dimanche 31 juillet 2016

"Une leçon de peinture au Louvre"




(Suite, Quelques pas dans les pas d'un ange)

[...]
Il m'a fait grâce de la vie de Van Gogh, de celle d'Utrillo et Modigliani, contraints de brader toutes leurs toiles à d'immondes bistrotiers contre un verre de vin et nous sommes partis au Louvre qui était fermé pour travaux. Dans une telle situation Elle aurait fait appel au conservateur, lui a simplement attendu que passe un gardien qui le connaissait. [...]. Le type lui a ouvert, lui donnant du "Maître", ce à quoi il répondait invariablement "Centimètre". Les portes se sont ouvertes, j'étais habitué aux fastes, aux révérences, qu'on nous ouvre comme ça me paraissait normal, enfant je n'ai pas vraiment réalisé que je côtoyais de grands personnages, que l'homme avec lequel je faisais un dessin à deux mains au fond du jardin était Joan Miró, que le géant qui tordait pour moi des bouts de fil de fer [...] était bien Calder, [...].
Le Louvre. Le Louvre pour nous tout seuls! Il connaissait le musée par cœur et a réussi pendant une heure et demie à éviter tout ce qui valait la peine d'être vu, ne me montrant que des choses banales et pompeuses, j'étais en effet un peu dégoûté. Puis il a craqué : Il voulait revoir les peintures de Poussin. Là il s'est assis sur une banquette au milieu de la salle, je me suis assis à côté de lui et on a longtemps regardé un des tableaux, puis il a tendu le bras devant lui, repliant sa main pour cacher le sujet, plutôt le prétexte du tableau, un tout petit machin vaguement mythologique, à sa demande je l'ai imité et là tout m'a semblé évident, la composition, les masses, les fameuse lignes de fuite, j'étais fasciné.
Quand le gardien a refermé les portes derrière nous en disant : "Au revoir, Maître", j'avais eu droit au cours d'initiation le plus bref, le plus dense, le plus intelligent  qu'on puisse jamais donner, plus tard j'ai amené mon fils au Musée, essayant de faire la même chose, l'endroit était bondé, nous n'avions aucun recul et je n'avais pas pour raconter Poussin le millième du talent de mon "Centimètre".
Pages 73-74.

David MacNeil, in Quelques pas dans les pas d'un ange.

 

Nicolas Poussin, Les Saisons *

Le cycle est exposé au Musée du Louvre
"Chaque peinture est un paysage élégiaque représentant à la fois des scènes de l'Ancien Testament et une saison ; des allusions aux quatre phases du jour, aux quatre âges de la vie et aux quatre éléments y ont été décelées. Exécutées quand l'artiste était malade et souffrait de tremblements de mains, Les Saisons sont une réflexion philosophique sur l'ordre dans le monde naturel."
(Wikipédia)

* Devant quel tableau de Poussin, Chagall a initié son fils à l'observation d'une peinture? On ne le sait pas. David McNeil parle de "masses, de ligne de fuite". Le Printemps ou le Paradis terrestre (l'une de ces quatre Saisons) invite à la contemplation,




et ça aurait pu être ce personnage représentant Dieu, le Créateur vers lequel Eve pointe son doigt, que Chagall aurait cadré de sa main. Ce dont je doute tout de même, car il ne s'agit pas ici de "petit machin"!


"Adam et Ève forment un couple de petits personnages statiques dans une forêt calme, éclipsé par la végétation luxuriante. La figure en robe du Créateur peut être vue en haut sur un nuage entouré d'un halo de lumière. Il est figuré loin du spectateur, s'éloignant comme s'il était conscient de ce qui est à venir. La disposition des personnages dans la composition rappelle les représentations classiques de miniatures médiévales."

C'est un geste que font les artistes-peintres et aussi les photographes, de tendre le bras et avec la main de fixer - de détacher - un "morceau" de tableau ou de paysage (pour le photographe) et c'est vraiment comme si nous "zoomions" sur un détail, qui apparaît clairement. Il m'arrive souvent de le faire et aussi, de regarder quelque chose en mettant mes mains autour des yeux comme des jumelles, le champ visuel devient alors plus précis.

.../...
Il faudra (faudrait!) que je revienne sur Chagall, après avoir vu l'expo... 

