jeudi 29 mai 2014

J'irai là-bas... où vous n'êtes pas

Dimanche 25 mai.

Cette année la Fête des mères coïncide avec la date de la mort de mon bien-aimé.
J'aurais dû aller sur votre tombe aujourd'hui, y déposer quelques fleurs.
Mais hier il faisait encore froid et les averses se succédaient au rythme des nuages noirs qui traversaient le ciel.
Et, aller sur votre tombe, c'est un peu une expédition : plus d'une heure de route, éventuellement sous la pluie, prendre seau, éponge, balai-brosse et chiffons pour la nettoyer; acheter les plantes.
Qu'importe le jour pour faire tout cela n'est-ce pas? 
Je pense à vous... tout le temps.
S'il fait beau cette semaine, j'irai là-bas... où vous n'êtes pas, mais aussi sur les vôtres (ma tata-titi parisienne et celle de la petite Claire, douce colombe, morte tragiquement en 2007, à 15 ans).
Mais pour moi c'est partout ailleurs - là où je suis, là où je regarde - que vous êtes.


Mercredi 28 mai.

J'y suis allée... là-bas et j'ai fait de ce pèlerinage éprouvant une journée magnifique.
"Il ne pleuvait pas sur Brest ce jour-là"... et chaque année, lorsque je m'y rends, je trouve la Rade et le Pont de Plougastel (cette fois vu du bon côté) toujours aussi beaux. Et ne parlons pas des "merveilleux nuages"...


Pour Claire, qui n'aura pas eu le temps de faire Le Tour du Monde.
 Je la voyais dans ces images.
(Ciel! Une vidéo de 9 minutes, mais pour un Tour du Monde, c'est vite vu).





Jeudi 29 mai.

Ça y est, je me suis décidée. Je vais repeindre les murs de ma terrasse. Je n'augure pas du résultat, je vais peindre par-dessus la vieille peinture, sans rien reboucher. Commencé à gratter ce qui s'écaille, ce sera la seule préparation, faite à-la-va-comme-je -te-pousse.
Mardi, emprunté nuancier de couleurs chez Casto; peux pas faire n'importe quoi, quartier historique! Rendu ce matin. Couleur préparée sur le champ. Y a plus qu'à... Ah ah! C'est pas gagné, tendinite assurée. Tant pis. L'idée d'avoir un professionnel pour le faire : faudra décaper, faudra karchériser, faudra reboucher les trous, faudra consolider cette partie là et gnagnagna, faudra faudra faudra que je vienne à 8 heures le matin... Ah non merci! Je dors le matin!
Et puis, de toute façon, les escargots viendront boulotter la peinture après; alors pourquoi s'appliquer!
"Donque" je vais le faire.

lundi 26 mai 2014

L'ange dévasté

(née le à Zurich – morte le à Sils en Engadine)


Annemarie Schwarzenbach, en Engadine, 1936.
Photographe : inconnu.

Celle que Thomas Mann décrivait comme "un ange dévasté" et dont Roger Martin du Gard admirait "le beau visage d'ange inconsolable".

"En 1930, elle se lie d’amitié avec Klaus Mann et Erika Mann, les enfants de Thomas Mann, et elle les soutient dans leur lutte contre le nazisme."

Je la découvre :

 
"Elle est le troisième grand écrivain-voyageur suisse au vingtième siècle (avec Ella Maillart et Nicolas Bouvier), mais c’est avant tout une vie qu’on serait tenté de dire tragique, incroyablement remplie et brève, trente-quatre ans, une beauté, un charme fous et, à l’intérieur, un champ de ruines. Un parcours pathétique : la morphine, les confins de la folie, la camisole de force, plusieurs tentatives de suicide, d’innombrables cures de désintoxication.

Une vie qui s’interrompt tragiquement, juste au moment où, semble-t-il, la perspective de la libération, du détachement, d’une sorte de sérénité se faisait apercevoir."

"A Claude Clarac, qui fut son mari (étrange mariage, moitié amitié, moitié amour, lui préférait les garçons, elle savait ne pouvoir ressentir de la passion que pour les femmes), à Claude Clarac elle offre un jour l’une de ses photos, de celles où elle a ce regard étrange qui s’en va ailleurs; elle écrit au dos : "Peut-être toi, mon chéri, tu supporteras ce regard, c’est en fixant die dunkle Seite. Le côté obscur..""

