mercredi 31 décembre 2014

N'attendez pas minuit... Tsss!






Sur le baiser : lire l'ouvrage d'Alexandre Lacroix 

"Les Bons Plaisirs vous proposent une radiographie d’un plaisir qui mobilise une trentaine de muscles faciaux, qui évoque à la fois la morsure réprimée et l’abandon des amants, la dévoration cannibale et le primat de l’oralité chez l’être humain, et qui reste le plus beau geste du désir, le baiser…
Les origines du baiser restent floues.
Il semble que chez l’être humain ce soit un acte culturel et non inné.
Qu’au fil de l’histoire toutes les cultures ne l’aient pas adopté.
Les Romains ont codifiés une typologie des baisers, les premiers Chrétiens s’embrassaient en signe de reconnaissance, et il a fallu attendre des poètes du 16ème siècle pour amorcer une mondialisation du baiser, parachevé par le baiser hollywoodien qui l’a mythifié comme l’acte fondateur des débuts de l’amour.
Le refus du baiser signalant assurément la fin de l’amour."

lundi 29 décembre 2014

"C'est une lourde peine de vivre ainsi en animal"


Femelle panthere des neiges et son bébé

Panthère des neiges et son petit



En cette période de fêtes mortelles je me délecte avec les documentaires animaliers à la télévision. La vie des animaux dans leur milieu naturel me fascine. Cruauté des scènes de capture, nécessaire à la survie des espèces qui doivent trouver leur nourriture, pour eux et leurs petits, et parfois les proies se font rares. Pour qui prendre parti dans la lutte sanglante? Le fort ou le faible? J'accepte qu'un animal en tue un autre pour le dévorer mais je refuse qu'un humain (chasseur) fasse de même. Ce qui est douloureux tout de même à regarder et à entendre, c'est la souffrance de l'animal capturé qui ne meurt pas d'un coup de croc mais lentement, dans des gémissements insupportables (scène d'une panthère avec une biche) pendant que l'animal déchiquette sa proie. 
Cruauté mais aussi beauté de la nature, des animaux, des couleurs incroyables de certaines espèces (les oiseaux, les poissons en particulier. Revu également le film de Jacques Perrin : Océans).

Samedi dans Répliques l'émission d'Alain Finkelkraut il était question de La forme animale.  Je relevais une citation, - à propos du (non)langage chez l'animal - faisant référence à Horkheimer et Adorno, que j'ai retrouvée dans La dialectique de la raison :

"L'animal répond à son nom et n'a pas de moi, il est refermé sur lui-même et cependant exposé à l'extériorité, une contrainte succède à l'autre, aucune idée ne la transcende. Privé de réconfort, il ne connaît pas pour autant une angoisse moins grande, la conscience du bonheur qui lui fait défaut ne le libère pas pour autant de la tristesse et de la douleur. Pour que le bonheur se matérialise, qu'il concède la mort à l'existence, il faut une mémoire susceptible d'identification, une connaissance apaisante, l'idée religieuse ou philosophique, bref le concept. Il y a des animaux heureux, mais que ce bonheur est bref! Pour l'animal, la durée que ne vient pas interrompre la pensée libératrice, est triste et dépressive. Pour échapper au vide lancinant de l’existence, il faut une capacité de résistance à laquelle le langage est indispensable. Même l’animal le plus fort est infiniment faible. La thèse de Schopenhauer selon laquelle la vie oscille entre la douleur et l’ennui, entre de brefs instants où l’instinct est satisfait et un désir ardent qui ne connaît pas de fin, s’applique bien à l’animal, auquel aucune connaissance ne permet d’arrêter le destin. L'âme de l'animal recèle les différents sentiments et besoins propres à l'homme, voire les rudiments de l'esprit sans qu'il ait le soutien que seule la raison organisatrice peut apporter. "



 (Jean Marais dans La Belle et la Bête)

"Où cesse l'animal, où commence l'homme?"