A 18 heures ce dimanche, je m'accordais enfin un peu de repos, la peinture (de mes fenêtres) était cette fois terminée, et j'observais ma ligne de fuite qui se désagrégeait tandis qu'une autre allait tirer un trait dans le ciel.




samedi 30 juillet 2016

Le TEMPS d'écoulement de la bouteille

Vendredi 29 juillet.

Après les trois fenêtres - dimanche, mardi, jeudi - j'entamais ce matin la peinture d'une porte-fenêtre. A midi j'entendais sonner les cloches de l'église, ça faisait donc une heure que je peaufinais... ma tendinite. Midi! Sans doute était-il sur le parcours? Nous devions jouer ensemble, je m'en réjouissais. Je m'en réjouissais tellement. Je m'en réjouissais trop! Mon bras me faisait si mal jeudi matin que j'annulais mon départ de ce vendredi... et je ne faisais rien pour améliorer mes douleurs. Je ne pensais qu'à lui et je me demandais même si ma tendinite (réelle) était vraiment le prétexte pour annuler mon départ. Je ne savais plus. Je ne savais rien d'ailleurs. Je ne savais pas s'il avait vraiment envie de jouer avec moi ce vendredi ou les autres jours. J'en arrivais à me demander si, le fait que ça me fasse autant de plaisir de jouer avec lui - car c'est sûr, il le savait - ne devenait pas une contrainte pour lui voire une gêne, en tout cas, quelque chose de pesant au lieu d'être léger et agréable, nonobstant sa galanterie, sa gentillesse intactes pour chercher mes balles et relever le drapeau! Bref, il était toujours - pour moi -  un adorable partenaire de golf.  
En cet instant, je l'imaginais, je le voyais se placer derrière la balle pour voir sa ligne avant de taper son drive, c'est un joueur discret, coups réussis ou moyennement, il ne commente pas; c'est formidable, j'appréçiais cette discrétion, cette placidité, loin de la mienne. Je continuais de peindre, de peiner, de m'appliquer pour ne pas mettre de peinture sur la vitre. Il y avait du vent et, sur la dernière marche de l'escabeau j'étais tendue, un peu crispée. Aujourd'hui, le travail manuel ne m'empêchait pas de penser à autre chose qu'à ce que je faisais, je pensais à lui, comme une idiote, idiote comme je le suis quand je suis avec lui. Je ne lui dis rien, rien de tous ces mots que j'ai en moi, de ces phrases que je prépare et qui restent bloquées quand nous sommes ensemble. Lui non plus ne dit pas grand chose. Et de quoi lui parlais-je l'autre jour en buvant  nos cafés? Hum! De la mort! Complètement idiote? Non, carrément dingue! Eh bien là, nous avons finalement bavardé sur le sujet pendant presque une heure; nous avions commencé par parler de peinture - mais non, pas de mes fenêtres -, d'artistes-peintres.  Nous nous quittions ensuite comme deux potes? Non, ce n'est pas vrai, nous ne sommes pas des potes, nous sommes des amis de golf. Mais oui, alors, tout va bien! Arrête de te triturer les méninges. Cependant, je crois qu'il serait préférable de ne pas prévoir nos départs ensembles, qu'il vaudrait mieux laisser le hasard décider, ou pas, de nos rencontres sur le parcours. J'ai le cœur qui bat trop vite quand j'ai rendez-vous avec lui, et lui retrouvera sa liberté.

Il est 13 h 30, je viens de terminer la porte-fenêtre et ce pénible panneau de petits carreaux; plus qu'une porte-fenêtre à faire et ce sera enfin terminé! J'ai un peu mal au crâne et très faim.

Photos du jour

Une araignée morte (je vérifie qu'elle est bien morte)



Pause café sous un ciel gris et sieste pour la mouette espionne




Et ce soir, en attendant une amie pour dîner 



Où ça?
A Sainte-Mariiiiiiiiiiiiiine!

Samedi 30 juillet.

Golf solo à l'heure du déjeuner. Temps agréable pour jouer. Perdu deux balles sur le même trou mais j'en avais trouvé deux, laissées en plan sur le green - sans joueur - d'entraînement! La bonne aubaine.

