si elle a le charme de l’extrême jeunesse – et Miller n’y était pas insensible –, rend la vie plus intéressante. Souvent exténuante, d’ailleurs. Miller ajoute: «Tout ce mystère sur le sexe… et puis tu découvres qu’il n’y a rien… c’est le vide, une illusion… tu t’enflammes pour [...] Lire l'article ici.
* (Point commun avec moi également. Monsieur Macron, on n'avance pas sur le sujet !)
Je me suis un peu perdue dans les multiples recherches que j'ai faites sur Henry Miller (qui m'a toujours passionnée) et Hoki Tokuda. Ce fut une brève relation, sans sexe, sans amour, on s'en douterait, de la part de Hoki pour Henry. Pour Henry Miller, il y eut plus de tristesse que de bonheur avec Hoki.

Résumées ici, les étapes de sa vie, en Français.

Quelques lettres - en Anglais - de Henry Miller à Hoki Tokuda, qui ne les ouvrait pas; il y mettait pourtant, en plus, son talent de peintre. Elle était sans doute trop jeune pour un vieil homme et, surtout, trop jeune pour avoir l'étoffe d'une femme d'artiste, et quel artiste !
Je ne connaissais pas cette étape de sa vie avec Hoki Tokuda. Je la découvre aujourd'hui.
Chaque étape d'une vie a son importance, celle-ci ne me paraît pas essentielle, au regard du reste, de ce qu'il a vécu. Ce qu'elle a d'essentiel, ce sont les mots qu'elle lui a inspirés.




L'extrait ci-dessous, à lire dans son contexte, que je trouve bouleversant (parce que je vieillis sérieusement) et, d'autant plus, que Miller ne cherche pas à bouleverser :

 "But now let me try to explain myself to you, if I can. The older I get the more I struggle not to make plans in advance, not to think of tomorrow, or yesterday, either, for that matter. I try my best to live day to day, as we say in English. This is a result of my philosophical strain rather than of my innate temperament. I have been all my life a most active man, perhaps too much so. All I ever wanted of life was the freedom to write what I had to express and to do so with perfect freedom. It has been a long hard struggle, and I suppose one might say that I won out. But at what a price! As a result of a my achievement, my fame or success, whatever you wish to call it, the word tries to involve me in things which no longer concern me. Every day of my life, for the last ten years or more, I have to struggle to win a couple of hours which I my truly call my own. The consequence of all this is that I do less and less creative work. I am at the mercy of the world. And since my time on Earth is running short you can well understand how desperate I sometimes feel. I have thought of running off to some remote corner of the Earth, where I might live in peace and do only what I wish to do, but where is that place? Years ago, I thought of going to Tibet or to Nepal or some remote corner of India, but today I haven't the heart to pick myself up and go to such outlandish places. I need some comforts and also some medical attention. And I don't want to leave my son here alone should he be drafted into the military service."

Ici, ce que dit Hoki Tokuda, très brièvement, de sa relation avec Miller :

"If Henry had been my grandfather, it would have been perfect. He was funny — I laughed all the time, and he liked my sense of humor."

"All I ever wanted of life was the freedom to write what I had to express and to do so with perfect freedom." Henry Miller