"C’est une chose pathétique de la voir si tôt lucide sur le drame à venir de l’Europe, de la voir parcourir l’Asie, les États-Unis, l’Afrique, de la voir ouvrir les yeux sur la condition ouvrière en Amérique, ou dire des choses étonnamment prémonitoires sur la situation des femmes en Afghanistan, de la voir affirmer son indépendance et son dédain des préjugés, de la voir vivre et penser à rebours de la classe où elle est née et, en même temps, se perdre, se noyer, et d’ailleurs se noyer très consciemment : Je n’ai qu’une vie. Je veux la perdre, la consumer en l’espace d’un battement de cœur; mais j’ai vu des flammes, perçu des sons qui, telle une souffrance jaillissante, effaçaient tous les doutes, et des souvenirs traversent parfois comme des fleuves tout-puissants le paysage. Cent fois ma pauvre âme s’est éprise de la mort qui lui est refusée."

(Source L'humeur vagabonde, Charles Sigel)

Et, comment souvent, quand un écrivain m'intéresse, j'ai envie d'en savoir plus. Je fais quelques recherches, je découvre ce film  : Une Suisse Rebelle (extrait) mais on peut voir le film entier ici

 

Cette photo est de Marianne Breslauer
photographe que l'on voie dans le film





« Ce qui compte c’est d’accepter la condition de cette humanité sans accepter quoi que ce soit d’humiliant. Aimer, Ella, ce n’est pas un esclavage, c’est la noblesse même. L’expression délicieuse de notre désir de toucher le monde, de communiquer, et le désir finalement de trouver la mort non pas d’une manière hostile mais comme la solution très douce, la compréhension universelle, la fin de notre pénible limitation. Aimer, tout en acceptant la condition de notre solitude,  en se lançant encore et encore dans un élan amoureux vers le monde et l’être aimé. Accepter la douleur de notre condition sans nier que nous savons profondément notre amour désespéré, et rester courageux. C’est ce que je voulais dire. Je vois clairement la possibilité d’une vie plus heureuse plus juste et complète ; si elle ne m’est pas accordée, je serais reconnaissante déjà, d’en avoir connu le contact riche, doux et touchant. »

Lettre à Ella Maillart en mars 1941.


"Je pense à la rondeur brisée des cimes qui nous offraient leur luminescence bleutée.

Et je pense au ruisseau charmant qui, dans la chaleur de midi pendant la moisson, déversait des seaux de fraîcheur sur les pierres argentées,

Et à l’abreuvoir, où le soir les chevaux dorés secouaient leur crinière,

Et au désert.

Mais quand je me réveille la nuit,

Que mon regard quittant l’obscurité plane dans un air de plomb, aveugle et comme anéantie,

Et quand la vie alentour commence à bouger,

Quand ma main est sans force et que mes pieds sont loin,

Quand je ne m’appartiens plus et que, seules les pulsations de mon cœur solitaire murmurent comme les fontaines de mon enfance,

Et quand je dois dans de tels tourments toujours être à l’écoute,

Alors, l’agonie s’élève au-dessus de la lisière magique du monde plongé dans un profond sommeil.

Et je ne suis plus."

(Textes lus par Charles Sigel)
"Annemarie Schwarzenbach fut aussi photographe. "Une photographie n'est vraiment bonne que quand son message saute littéralement aux yeux de celui qui la regarde", note-t-elle alors qu'elle parcourt les Etats-Unis en compagnie d'une femme aimée, la photographe Barbara Wright. Le visage photographié d'Annemarie Schwarzenbach ravage les yeux de celui qui le regarde."
(Jean-Pierre Thibaudat, Libération).

"Le



vendredi 23 mai 2014

Peut-on braver la mort?

Non, ce n'était pas une recherche sur la mort (c'eût pu l'être) qui m'a amenée à découvrir cette vidéo, mais bizarrement une recherche sur Le Fils prodigue de Rembrandt

Je me souvenais alors de ce billet et pensais qu'il pouvait être complété par cette vidéo. (Passionnante analyse).