14 heures : me suis bien détendue en écoutant Michel Onfray. Sujet du jour : Le TEMPS.
Première partie : Création du TEMPS mort.
Je n'ai pas le temps de résumer mais ces quelques phrases à réécouter dans le contexte, m'ont fait éclater de rire : 
. Les machines à TUER LE TEMPS : télévision, smartphones, iPod, iPhone etc.
. Aujourd'hui, (cf. Twitter), il faut kiffer ou niquer! (0_0)
. On fabrique des sourds, on fabrique des illettrés!  
. Ici il parle de l'enregistrement d'une émission de télévision et du montage de l'émission; les plans séquences montrent une bouteille, dont la contenance varie. C'est LE TEMPS d'écoulement de la bouteille qui indique LE TEMPS de l'enregistrement . (Dit comme cela ce n'est pas drôle, mais dit par Onfray c'est désopilant. Si, si!)
. Toujours sur LE TEMPS. Il faut éviter  deux écueils : 1) Vivre comme si on n'allait jamais mourir. 2) Vivre comme si nous allions mourir demain.
. Si vous trouvez que la vérité se trouve dans le journal que vous lisez, dites-vous que la vérité se trouve dans le journal que vous ne lisez pas. 
Etc. Comment tuer LE TEMPS... ou plutôt, comment ne pas le tuer!

18 heures.

Je ne change rien à ce que j'ai écrit vendredi; ça n'a plus cours puisque je viens d'apprendre que mon adorable partenaire ne pouvait plus jouer sur ce parcours à partir du mois d'août. Donc, je n'avais pas à faire de "prévisions"; elles se faisaient naturellement. So long... comme disent les anglais. Mon cœur va retrouver son rythme, plus lent (0_0)! 

Allez, demain, peinture! Dernière étape. Ouf!  Et, si j'en ai Le TEMPS, transcrire un dernier extrait de Quelques pas sur les pas d'un ange.
Enfin, laissons Le TEMPS faire son chemin et... la bouteille se vider.

Photos du jour, ma découverte de ce matin.




Ça fait des semaines que des hirondelles ont fait leur nid dans les voliges au-dessus de ma fenêtre. Le nid est bizarre, compact, une partie dure (guano?), je ne peux pas le prendre en photo (j'ai tenté plusieurs fois avec un miroir) mais les dégâts de fientes sont peu ragoûtantes. J'ai le vertige et ne peux aller les enlever. Je vais prévenir le propriétaire de  ce toit. Et ce matin, en plus des fientes je découvre ces oisillons morts. Pourquoi sont-ils morts? Les hirondelles continuent leur va et vient vers le nid...  La mort rôde, dans mon environnement. Hum!
 

jeudi 28 juillet 2016

"C'est dur d'être le fils de quelqu'un, c'est encore plus dur d'être le père de quelqu'un"

L'exposition Marc Chagall Aux Capucins à Landerneau se tient depuis le 26 juin et jusqu'au 1er novembre 2016. Cette visite sera un de mes projets d'arrière saison. Laissons la place aux visiteurs de l'été. Mais en attendant, je commence à me plonger (m'envoler?)un peu dans l’œuvre de l'artiste en visionnant quelques vidéos et, j'ai terminé ce récit  de David McNeil : Quelques pas dans les pas d'un ange.

David McNeil est né à New York, en 1946, d'une mère anglaise et d'un père russe naturalisé français qui s'appelait... Marc Chagall. Aujourd'hui, il rend hommage à ce père génial qu'il a trop peu fréquenté. Il le fait à sa manière, éclectique et marginale, en publiant un livre qui ne ressemble ni à une confession ni à une autobiographie. Il s'agirait plutôt de nouvelles et de contes. Un livre empli d'images, d'odeurs et d'histoires fantastiques. «J'ai ressenti le besoin de ce livre lorsque j'ai découvert celui, terrible, de Marina Picasso, l'année dernière. Ce fut une lecture très douloureuse! Elle parle de Picasso, son grand-père, comme on décrit de plus en plus souvent les artistes : un tyran domestique. J'ai voulu détromper mon propre fils, qui pouvait peut-être penser que j'avais connu une enfance semblable.»"
Quoi de mieux que la mémoire d'un "enfant" pour parler de son "Papa". David McNeil, fils de Marc Chagall, plus connu comme musicien, parolier, que comme fils à Papa. Pour en savoir plus sur Marc Chagall mieux vaut aller voir ses œuvres. Le récit de David McNeil est intimiste, il nous parle de son père à travers ses propres souvenirs mais c'est lui, (D. McNeil) que nous découvrons. Il écrit comme on parle, c'est cela qui est touchant, attachant.
«Ce qu'il faut, c'est écrire une seule phrase vraie. Ecris la phrase la plus vraie que tu connaisses.»
Hemingway

Extraits.... [...] dans les pas d'un ange.

