jeudi 20 septembre 2018

La gaîté du mélancolique

Chaque heure, chaque jour, mes pensées ne sont qu'un combat contre le vieillissement, la solitude. Une fuite perpétuelle, une  boulimie d'activités pour oublier le temps présent, insupportable. Un surrégime qui me laisse k.o. Le moteur ne suit plus.
Sauver la face n'est que mensonge, j'y parviens... j'ai la gaîté du mélancolique.




Démocrite
Son caractère rieur devint légendaire et on l'opposa au caractère irritable d'Héraclite (ci-dessous)



« Toute rencontre avec les hommes fournissait à Démocrite matière à rire. »
"On ne saurait dater avec précision le moment de l’apparition de la légende du rire de Démocrite et du pleurer d’Héraclite. En revanche, on peut suivre leur trajectoire à travers les siècles. Celle-ci est marquée par deux temps forts : l’Antiquité qui voit la naissance de la légende du rire démocritique et du pleurer héraclitéen ainsi que le développement des notions et des problématiques qui leur sont attachées (en particulier, le thème du theatrum mundi où le rire de Démocrite devient le masque de la comédie et le pleurer d’Héraclite, celui de la tragédie ; le rire démocritique comme rire satirique ; le pleurer héraclitéen comme marque de compassion ; la mélancolie des deux personnages ; la question de la folie et de la sagesse) et la Renaissance européenne. Celle-ci les a connues par le biais de deux sources."
 Source

« Les mélancoliques courent les rues, ils se trahissent tout seuls. Ils sont tellement nombreux partout, j’en rencontre chaque fois que je sors. Ils sont incapables de dissimuler leur maladie, leurs plaintes sont bien trop familières et je n’ai pas besoin d’aller bien loin pour les décrire. Les symptômes donc, sont soit universels, soit spécifiques aux individus ou aux espèces. Certains symptômes sont dissimulés, d’autres manifestes, certains appartiennent au corps, d’autres à l’esprit. Et selon Capivacci ils varient selon que leur cause est interne ou externe. Selon Giovanni Pontano, les astres les influencent. Selon Ficin il s’agit à la fois d’influence célestes et de divers proportions des humeurs. Selon que ces dernières sont chaudes, froides, naturelles, non naturelles, qu’elles augmentent ou qu’elles diminuent. Tandis qu’Aetius parle d’une diversité de symptômes de délires mélancoliques. Selon de Lorenz, ils dépendent des tempéraments, des plaisirs, des natures, des tendances, de leur durée, du fait qu’ils soient simples ou qu’ils se combinent à ceux d’autres maladies. Étant donné que les causes sont aussi diverses, la variété des symptômes est donc presque infinie. Et de même que le vin produit des effets différents, de même que l’herbe Tortocolla, dont parle Lorenzini, qui fait parfois rire, parfois pleurer, parfois dormir, danser, chanter, hurler, ou boire etc., de même cette humeur mélancolique qui produit différents symptômes dans différentes parties du corps. Cependant, afin de simplifier, ces symptômes généraux peuvent être réduits à ceux du corps et à ceux de l’esprit. »
 Robert Burton, in L'anatomie de la mélancolie.
Yves Hersant : L’un des problèmes de la mélancolie, que mettait en évidence, je crois, l’exposition de Jean Clair au Grand Palais, est de savoir où elle s’arrête. Est-ce que de proche en proche tout ne va pas être gagné par la mélancolie. L’idée de Burton est qu’il n’y a pratiquement pas de barrière à la mélancolie et que, c’est ce que disait le début du texte, et que vous venez de rappeler, les mélancoliques courent les rues, tout le monde risque d’être mélancolique. A ceci près que les sots, définitivement sots ne sont pas et ne seront jamais mélancoliques. Celui qui ne doute pas de soi, celui qui n’est pas travaillé par cette altérité, celui qui se raccroche à des attitudes dogmatiques, celui-là vivra dans l’ignorance de sa mélancolie, si elle existe et celui-là n’atteindra jamais le niveau culturel. On voit bien que le risque est réel d'étendre ad infinitum, presque infini, dit quelque part Burton, tout est dans le presque, la symptomatologie mélancolique. Qu’est-ce qui n’est pas mélancolique ? Le jovial, et encore.
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