What a lovely day

Ce matin, le "live"
 

jeudi 22 mai 2014

"Je t'aime parce que je ne sais pas tout de toi"



"Le scénario de La Captive, co-signé par Chantal Akerman et Eric de Kuyper, s'inspire de «La Prisonnière» de Proust. Cinquième volume de «La recherche du temps perdu», «La Prisonnière» se situe entre «Sodome et Gomorrhe» et «Albertine disparue»."

Chantal Akerman, réalisatrice :

« (…) chaque fois que je relisais un bout ou l'autre de «La recherche» et spécialement «La prisonnière», je me sentais dans un état d'intimité avec Marcel, je lui parlais, le tutoyais, l'appelais Mon Petit Marcel, comme j'aurais appelé un petit frère, c'était presque devenu quelqu'un de ma famille avec ses obsessions, ses lieux clos, ses reprises de même thèmes qu'il développait tant et si bien, qu'un jour, je n'ai plus pu résister.
[...] (…) j'ai regardé Vertigo (Sueurs froides) d'Alfred Hitchcock. C'est également une histoire d'obsession, d'envoûtement et de possession. Il y a constamment une tension où l'on sent qu'on va vers une fatalité, un peu aussi comme dans les tragédies grecques. » 
















Inspiré de La Prisonnière de Proust! Les premières quarante-cinq minutes m'ont terriblement ennuyée et j'ai arrêté là. Le lendemain soir, je me suis dit : va jusqu'au bout! J'ai donc repris le film, la dernière heure, trouvant quelques images esthétiques, le décor de la chambre proustien (si l'on occulte la télévision dans la chambre), la mise en scène réussie. Ça c'est pour le positif.  Difficile de transposer un morceau de l’œuvre de Proust à l'écran.
"Je t'aime parce que je ne sais pas tout de toi" réplique de Ariane (S. Testud) à Simon (S. Merhar) qui a un besoin obsessionnel de tout savoir d'elle. Le prisonnier c'est lui.
Les bonus du DVD avec des interviews de Chantal Akerman puis de Sylvie Testud ne m'ont pas aidée à remplir le vide que j'ai ressenti en regardant ce film. J'aime pourtant Sylvie Testud et Stanislas Merhar mais ils n'ont pas réussi à me captiver!

Serait-ce un film pour cinéphiles, pour intellectuels? C'est donc que je n'en suis pas (ou plus;-))

Rajout du 7 octobre 2015.

Chantal Akerman (1950-2015)  est morte il y a deux jours; elle s'est suicidée, elle avait 65 ans. Un âge fatidique pour les mélancoliques (dont je suis) qui s'interroge sur l'existence. J'y ai survécu... mais pour combien de temps encore? Peu.
Beaucoup d'éloges dans la presse sur cette femme cinéaste. Je vais donc essayer de trouver d'autres films, peut-être les verrais-je avec un autre regard? 1080, Bruxelles par exemple qui semble, d'après ce que j'en lis, proche de mes préoccupations : "C'est un film sur l'espace et le temps et sur la façon d'organiser sa vie pour n'avoir aucun temps libre, pour ne pas se laisser submerger par l'angoisse et l'obsession de la mort." On dit que c'est son chef-d’œuvre, un film de 1975.

"Dans Chantal Akerman autoportrait (Cahiers du cinéma, 2004), elle évoque ces phases d’«explosion, dans lesquels je ne suis jamais fatiguée, et je ne me couche jamais de bonne heure, d’ailleurs je ne me couche pas». Elle affirme écrire en quelques heures ou même secondes des textes et scénarios de films : «Je fais, fais, fais, jusqu’à ce que je m’écrase.» Elle parle aussi très librement du syndrome bipolaire qui l’affecte, lui fait alterner les moments d’exaltation et d’effondrement, [...]"

Antoine Compagnon, professeur au Collège de France, qui l’avait invitée en 2013 à faire une conférence sur Proust suite à La Captive (2000)- inspiré de la Prisonnière. :

«J’avais voulu l’inviter après La Captive (2000) car c’est un des films sur l’oeuvre de Proust qui me paraît réussi et intéressant. Il prend du temps, il concentre, il ne raconte pas Proust mais il est proustien, dans l’évocation des émotions, dans la temporalité. D’une manière générale ses films avaient quelque chose de proustien dans leur façon de prendre le temps, dans leur économie. Il y a beaucoup de paroles mais aussi beaucoup de silence dans Proust, et Chantal Akerman prenait dans ses films le temps du silence. J’avais invité d’autres non-spécialistes, un juriste, un mathématicien. Je me souviens qu’elle avait choqué un certain nombre de personnes en parlant immédiatement d’antisémitisme, de la Shoah, de sa famille pendant la guerre».