Pendant tout un temps nous prenions chaque matin la route de Vallauris. [...] Vallauris est une ville  qui est à la céramique ce que Murano est au verre soufflé, un must pour les visiteurs de la Côte d'Azur.. A Aix les calissons, là-bas c'est la poterie. [...] La ville vit de la vente de bien vilains objets, il n'y a rien à redire, par contre eux [les Provençaux] vous diront que s'ils font autre chose que ce que les gens veulent ils peuvent fermer boutique, les gens très souvent ont un goût de chiottes, l'expression vient de là.
Madoura comptait des potiers renommés, c'était donc normal qu'on s'adressât à eux quand on voulait s'essayer à la céramique, mais Picasso était paraît-il furibond, apprenant que mon père voulait y travailler. Vallauris était son fief. Matisse c'était Nice, Cimiez exactement, avant qu'il n'empiète sur la ville de Vence avec sa chapelle, une tout autre histoire, Léger c'était Biot où allait plus tard s'ouvrir son musée, un gros bloc de béton, une sorte de rectangle couché sur le flanc, une grosse boîte à chaussures allongée sur la tranche. [...] Picasso était partout, d'Antibes à Vallauris en passant par Cannes, mais papa n'a sûrement pas choisi Madoura pour faire la nique à l'autre, les deux hommes s'estimaient et mon père, quelques jours après ma naissance, lui avait envoyé une photo de moi, Françoise Gillot écrit dans  sa biographie qu'il l'avait épinglée au mur de son studio, si je n'ai aucun Picasso à mes murs, j'aurais au moins été au mur de Picasso. Les deux hommes s'estimaient mais une sorte de jeu s'était peu à peu installé entre eux, ce qui donnait des phrases comme celle-ci :
"Aimez-vous Picasso? demanda un jour une jeune journaliste à papa.
- Si Picasso m'aime, moi je l'aime aussi", répondit mon père.
Une petite fille passait et repassait sans cesse devant l'atelier où "on" travaillait, peut-être était-ce Paloma, qui sait, mais papa m'a demandé d'en faire autant chez lui : "Dis-moi ce qu'il fabrique", ou "Quelle terre emploie-t-il."  La petite fille et moi étions des espions à la solde  de deux des plus grands créateurs de ce siècle, deux caractères si forts ne pouvaient que s'affronter et ça faisait de bien belles étincelles."
Pages 39 - 40 - 41.