Friedrich Nietzsche dans  Considérations inactuelles (1876) écrit :
 
"De tout temps, les hommes profonds ont toujours eu pitié des animaux, de cela justement qu'ils souffraient de la vie et n'avaient pourtant pas la force de tourner contre eux-mêmes l'aiguillon de la souffrance et de comprendre leur existence de manière métaphysique; la souffrance dépourvue de sens a au plus profond quelque chose de révoltant. Aussi sur divers points de la terre est née la supposition que les âmes des hommes coupables sont reléguées dans ces corps d'animaux et que cette souffrance au premier regard révoltante et dépourvue de sens se résolvait en pure intelligibilité selon la justice éternelle, en tant que peine et expiation. En vérité, c'est une lourde peine de vivre ainsi en animal, soumis à la faim et au désir et de ne pas même parvenir à la moindre conscience sur cette vie. Comment imaginer destin plus lourd que celui de la bête de proie, pourchassée dans le désert par le plus rongeur des tourments, rarement satisfaite et ne l'étant jamais qu'avec une satisfaction qui se fait douleur, soit dans la lutte sanglante avec d'autres animaux, soit dans la voracité répugnante et le trop-plein de la satiété ? Tenir à la vie avec cet aveuglement, cette folie, y tenir sans autre ambition, loin de savoir que l'on est ainsi puni et pourquoi on l'est, mais au contraire dans la stupidité d'un effroyable désir, aspirer à ce châtiment comme à un bonheur, c'est cela être animal; et si la nature entière s'empresse vers l'homme, elle donne aussi à entendre qu'il lui est nécessaire pour la délivrer de la malédiction de la vie animale et qu'enfin en lui l'existence se présente à elle-même un miroir sur le fond duquel la vie n'apparaît plus insensée mais au contraire dans sa signification métaphysique. Pourtant, que l'on y réfléchisse bien : où cesse l'animal et où commence l'homme ? Cet homme qui importe seul à la nature ! Aussi longtemps que quelqu'un réclame la vie comme un bonheur, il n'a pas encore élevé son regard au-dessus de l'horizon de l'animal, si ce n'est qu'il veut avec davantage de conscience ce que l'animal cherche dans une pulsion aveugle. Mais c'est ainsi qu'il en va pour nous tous durant la plus grande partie de notre vie : nous ne sortons pas d'ordinaire de l'animalité, nous sommes nous-mêmes ces animaux qui semblent souffrir sans raison.
  Mais il est des moments où nous comprenons cela : alors les nuages se déchirent, et nous voyons comment nous-mêmes avec la nature tout entière nous nous empressons vers l'homme comme vers quelque chose d'élevé au-dessus de nous. Frissonnant dans cette clarté soudaine, nous jetons nos regards alentour et en arrière : là s'agitent les bêtes de proie affamées et nous sommes au milieu d'elles. La monstrueuse mobilité des hommes sur le grand désert terrestre, les villes et les États qu'ils fondent, leurs guerres, leur activité incessante d'accumulation et de dépense, leur cohue, leur façon d'apprendre les uns des autres, de se tromper et de se piétiner mutuellement, leurs cris dans la détresse, leurs clameurs dans la victoire - tout cela est le prolongement de l'animalité; comme si l'homme devait être à dessein rétrogradé dans son éducation et frustré par tromperie de sa disposition métaphysique, et, pour tout dire, comme si la nature après avoir si longtemps désiré l'homme et travaillé à lui, tremblait maintenant devant lui et préférait retourner à l'inconscience de l'instinct.
  Tout cela, je l'ai dit, nous le comprenons de temps à autre et nous nous étonnons beaucoup de ce vertige d'angoisse et de précipitation et de tout ce qu'il y a de rêve dans notre vie qui semble redouter le réveil et rêve avec d'autant plus de vivacité‚ et d'inquiétude qu'elle approche de celui-ci. Mais nous sentons en même temps que nous sommes trop faibles pour supporter longtemps ces instants de repliement au plus profond et que nous ne sommes pas les hommes vers lesquels la nature aspire pour sa délivrance : ce nous est déjà beaucoup de pouvoir, un instant, dégager notre tête et remarquer dans quel fleuve nous sommes plongés. Et même à cette émergence, à cet éveil d'un instant vite évanoui, nous n'y parvenons pas de notre propre force, il faut que nous soyons soulevés - et quels sont ceux qui nous soulèvent ? Ce sont ces hommes véritables, ceux qui ne sont plus des animaux, les philosophes, les artistes et les saints ; dès qu'ils paraissent - et avec cette apparition - la nature qui ne bondit jamais fait son unique bond, et c'est un bond de joie, car pour la première fois elle se sent arrivée au but, là où elle comprend qu'elle doit désapprendre à se chercher des fins et qu'elle a misé trop haut dans le jeu de la vie et du devenir."
 (Source)