(Sources : Libération, le 6.10.2015)

lundi 19 mai 2014

Un beau dimanche, énième

Dimanche 18 mai.

Je m'octroyais un peu de répit après avoir enfin terminé 
de repeindre toutes mes fenêtres.


Je partis donc en balade sur le chemin de halage, en empruntant l'autre rive.


Il faisait un temps estival. Peu de promeneurs. 
Ils devaient être au bord de la mer et sur les plages.
Je photographiais le jardin médiéval, au pied du Prieuré, 
que j'allais traverser au retour.


Arrivée à la hauteur du pont, je grimpais dans le sous-bois pour y accéder 
et passer sur l'autre rive.
La marée était basse et "la plus belle rivière de France" n'était que vase répugnante.


Sur le pont, je me penchais au-dessus de la barrière.
 J'aperçus quelque chose au ras de l'eau, zoom :  un vélo rouillé.
Je me demandais comment il avait pu atterrir là. Le cycliste se serait-il suicidé?
Toujours morbide n'est-ce pas, je me suis posée cette question :
Pour ne pas se rater, vaut-il mieux sauter à marée basse ou à marée haute? [Rires]


Je penchais pour marée basse. Ça doit faire un gros splash! 
Comme ce caddy balancé lui aussi, de je ne sais où. Œuvre d'art contemporaine sur fond vaseux qui ressemble à une fosse septique!
(Photos zoomées du pont).


Le pont traversé, cette fois je descendais pour reprendre ma balade dans l'autre sens. Sous le pont, j'espère toujours découvrir de nouveaux Tags et Graffitis.




pour un retour plus enchanteur et plus verdoyant.
* (Souvenir de cette rivière magique quand je faisais du baby-sitting 
dans une autre vie!)


Je traversais donc le jardin cité plus haut.
Sous la pergola, le bruit de l'eau qui coulait de la fontaine était reposant.
Ici l'air est parfumé de plantes odorantes. Oubliée la vase marronnasse!


Sur l'ardoise, description (ce ne sont pas des buis) :
Taxaceae
Taxus baccata
If commun 
Ivinenn
Spontané dans les forêts fraîches. Il a souvent été détruit pour sa toxicité pour les animaux. Les Gaulois l'utilisait pour fabriquer des arcs et des flèches. En 1636, Pierre Cornulier évêque de Rennes, ordonna de l'arracher des cimetières de son diocèse. Il donnait lieu à des pratiques superstitieuses. La médecine du XXIe siècle lui reconnaît des vertus anti-cancéreuses.

Je m'arrêtais au Prieuré où se tenait une exposition que j'avais visitée la semaine dernière et qui se terminait hier. Je me disais que je pourrais peut-être revoir un tableau que j'avais trouvé intéressant, l'artiste s'était inspiré de Piet Mondrian et de Roy Lichtenstein (les photos étaient interdites) : son pseudonyme FenX (prononcer Phénix). Un site ici mais le tableau n'y est pas. 

Dans la salle tous les tableaux étaient décrochés, 
il ne restait que ces deux-ci dans la cour.




Et, je terminais ma promenade dominicale avec ce coup de cœur, 
en vitrine, aux Faïenceries Henriot.
La jeune bigoudène (aux doigts dans la bouche) de René Quillivic. L'original, à droite, est superbe. Cette après-midi j'ai demandé à voir le tirage céramique; déception, tout le charme a disparu. Trop de brillance et l'expression du visage, le regard coquin (timide pour certains) a perdu de sa "chair", de son réalisme. Le modèle en biscuit* à côté de l'original est plus beau que la céramique, mais l'original est incomparable.
*"(Arts de la céramique) Sorte de porcelaine cuite au four et qu’on laisse dans son blanc [mat], sans peinture ni couverte."


