samedi 19 août 2017

Une histoire de galet (2)

Mardi 15 août 2017.
(Bonne fête maman chérie).

Le temps était propice à la promenade. Il devait y avoir foule de touristes vers les stations fréquentées de la côte. Je n'avais pas envie d'être mêlée au troupeau, j'avais envie de silence ("J'aime tout ce qui s'écrit sur le silence." Paul Quéré). Je pensais alors que c'était un beau jour pour entrer dans un cimetière, pas n'importe lequel évidemment. Depuis le temps que j'avais déposé mon galet là-bas... il avait dû être "lessivé", je voulais vérifier s'il y était toujours.
J'avais trouvé mon lieu de promenade pour ce 15 août. J'y allais. A nouveau, le cœur battant.

Cette fois le portail du cimetière était ouvert. Mes pas crissaient sous le gravier blanc. Mon galet serait-il là? Avec son inscription?
Oui, il était là, bien en vue (je l'avais caché, timidement, le jour où je l'avais déposé) entre les adorables jardinières de la Poèterie mais les pluies avaient eu raison de la jolie phrase (empruntée au poète) que j'avais écrite dessus à l'encre dit, indélébile. Qu'importe, ces mots étaient gravés sur la plaque qui ornait la tombe; ils appartenaient au défunt, à l'artiste Paul Quéré, et à sa famille que je remercie d'avoir laissé le galet, sans inscription mais pas sans mes pensées.




J'étais venue les mains vides, ma visite était impromptue. Puisque mon galet avait été conservé, peut-être serait-il temps, correct, que je me fasse (re)connaître de la famille? J'y songeais. Plongée dans ma rêverie, je remarquais soudain près de la tombe une pierre en granit garnie de petits galets en forme de cœur, protégée par des buis et du lierre. Je ne l'avais même pas remarquée lors de mon précédent passage. Je me penchais sur cette pierre tombale où était gravé un nom et une date, 2007. Elle était bien là la dernière fois. Je trouvais cette pierre d'une infinie poésie. Je ne sais pas pourquoi mais je pensais que c'était une enfant qui reposait là, avec ces petits cœurs. Et si près du poète Paul Quéré, quelle troublante découverte.






Avant de partir, je voulais mettre un peu d'eau dans les jardinières. J'allais bien trouver un point d'eau, il y en a toujours dans les cimetières. Je fis le tour et n'en trouvais pas mais, planqués dans un muret je vis deux jerricans dont un à demi rempli d'eau et je l'empoignais. En revenant vers la tombe je remarquais que nombre d'entre elles étaient garnies de deux, trois tout petits galets, voire d'un caillou. J'aimais ces présences.


Mais là, que vois-je? Ma parole, ce cimetière n'est que pure poésie ! Ici pas de nom, pas de pierre tombale mais un rectangle garni de plantes, délimité par des pierres plates, bien sûr des petits galets bien ronds et sur une stèle se dressant comme un menhir, une photographie : un portrait de femme riant aux éclats. Ne rien dire, juste regarder cette tombe cet adorable petit jardin et cette femme, merveilleuse, une fée* qui me disait à l'oreille : ne prenez pas la vie trop au sérieux.




J'allais arroser les jardinières de la Poèterie et remettre le jerrican en place. Je quittais le cimetière,  émue de tant de poésie, je peux même dire, de beauté. Le ciel était bleu, le Christ et sa croix étaient amputés du bras gauche (les vents de la baie d'Audierne peuvent être très violents).



C'est un petit, délicieux, cimetière. La chapelle était fermée.

Je remontais dans ma voiture, direction la route de la plage, histoire d'entendre gronder l'océan. Des voitures dans les deux sens sur la route très étroite. je comprenais pourquoi. Elles faisaient demi-tour, pas un mètre carré pour une voiture dans les trois parkings archi-pleins, des manœuvres risquées pour faire demi-tour. Quelle idée d'être venue jusque-là... un 15 août!!! Je repartais rapidement sans m'arrêter. Oui, décidément, pour trouver la paix il n'y a que les cimetières qui sont fréquentables le 15 août.

* Rajout le 20 août, 17 h.
J'ai appris aujourd'hui que ce n'était pas une femme mais un jeune homme qui était enterré dans ce "petit jardin". Je le savais que parfois les garçons étaient aussi des fées.