(Les caractères en gras sont de mon fait).

jeudi 25 décembre 2014

Un chouette Noël

25 décembre, 12 h 45.

Pas un golfeur sur le parcours humide, ni au practice. Seule une mouette à la recherche d'une graine à picorer.




La surface des greens, vierge de pas, brille de rosée. Je suis la première (et serais peut-être la seule de la journée) à marcher sur cette moquette argentée, parsemée de feuilles et de turricules (tortillons) de vers de terre.




L'air est frais, tonique, vivifiant.
En marchant vers ma balle, difficile à retrouver dans le fairway non tondu, je pense aux très jeunes enfants  qui ont ouvert leurs cadeaux au pied du sapin, à leur joie, à leurs cris, à leur rapide désintérêt de la chose, c'est souvent le cas. Je pense aux familles réunies qui vont s'attabler et se taper la cloche la dinde pendant que je tape dans ma balle. Mon choix est vite fait.
Je lève les yeux au ciel entre deux coups. Tiens, je ne te vois pas aujourd'hui.  Mais hier soir je t'ai vu, c'est sûr. Tu étais un de ces oiseaux...





mercredi 24 décembre 2014

Pfff ! Tsss !



Viens petite fille dans mon comic strip
Viens faire des bull's, viens faire des WIP!
Des CLIP! CRAP! des BANG! des VLOP! et des ZIP!
SHEBAM! POW! BLOP! WIZZ!
[...]
Ça fait VLAM! ça fait SPLATCH! et ça fait CHTUCK!
Ou bien BOMP! ou HUMPF! parfois même PFFF!

mardi 23 décembre 2014

"Soyez joyeux et plein de confiance"

23 décembre 1903. 

Mon cher Monsieur Kappus,

Mon salut ne doit pas vous manquer pour le temps de Noël, quand, au milieu de la fête, vous porterez votre solitude plus durement qu'en un autre temps. Si vous sentez qu'alors votre solitude est grande, réjouissez-vous-en. Dites-vous bien : Que serait une solitude qui ne serait pas une grande solitude ? La solitude est une : elle est par essence grande et lourde à porter. Presque tous connaissent des heures qu'ils échangeraient volontiers contre un commerce quelconque, si banal et médiocre fût-il, contre l'apparence du moindre accord avec le premier venu, même le plus indigne... Mais peut-être ces heures sont-elles précisément celles où la solitude grandit et sa croissance est douloureuse comme la croissance des enfants, et triste comme l'avant-printemps. N'en soyez pas troublé. Une seule chose est nécessaire : la solitude. La grande solitude intérieure. Aller en soi-même, et ne rencontrer durant des heures personne c'est à cela qu'il faut parvenir. Être seul comme l'enfant est seul quand les grandes personnes vont et viennent, mêlées à des choses qui semblent grandes à l'enfant et importantes du seul fait que les grandes personnes s'en affairent et que l'enfant ne comprend rien à ce qu'elles font.
[...]

[...]

[...]

[...] 

Soyez joyeux et plein de confiance.

Votre
Rainer Maria Rilke


 

Photo empruntée au Clown Lyrique

 © Helga Kneidl, Romy Schneider à Paris en mai 1973

"On s'éveille un beau matin et l'on brasse le vide autour de soi. Plus de conversation, plus de compagnie, plus de courage, impossibilité de donner encore parce qu'on a déjà tout donné. Tout ce qu'il était possible de donner."
(Romy Schneider)

jeudi 18 décembre 2014

"Je ferme les yeux. La nuit tombe."... j'entends Oum Kalsoum


Lu ce texte sur le site La Revue des Ressources.