(Clic droit sur les images pour agrandir)

mercredi 14 mai 2014

Homme d'absolu et de contraste, Léon Bloy


Hier j'écoutais Pas la peine de crier. L'invité était Didier da Silva pour son livre L'ironie du sort, que j'ai lu, mais je ne savais comment en parler ici, tant cet ouvrage, court mais dense, ne peut entrer dans aucune catégorie (fiction, autofiction, essai, roman...).  Enfin si, dans celle de la (belle) Littérature. 



J'ai relevé un jour dans le blog de cet écrivain cette phrase de Paul Léautaud :

"Ce qui fait le mérite d’un livre, ce ne sont pas ses qualités ou ses défauts. Il tient tout entier en ceci : qu’un autre que son auteur n’aurait pas pu l’écrire. Tout livre qu’un autre que son auteur aurait pu écrire est bon à mettre au panier."
 
Dans cet entretien avec Marie Richeux le nom de Léon Bloy est revenu à deux ou trois reprises ce qui, ce matin - alors que je me tâtais encore de savoir si j'allais avoir le courage d'attaquer ma peinture ou pas - m'a fait ressortir de ma bibliothèque ce livre (acheté il y a longtemps dans un vide grenier de campagne, pour une bouchée de pain) : Un Héraut de Dieu, Léon Bloy du Dr. Paul Carton, édition Docteur Paul Carton, 1936.


Ma connaissance de Léon Bloy est je l'avoue très superficielle (même s'il m'arrive de le découvrir ici ou plus récemment ) et je devrais y remédier, ne serait-ce que par la lecture de ce livre. Les livres à lire, empruntés, achetés, sortis de mes étagères, commencent à s'accumuler sur ma table de salon; mais ils sont là, bien en vue, ce qui me permet déjà de les ouvrir, de les parcourir et même de m'attarder sur quelques chapitres comme celui de L'étude graphologique dans ce Héraut de Dieu, concrétisé par de superbes reproductions de lettres manuscrites de Léon Bloy.



En préambule, Paul Carton écrit :

"Au moment de prendre la plume pour parler de Léon Bloy, on est tenté de reculer devant la difficulté de présenter une personnalité aussi douloureuse, aussi vibrante, aussi étrange et aussi contradictoire. Quand on a fouillé tous les replis de son caractère, étudié les richesses de son génie, découvert la puissante unité mystique de sa vie, derrière les contradictions et les instabilités qui l'émaillent, on reste en suspens, devant la complexité des documents recueillis, pour en présenter une synthèse juste et équilibrée. [...]"

Chapitre VII

Étude graphologique

En clinique médicale, il importe, pour bien connaître le caractère et le tempérament d'un sujet, de ne pas se borner à l'étude mécanique de sa pression artérielle, à l'examen radiographique de ses viscères, à l'analyse sérologique de son sang. [...]
[...]
On a pu dire que le style c'est l'homme. On peut ajouter que l'écriture, c'est l'homme, parce que le tracé des petits gestes, inscrits par la main sur le papier, varie avec le degré personnel de sensibilité, de volonté, d'intelligence et d'évolution. L'écriture constitue même une empreinte et un cachet si personnels, que pas une écriture n'est identique à une autre, pas plus que les détails de la figure ou de la main ne sont identiques d'un sujet à un autre.
Certes, la totalité des tendances vitales, mentales et spirituelles ne peut être révélée que par l'étude d'un seul des genres d'expression formelle ou gesticulaire d'un sujet ( face, mains, écriture, contraction ostéomusculaire). [...]
L'écriture, si elle ne peut pas tout fournir, contribue toujours à fixer certaines tendances du caractère avec une telle certitude et une telle précision qu'il est impossible d'être bon psychologue ou bon médecin, si l'on n'est pas instruit des signes graphologiques et si l'on ne s'en sert pas, pour dépister ces tendances si souvent masquées.
[...]
Un caractère aussi complexe et aussi exubérant que celui de Léon Bloy devait s'exprimer avec originalité et vigueur dans toutes ses manifestations. C'est ce que l'étude de son écriture révèle, en effet, en apportant à son sujet un contrôle et un complément d'information, très importants.
Cette intensité d'expression personnelle que Bloy s'était appliqué à transférer dans son graphisme n'avait pas échappé à certains de ses amis, bien qu'ils ne fussent pas graphologues.
[...] :
"Il possédait une écriture magnifique, pleine, appuyée, extrêmement forte comme sa pensée, et très lisible, une écriture d'enlumineur de missels, de moine du XIVe siècle, absolue en un mot comme lui; et il en administrait des rasades ragaillardissantes à tous ceux qui lui demandaient un conseil, aux plus déshérités que lui. Il était le pauvre qui donne, le théologien de la misère. Il faisait largesse de sa foi. Sans doute existe-t-il de lui, par le monde, de nombreuses correspondances inédites."
(Léon Daudet. Léon Bloy. La revue Universelle; 15 janvier 1930.).