Papa s'était mis en tête de m'apprendre la peinture pour mieux m'en dégoûter. C'était un métier pourri que d'être un artiste, je savais heureusement construire des cabanes, je pourrais sans problème devenir architecte. Je recevais, contrairement aux garçons de mon âge qui ont pour Noël des ballons de football ou des panoplies, les œuvres complètes de Mansart ou de Le Corbusier. [...] Il trouvait les musées trop chers, il avait raison. Il voulait toujours qu'on édite des livres bon marché de son œuvre, "pour les étudiants", il avait dû souffrir en Russie de devoir renoncer aux ouvrages qu'il voulait. Chaque année il faisait une lithographie pour Derrière le miroir, la revue éditée par Aimé [Maeght], elle aussi bon marché, mais ces revues faisaient la joie des marchands et des spéculateurs, on trouve un peu partout ces lithos encadrées, à prix exorbitants, dont le pli intérieur a été repassé. "Ce n'est pas parce qu'il y a des gens malhonnêtes qu'il faut punir tout le monde" était l'avis sensé des deux hommes.
Je devais étudier la peinture mais surtout les peintres et leurs biographies, plutôt celles insistant sur leur pauvreté, leur misère récurrente et inéluctable. Il oubliait bien sûr de parler de Picasso, de Braque, de Dali, oubliait les nouveaux, Buffet, Mathieu, de Staël, les Américains, Stella, Lichtenstein et déjà Warhol, dont les limousines faisaient passer la Rolls d'Aimé pour une Fiat 500, ces gens-là avaient eu de la chance, voilà tout. On parlait plutôt de Soutine : Ce pauvre émigré était arrivé de Minsk en haillons, gelant à la Ruche, obligé pour survivre de voler de la viande rue de Vaugirard, presque laissé pour mort un méchant soir d'hiver après une bagarre avec des clochards qui en voulaient à sa pourtant maigre pitance.
Soutine, il est vrai, avait une vie pénible, mais ce que mon père décrivait comme une agression cachait une histoire plus cocasse, dont il avait, je crois, un peu honte : Lui travaillait nu malgré le grand froid qui régnait dans son atelier, comme il n'avait en fait qu'un seul jeu de vêtements il ne voulait pas les tacher en peignant. Le jeune peintre ukrainien achevait son grand Bœuf écorché d'après un modèle cru venant des abattoirs. Une carcasse de bœuf coûtait vraiment cher alors il voulait en faire plusieurs tableaux et bien sûr la viande s'était décomposée, peu à peu le rouge vif était devenu vert. Ne pouvant acheter un autre demi bœuf il est retourné rue de Vaugirard chercher un seau de sang dont il a aspergé son modèle. Le sang a éclaboussé toute la pièce, est passé à travers les lattes du plancher et a dégouliné chez mon père qui est sorti tout nu dans la rue en criant : "Au secours, on assassine Soutine!" [...]
Pages 71 - 72 - 73
David McNeil, in Quelques pas dans les pas d'un ange, éditions Gallimard, 2003.

(A suivre...)


***

Je ne vous embrasse pas je ne vous embrasse pas je ne vous embrasse pas (*_*) Non mais!

mercredi 27 juillet 2016

***

Et... trois ans plus tard, Julie Fuchs était ce soir aux Chorégies d'Orange  avec
La mélodie du bonheur!




Hum! J'a do re  le solfège (*_*) 

Et, Le roi carotte  de Jacques Offenbach vous connaissez?
Un opéra-bouffe. Hi!



Faire du rire un chasse-spleen (gratuit)

mardi 26 juillet 2016

Je... Je vous embrasse





Camille Claudel, La petite châtelaine, marbre (1895), musée Rodin, Paris.

Monsieur Rodin,


Comme je n’ai rien à faire je vous écris encore. Vous ne pouvez vous figurer comme il fait bon à l’Islette.


J’ai mangé aujourd’hui dans la salle du milieu (qui sert de serre) où l’on voit le jardin des deux côtés. Mme Courcelles m’a proposé (sans que j’en parle le moins du monde) que si cela vous était agréable vous pourriez y manger de temps en temps et même toujours (je crois qu’elle en a une fameuse envie) et c’est si joli là !

Je me suis promenée dans le parc, tout est tondu, foin, blé, avoine, on peut faire le tour partout c’est charmant.


Si vous êtes gentil, à tenir votre promesse nous connaîtrons le paradis. Vous aurez la chambre que vous voulez pour travailler. La vieille sera à nos genoux, je crois.

Elle m’a dit que je [mot manquant: pouvais ?] prendre des bains dans la rivière, où sa fille et la bonne en prennent, sans aucun danger.


Avec votre permission, j’en ferai autant car c’est un grand plaisir et cela m’évitera d’aller aux bains chauds à Azay. Que vous seriez gentil de m’acheter un petit costume de bain, bleu foncé avec galons blancs, en deux morceaux, blouse et pantalon (taille moyenne), au Louvre ou au Bon Marché (en serge) ou à Tours.


Je couche toute nue pour me faire croire que vous êtes là mais quand je me réveille ce n’est plus la même chose.


Je vous embrasse


Camille


Surtout ne me trompez plus.