Le Nil coule à Bruxelles par Mohamed Kacimi

Je viens de débarquer à Bruxelles. J’aime Bruxelles car la ville à mes yeux a la beauté d’un Paris qu’on aurait vidé des Parisiens. Aujourd’hui sortant à la Gare du Midi j’ai pris le métro et là j’ai été frappé par l’ambiance extraordinairement exotique qui y régnait, un mélange de Casamance et de Rif, partout des jeunes filles voilées et des femmes drapées, des grands mères tchadorisées, des enfants, par grappes, pleurant, tétant, riant ou rotant. Il y régnait, selon l’expression des touristes français, une ambiance de souk, avec les parfums, les épices, les odeurs. Ah l’Orient en rut entre le Parvis de Saint Gilles et les Etangs noirs. Absorbé, fasciné par ce spectacle, je me suis cru au Caire et je n’ai pas de place ici pour dire l’amour que j’ai pour le Caire. Arrivé à Sainte Catherine, j’étais tellement convaincu d’être au Caire pour de vrai que j’ai arrêté un taxi et en prenant place j’ai dit au chauffeur dans un arabe classique parfait :

– La mosquée Al Hussein face au Khan Khalili s’il vous plait et que Dieu illumine votre visage.
Et le chauffeur, un flamand natif de Kloosterzande me répond dans un égyptien irréprochable :
Alla rassi, ya Bacha, alla ayni. Bas toumour (ce qui veut dire : « Je vous porterai sur ma tête, sur mes yeux, Ô Pacha, il vous suffit de me commander. ») — Je ferme les yeux. La nuit tombe. Les enceintes diffusent la voix de la diva Oum Kalsoum qui me susurre :
« Ne me quitte pas, il faut oublier, oublier le temps des malentendus et le temps perdu à savoir comment oublier ces heures qui tuaient parfois à coups de pourquoi le cœur du bonheur. »


M. K.


Envie de souk
de promenade en felouque.
Envie d’odeurs piquantes
d’épices enivrantes.
Envie de couleurs chatoyantes
de terre ocre, de soleil brûlant.
Envie d’un thé à la menthe sirupeux
au café El-Fishawi...

Envie de revoir le Nil... Un petit tour à Bruxelles?

  (Photo supprimée par l'auteur. Tsss!)

(Photo remise le 19.12. 2017. Tsss!)

 Le Caire : toi et moi en felouque, mars 1980.

lundi 15 décembre 2014

***

Prix Louis Delluc pour Sils Maria de Olivier Assayas.

"Reparti bredouille du Festival de Cannes - où un prix d'interprétation féminine ou du scénario n'aurait pourtant pas été immérité -, le film reçoit cette consécration au terme d'une carrière commerciale plutôt décevante (230 000 spectateurs*)."

*Un film réservé à une élite. Non mais!

Vu Timbuktu : mérite aussi une "consécration".

dimanche 14 décembre 2014

"J'arrête le Mediator, je reprends du Margaux"

Bordeaux

[...] 

"Reprenons courage : n’est-ce pas le président chinois Hu Jintao qui, dans un toast porté à l’Elysée, a déclaré que la France n’était pas seulement le pays de l’Airbus et du TGV, mais aussi celui de Montesquieu, de Voltaire, de Rousseau, de Hugo, d’Alexandre Dumas ? On a fait boire, ce soir-là, à cet honorable banquier chinois, un bordeaux 1942, date de sa naissance. S’il y avait eu un second toast, nul doute, il aurait fini par citer mon nom. Comme l’a dit le président Mao : « L’avenir est radieux, mais le chemin est tortueux. » Décision : j’arrête le Mediator, et je reprends du margaux."

Philippe Sollers, Journal du mois de novembre 2010.