[...] Barbey d'Aurevilly et Hello, avaient eu aussi l'intuition de l'importance des tracés de l'écriture pour révéler l'état d'esprit personnel. Barbey d'Aurevilly dont l'écriture était sabrée de lancements extravagants écrivait à Bloy :
"Mon cher monsieur Bloy, je vous lance ceci, après avoir lancé mon article à la poste. Je suis le Sagittaire toujours." (Lettres à Léon Bloy.)

Quelquefois, l'écriture de Barbey d'Aurevilly manquait de sa fermeté habituelle. Il s'en explique :
"Si mon écriture n'a pas sa fermeté ordinaire, monsieur le Docteur ès écritures, la faute en est à ma chatte, Griffette-Tigrinette, qui est assise entre mes deux épaules, pendant que je vous écris, et qui pile du poivre avec ses deux pattes, dans mon dos. Elle se soucie peu, la drôlesse, de la beauté des écritures, et même de tout, excepté de déjeuner. Elle a tous les vices, et je l'aime pour cela, comme Talleyrand aimait Montrond." (Barbey d'Aurevilly, Lettres à Léon Bloy. p. 170)"
Ailleurs, il dit encore : 
"J'écris avec une plume trop fine et qui m'impatiente autant que ma chatte placée et remuant sur mes genoux avec le plus insupportable despotisme, pendant que je vous écris." (Barbey d'Aurevilly, Lettres à Léon Bloy. p. 199)
[...] Le 11 septembre 1877, il recommence la même plainte : "Je vous écris dans ma main et en proie à ma chatte, qui me cravate et me pousse et dispose de moi, comme le chien de Beaumarchais disposait de lui... Écriture de chat, causée par un chat." (p. 227)
[...]
[...]
Ce qui frappe d'abord en examinant de nombreuses lettres de Léon Bloy (nous en avons sous les yeux une cinquantaine, dont nous en avons extrait les spécimens les plus différents pour en composer un recueil d'exemples, reproduit ici), c'est à la fois la richesse, la diversité et  l'opposition des nombreuses espèces d'écriture que l'on peut y découvrir."

Je découvre donc ce matin en parcourant Un Héraut de Dieu, Léon Bloy (en dehors de ce chapitre sur l'étude de la graphologie) un homme d'absolu et de contrastes qui me donne envie d'en savoir plus. Ci-dessous quelques lettres de Léon Bloy que j'ai photographiées dans l'ouvrage.











Et quelques lettre de Barbey d'Aurevilly ci-après





"... La philosophie m'ennuie, la théologie m'assomme, les paroles sans amour me sont inintelligibles, les raisonnements de sages m'apparaissent comme un cloaque de ténèbres et l'orgueil de l'esprit humain me fait vomir." (Léon Bloy. Lettres à sa fiancée)

Journal

Ce mercredi.

Enfin une journée sans pluie! Ce matin donc, commencé peinture extérieure des fenêtres, à l'ombre. Petite pause, plein soleil, attendre qu'il se cache derrière le pignon pour poursuivre. Ai fait seulement deux fenêtres...



lundi 12 mai 2014

***

Cette nuit j'ai rêvé que j'allais bien. Je reprenais goût à la vie. J'avais envie de vivre. Je ne pensais plus à rien. J'avais même arrêté de penser. J'étais une espèce de robot. Je ne me reconnaissais pas.
En me réveillant, je suis redevenue moi.

dimanche 11 mai 2014

***

Ce dimanche, 13 h 30.

A l'instant même où - après maints efforts - je réussissais à ouvrir ma boîte de peinture, une averse balaya la terrasse. Je ne me posais pas la question de savoir si elle allait s'arrêter, je refermais le pot avec un sourire de contentement, ma paresse était gratifiée. Mes fenêtres attendront des jours meilleurs.