(Pour "voir" la lettre originale manuscrite de Camille Claudel à Auguste Rodin, c'est ici)

dimanche 24 juillet 2016

Je ne vivais pas, mais je le savais

Un dimanche sous un ciel gris, laiteux, orageux.
Pour chasser les pensées indésirables je m'attelais à un travail manuel et je commençais la peinture d'une fenêtre à midi, celle encore à l'ombre (oui, même derrière les nuages le soleil chauffe). Les autres attendront, dans la semaine, plus tôt dans la matinée ou, le soir...
Je déjeunais ensuite, vers deux heures,  de ce que j'avais dans mon frigo sans faire de préparation : tomate, œuf dur, yaourt, café, gâteau breton, en mettant la radio que je n'écoutais pas vraiment.. Hier à la même heure et en déjeunant aussi frugalement, j'écoutais - pas d'une oreille distraite - Michel Onfray, une de ses conférences, celle-là sur les Gitans, leurs coutumes. Intéressant. Intéressantes aussi ses réflexions sur le "ne rien faire", sur "les conversations des gens" qui, pour la plupart ne répètent que ce qu'ils entendent à la télévision, à la radio; il ne font "que répéter" alors qu'ils croient formuler leurs propres réflexions. Je trouvais cela tellement juste que je jubilais. Il l'exprimait plus clairement que moi. Je notais aussi cette formule : "Dire sa vie ce n'est pas la vivre"; je pensais à la mienne, je ne vivais pas, mais je le savais. Mais qu'est-ce que vivre?... Et il revenait à la vie des Gitans :
"Formule tzigane : après-demain, demain sera hier. Nous allons examiner la signification de cette expression qui n’est pas qu’un jeu de mots, mais qui concentre véritablement une philosophie, c'est-à-dire un rapport au temps, au cosmos, à soi et donc à l’univers."

C'était dimanche, je traînais, mais pas plus que les autres jours. A 15 h 30 il était temps que j'aille mettre le nez dehors, je me décidais à aller au Quartier - qui va bientôt disparaître - et je vérifiais via Google l'heure de fermeture : 18 heures, ça me laissait du temps pour voir l'expo. J'arrivais à 16 heures et trouvais porte close (merci Google!). Tant pis, je reviendrai avant le 31 août; les dimanches d'ennui ne manquent pas. La façade avait subi des dégradations.





J'aurais dû m'en douter. En arrivant dans le centre ville tout était déjà barricadé, entrée payante, la foule des grands jour attendait le défilé final qui clôturait le Festival de Cornouaille.
Prise au piège, je faisais demi-tour et me retrouvais parmi les badauds, lesquels - ici devant la médiathèque - étaient plongés le nez dans leur écran ou se prenaient en photo. Aucune luminosité dans le ciel, il ne fallait pas se plaindre, le Festival se termine parfois sous la pluie, j'avais  tenté l'année dernière de trouver une place dans la foule pour voir celle qui serait élue Reine de Cornouaille mais c'était impossible. (Comme c'est étrange pour moi de relire ce billet de juillet 2013. Trois ans plus tard... je revis une tristesse encore plus grande; et je vieillis, deviens plus fragile, ma carapace ne me protège plus, je n'arrive plus à encaisser les coups durs. Ce blog Journal m'est utile, c'est ma mémoire).


Je m'éclipsais rapidement et prenais le chemin du retour par des petites rues calmes .



Sur le quai, le long de la rivière, j'entends une jeune femme : "it's nice, it's funny"; elle parlait à son compagnon qui prenait une photo. Je me retourne pour voir ce qui était nice et funny! Oh yes! A mon tour de le prendre en photo, discrètement, au zoom.


Very nice!


Very funny!


Original un motard en kilt!
Le coup de vent était trop léger;-) pour savoir si..., 
comme l'exigerait la tradition!




vendredi 22 juillet 2016

J'aime les nuages



Je ne voulais pas talonner les deux joueurs qui me précédaient. 
J'attendais pour taper mon coup. Ça me laissait le temps de reprendre mon souffle dans la montée du 2.
J'appréciais le silence.
Je regardais le ciel et ses nuages. 
J'avais le temps de faire une photo. Le viseur cadrait le soleil derrière le nuage, d'où l'effet sombre de contre-jour.
J'aimais cet alignement de nuages qui suivait la courbe des arbres; le ciel bleu qui apparaissait était comme une mer rafraîchissante. 




Je pensais à toi... à lui.
Un joueur me suivait, il m'a rattrapée sur le trou suivant. Nous nous connaissions un peu, il jouait souvent avec lui. Nous avons terminé le parcours ensemble.