"Divide et Impera" : Divise et Règne. (Machiavel)

Vu hier soir sur Arte un documentaire : Les Alpes à vol d'oiseau. Paysages grandioses. On remarque sur de nombreux sommets, des croix nues ou avec un Christ. Je ne suis pas croyante mais je trouve ces croix magnifiques dans ce paysage; je les regarde comme des œuvres d'art, spirituelles, qui invitent à la médiation, comme n'importe quelle œuvre d'art dont la beauté atteint des sommets (si j'ose dire). Le silence de cet environnement est propice à la méditation et, sans doute, à la joie des montagnards qui, après d'intenses efforts, atteignent de tels lieux.

Pour voir les images de cette croix dans son contexte cliquer sur ce lien, vous y serez.






(Captures d'écran)

Je pense à cette polémique sur la laïcité et la religion. Doit-on interdire les crèches dans des administrations voire dans des lieux publics? Une crèche dans une mairie, c'est assez spécial. Mmm! Mais bon, comme on entre de moins en moins dans les églises... Il est vrai que lorsque j'étais enfant, nous allions les voir dans les églises. Plaisir des yeux et des enfants. En Provence les crèches sont dans les rues, domaine public, ça ne me choque pas, c'est là que sont fabriqués (créés) les plus beaux santons. Et j'avoue m'attarder devant les crèches, en vitrine.Tout devient prétexte à interdiction : polémiquer pour mieux diviser. Diviser pour mieux régner! Et, je découvre que le sujet a déjà eu cours, concernant les croix au sommet des montagnes!

vendredi 12 décembre 2014

Promenade dominicale fantaisiste

Dimanche 7 décembre.




Dans les rues de Quimper, le prêtre
a adopté la trottinette comme mode de transport.

Le père Erwan de Kermenguy, 29 ans, se déplace en trottinette à Quimper pour assurer son ministère de vicaire de l'ensemble paroissial et d'aumônier des collèges et lycées publics.

(Crédit photo ci-dessus : Côté Quimper)

La patinoire



Puis, énième visite au musée des Beaux-Arts...

Pour revoir des classiques...



Jacques-Charles Oudry, Gibier mort, 1759




Fernand Le Quesne ( Paris, 1856 - Pau, 1932), La Légende de Kerdeck
(Oups! Pas ma tasse de thé. La Naissance de Vénus de Cabanel ne m'enthousiasme guère plus! Je n'y vois que des "Vénus à la crème" 
 (Dixit Joris-Karl Huysmans l))


(Cliquer pour lire le "poème")


Les Lavandières de la nuit de Yan' Dargent représentent la mort. 
Celles de Fernand Le Quesnes sont en effet plus affriolantes. 



Adriaen Hanneman (La Haye, 1604 - La Haye, 1671)
Portrait de Dana Van Vrijberghe


(Je me suis arrêtée devant ce portrait, lui trouvant
une ressemblance avec le visage de Madeleine Chapsal).



Pardon? J'ai un problème de vue?  Mais non, il y a un je-ne-sais-quoi, indicible.

Photos : capture d'écran, vidéo, Bernard Pivot invitait 
Madeleine Chapsal pour La Maison de Jade.
(Maman... souvenir... je te l'avais offert...)

... et quelques nouvelles acquisitions.


(Beaucoup plus lumineuse en réalité que sur la photo.
Petit coup de cœur pour cette toile.)



Félix Vallotton, Paysage avec des arbres ou Derniers rayons
(Celle-ci je la connaissais mais je trouvais intéressant de comparer ces arbres
des deux artistes. Je n'avais pas de recul pour prendre la photo. 
Idem, plus lumineuse que...)



Jacques Villeglé né le 27 mars 1926 à Quimper



"À travers l’usage quasi-exclusif d’un matériau unique – l’affiche lacérée –, Jacques Villeglé a développé une œuvre d’une étonnante richesse formelle."

"En 1961, Jacques Villeglé crée Carrefour Sèvres / Montparnasse, une affiche lacérée aux couleurs éclatantes repérée par les américains et permettra à l'artiste d'obtenir l'étiquette de précurseur du Pop Art. Jacques Villeglé se différencie d'Andy Warhol ou de Roy Lichenstein par l'importance accordée à la dimension formelle, aux qualités plastiques de l'affiche et non aux slogans et aux marques. Pour lui, « un artiste se doit d'apporter une nouvelle beauté ». La recherche sur la couleur est constante chez cet artiste : « L'affiche, émanation de la propagande des pouvoirs politiques et financiers, c'est par les couleurs qui débordent des déchirures qu'elle devient fleur de la vie contemporaine, affirmation d'optimisme et de gaieté."
(Wikipédia)

(Cliquer sur les images, pour afficher clic droit)

mercredi 10 décembre 2014

"Oh ! L'implacable essaim de devoirs parasites"

 

Dessin de François Matton

Le temps perdu 


Si peu d’œuvres pour tant de fatigue et d'ennui !
De stériles soucis notre journée est pleine :
Leur meute sans pitié nous chasse à perdre haleine,
Nous pousse, nous dévore, et l'heure utile a fui...

"Demain ! J'irai demain voir ce pauvre chez lui,
"Demain je reprendrai ce livre ouvert à peine,
"Demain je te dirai, mon âme, où je te mène,
"Demain je serai juste et fort... pas aujourd'hui."

Aujourd'hui, que de soins, de pas et de visites !
Oh ! L'implacable essaim des devoirs parasites
Qui pullulent autour de nos tasses de thé !

Ainsi chôment le cœur, la pensée et le livre,
Et, pendant qu'on se tue à différer de vivre,
Le vrai devoir dans l'ombre attend la volonté.


Sully Prudhomme, Tendresses et Solitudes. 

samedi 6 décembre 2014

Je n’ai plus pleuré de ne pas croire, car j’ai ri en voyant ceux qui croyaient





Catherine Pozzi, photographiée par Nadar en 1882
(Photo extraite de l'ouvrage Journal de jeunesse 1893-1906,
éditions Claire Paulhan 1995)



En 1898, Catherine Pozzi, adolescente, découvre Nietzsche. Exaltation. 

Mardi 3 mai [1898] 

Nietzsche, Nietzsche, Nietzsche !
Quelle  révélation ! Un livre sur lui (1), que j’ai dévoré, a fait tout à coup un grand jour dans mon âme. Un grand jour !
Regardez, regardez ! Je ne suis plus la même… il fait clair dans mon esprit, clair, doux, pur.
Je suis forte. Enfin, enfin, voici la paix !! Ah, Nietzsche ! Il m’a fait voyager à travers le monde, il m’a fait toucher du doigt toutes les misères et toutes les hypocrisies ; il m’a tendu la coupe empoisonnée, j’y ai bu à pleines lèvres… et je suis guérie. Y a-t-il encore de ces miracles ? Trouver la paix là où tant d’autres trouvent la folie et la mort ?
Mais cela est. Maintenant, je suis forte. J’ai d’abord vu la bêtise de toute religion (2). J’ai vu et compris ces faiblesses. J’ai connu l’absurdité et l’hypothèse d’un Dieu, d’une immortalité de l’âme, d’une âme. Et cette absurdité même m’a guérie. Je n’ai plus pleuré de ne pas croire, car j’ai ri en voyant ceux qui croyaient.
J’ai compris que l’homme n’était rien encore, que sa douleur sera éternelle. J’ai même accepté la souffrance, car elle est nécessaire à ce perpétuel enfantement de la nature qui se détruit elle-même. Je n’ai plus voulu la mort – car j’ai vu enfin ce qu’il y a de beau et de grand dans la vie : c’est l’avenir ! L’avenir, qui apportera, par la merveille de transformisme qui a fait du ver le singe, du singe l’homme, le surhomme c’est-à-dire l’homme, perfectionné à ce point que la différence entre lui et nous sera égale à celle qui nous sépare du singe ; le surhomme, cette intelligence à qui la nature sacrifie tout, pour arriver à produire mieux, toujours mieux. Nous sommes un pont entre le singe et le surhomme, nous souffrirons, nous serons sacrifiés, nous saignerons sous cette pression toujours plus forte que la nature, et nous crierons grâce…
Eh bien, souffrons ! Souffrir pour un tel but est grand, noble beau, heureux. En voyant cette merveille dont nous ne sommes que l’ébauche briller en nos songes, nous aurons le courage de dire « oui » à la vie. Puisque cette vie est utile, nous sommes destinés à souffrir encore et toujours avant d’arriver à satisfaire l’aspiration éternelle, et nous souffrirons, en jouissant de la beauté de la vie, qui prépare encore de si merveilleuses combinaisons dont nous sommes la matière encore informe. Ainsi, après avoir déroulé sous nos yeux le désolant tableau des douleurs humaines, Nietzsche console et guérit en montrant le but si haut vers lequel nous montons. Nous ne verrons jamais le Surhomme, hélas ! Nous sommes des parcelles brutes de matière toujours en mouvement, mais que cela nous suffise d’admirer la vie et la Beauté vers laquelle elle aspire.
Nietzsche veut la force. La force morale individuelle, qui ne recule devant rien et dont les défaites sont des victoires. Il hait le faible, tous les faibles et tous les médiocres. « Les esclaves » comme il les appelle, ceux qui plient sous les autres et dont l’hypocrisie s’élève au-dessus des forts, il les a décrits en une page d’une verve, d’une énergie et d’une vérité étonnante. Venez ici, tous, et ôtez vos masques, on vous juge !