- Qui aimes-tu le mieux, homme énigmatique, dis ?
ton père, ta mère, ta sœur ou ton frère ?
- Je n'ai ni père, ni mère, ni sœur, ni frère.
- Tes amis ?
- Vous vous servez là d'une parole dont le sens m'est
resté jusqu'à ce jour inconnu.
- Ta patrie ?
- J'ignore sous quelle latitude elle est située.
- La beauté ?
- Je l'aimerais volontiers, déesse et immortelle.
- L'or ?
- Je le hais comme vous haïssez Dieu.
- Eh ! qu'aimes-tu donc, extraordinaire étranger ?
- J'aime les nuages... les nuages qui passent... là-bas...
là-bas... les merveilleux nuages !

Charles Baudelaire, L’Étranger.

 


mardi 19 juillet 2016

***

J'avais réussi à maintenir une température supportable dans mon appartement, fenêtres fermées, stores baissés dans la journée. Mais aujourd'hui ce n'était plus tenable, malgré ces précautions et les fenêtres grandes ouvertes la nuit.
Après avoir somnolé dans la fournaise pour récupérer de ma nuit aux multiples réveils, je me décidais à rappeler les Pompes Funèbres (MDR) pour un complément d'informations et, la mairie de... au sujet de la prolongation de la concession (re MDR). Tout commençait à s'éclaircir, si j'ose dire, de ce côté-là. J'en savais assez pour me débrouiller. Inutile de signer un contrat obscène obsèques, trop de contraintes : délai de carence... exclusions de garantie... pfff! Un feuillet manuscrit de ses dernières volontés suffit. Faire faire des devis était tout de même une bonne idée, ainsi j'ai toutes les options en main pour faire mon papier et le distribuer à ma famille : demandez le programme! Hé hé! Hop! Ouf!
Je sentais qu'il était temps de changer d'air, mon ventilateur brassait de l'air chaud, je changeais aussi de tenue rapidement - ou plutôt j'en mettais une - et je filais en voiture  à Sainte-Marine. Je marchais un peu pour me dégourdir les jambes et surtout la tête, il y avait un délicieux petit vent, quel bonheur. La mer était haute, je ne m'installais pas à la terrasse de mon petit Café de la Cale habituel mais à celle du Café du Port; je recherchais de l'ombre, elle était de ce côté-là.
Je trouvais presque miraculeuse cette fraîcheur océane alors qu'il n'y avait pas un souffle d'air en ville dans l'étouffante chaleur.
Oui, j'étais bien, là, à regarder l'eau, enfoncée dans mon fauteuil presque relax. Il n'était que 18 heures, j'avais le temps de ne rien faire, juste ne rien faire, ne penser à rien d'autre qu'à être là, sans penser à toute cette tristesse accumulée depuis bientôt deux mois. La vie était trop belle et trop courte maintenant, pour que je perde mon temps à vouloir la perdre (je me comprends). J'avais pris un livre mais je ne parvenais à me concentrer sur ce que je lisais. Je lisais cela (et je le refermais, satisfaite) :
Lundi 24 juillet 1961, Golfe-Juan
En panne sur cette immense Côte d'Azur. Climat léthargique, gens affreux, vulgarité suffocante.
Jean-René Huguenin, Journal.

 Mes photos de début de soirée




Et dimanche, de la terrasse (photo ci-dessous, Baie d'Audierne) nous avons vu, par hasard,  passer le Tour de Bretagne de cyclisme féminin! C'était la première fois de ma vie! que je voyais - en vrai - d'aussi près un peloton de cyclistes. Il est passé à une telle vitesse que je n'ai pas eu le temps de le prendre en photo. Mon amie me dit : mais pourquoi toutes ces voitures qui suivent? (Elles avaient toutes des vélos sur le toit, la réponse était facile non?) - Mais pour les vélos de rechange si des cyclistes tombent en panne (je-di-ça-je-dis-rien).



Époustouflant un peloton qui passe : vvlouf! (Ce n'est sûrement pas le bon mot mais je n'en connais pas d'autre (0_0))


Cardinaux, Liberté retrouvée, Huile sur toile 1980
(Je l'appelle Les cyclistes ;-))