  1. Il est probable que Catherine a lu A travers l’œuvre de Frédéric Nietzsche, par Paul Lauterbach et Adrien Wagnon, paru à la librairie A. Schulz, en 1893. De l’œuvre de Friedrich Nietzsche (1844-1900), qui n’était pas encore mort, mais avait perdu la raison depuis neuf ans, cet ouvrage fur le premier à proposer en France des extraits traduits : il s’agissait pour les auteurs de « donner à feuilleter, sous forme d’abrégé, la future édition française de l’œuvre de F. Nietzsche, au moment même où, après l’art et la littérature, la science et la politique allemandes commencent à subir son influence ».
  2. Dans un des ses cahiers de travail du printemps 1929, Catherine, faisant l’historique de son propre sentiment religieux, écrivit : « Quand j’avais une quinzaine d’années, j’ai « quitté l’église », sur la foi de la philosophie de Nietzsche et de Madame Ackermann… »


Mardi 10 mai [1898] 

J’ai découvert – ô joie ! – un livre de Nietzsche dans la bibliothèque : La Généalogie de la morale (1).
Aussitôt je me suis cachée dans un coin, derrière un rideau, pour jouir seule, bien seule, de mon trésor. Admiration. Je l’ai seulement commencé, et peux dire seulement à la hâte que le début me ravit.
J’ai découvert aussi, dans un coin noir, poudreux, une mine inépuisable de philosophes. Quelle découverte ! J’ai parcouru Taine, et réservé Renan pour la fin. Oh apprendre ! apprendre ! apprendre ce que les jeunes filles ne savent pas, mais ce qui me tient, m’enfièvre, le pourquoi, le pourquoi de la vie… Apprendre, lire, savoir ! ou du moins, si je ne puis savoir, approcher, approcher le plus près possible…..
Je vais ce soir avec Maman à une soirée donnée par une vieille amie de Papa, Mme Aubernon de Nerville (1), sorte de Marquise de Rambouillet plus moderne, faisant des « mots », de l’esprit, se piquant de littérature. On doit jouer une pièce de Sardou, Rabagas (2). M’amuserai-je ? Oui, car j’aurai toujours la ressource de regarder autour de moi, et de faire mon petit profit des réflexions faites, ma petite comédie de psychologie instantanée……
 
  1. Représentante de la bourgeoisie louis-philipparde républicaine. Lydie Aubernon de Nerville (1825-1899) tenait depuis 1874 l’un des salons les plus importants de la Troisième République, dont Alexandre Dumas fils, Henry Becque furent successivement les « dieux ». Dans son hôtel du square de Messine, elle favorisa la création de nombreuses pièces.
  2. Rabagas, comédie en cinq actes en prose de l’auteur dramatique Victorien Sardou (1831-1908), créée en 1872.