"... l"autre jour, je suis devenu vieux d'une seconde à l'autre..."

Journal. 

Vendredi 9 mai 2014. 

Nouvelle généraliste. Difficile en trois quart d'heure (tout de même) de résumer un parcours de patient - d'un certain âge - avec ses moult maux. Parlé des problèmes du moment (vertiges), les autres viendront lors de consultations ultérieures. Abordé ce qui me tient à cœur : la fin de vie, la vieillesse, l'euthanasie, les directives anticipées. 
Elle m'a écoutée, très attentivement, très sérieusement, je sentais là un peu d'empathie. Je lui ai dit :
- J'ai peur de vieillir, je refuse d'être maintenue en vie si je deviens un légume. Le ton était donné, d'emblée.
- Vous avez peur de vieillir ou vous avez peur de mal vieillir?
- J'ai peur de mal vieillir lui ai-je répondu. (Je lui ai menti. J'ai peur de vieillir un point c'est tout).
- Vous vieillirez bien me dit-elle, vous faites dix ans de moins que votre âge. Votre regard sur vous n'est pas le bon.
C'est ce qu'elle croit, ce qu'elle voit, parce que je suis légèrement maquillée, habillée "jeune", mais le matin, quand je me lève, c'est dix ans de plus que mon âge que je vois dans le miroir. 
Et je ne lui ai pas encore parlé des douleurs physiques... Pas tout le même jour.
Puis elle m'a auscultée, palpée, longuement.  Ça faisait des années qu'un médecin ne m'avait pas "palpée" ainsi. Je croyais que ça ne se faisait plus. C'est rassurant.
Le contact fut bon, encourageant.

Samedi 10 mai 2014.

Petit déjeuner puis shampoing en écoutant Flaubert par Charles Sigel. 
Fin de matinée :
Je fais un tour sur le blog de Dominique Chaussois. J'y vais souvent, pour sourire mais aussi pour sa mélancolie, qui ne m'a jamais échappée, proche de la mienne. Je lis ce billet que je me permets de reproduire ici. Je lui rends hommage :

Mercredi 28 mars 2012

  Il y a peu encore je croyais les bancs publics réservés exclusivement aux vieillards et aux désœuvrés. S’asseoir là pour attendre Dieu sait quoi avait pour moi quelque chose de socialement dégradant. Sauf à tenter de se donner une contenance en faisant semblant de lire ou de dessiner, le message adressé me paraissait clair : Voyez, je suis là pour voir passer le temps car je n’ai rien de mieux à faire, je suis seul et inutile, encore heureux que la société me permette de me poser là quasiment gratuitement, je n’ai qu’à bien me tenir.
  Voilà très exactement ce que je pensais. Avoir si mauvais esprit est l’une de mes rares qualités car, la paresse aidant, je sais d’expérience que posséder un esprit étriqué permet de réfléchir plus vite, vu l’étroitesse de l’espace, et qu’ainsi les conclusions, toutes sujettes à caution mais qu’importe, arrivent d’autant plus rapidement, quel gain de temps avouez.
  Tout ceci, c’était avant. Du temps de ma jeunesse. Mais voilà que l’autre jour, je suis devenu vieux d’une seconde à l’autre : le temps de poser mes fesses sur l’un de ces bancs et ce avec un naturel et une aisance qui m'autorisent à penser que je devais être vieux bien avant cet acte fondateur. D’autant que contrairement à ce que je redoutais le choc psychologique n’a pas été si rude. A dire vrai, je me suis senti immédiatement à ma place. Il n’y a pas de mots, et je dois avouer que cela m’arrange, pour décrire l’état de béatitude, d’hébétude plutôt, qui s’empare de vous dès lors que vous vous posez sur un banc. Il ne se passe rien, c’est heureux, car l’on a vite fait de se désintéresser de tout, des pigeons, des passants, des enfants qui s’emploient à soulever la poussière, et c’est à peine si vous jetez un œil sur un collègue assis à quelques mètres de là, tout aussi abruti que vous qui débutez pourtant.

Et ces deux autres billets, ne l'étaient pas moins, mélancoliques  : ironie, dérision.




"La mélancolie c'est le bonheur d'être triste."
Victor Hugo.

A méditer... et aussi :

" Donc voyez, j'écris pour rien. J'écris comme il faut écrire il me semble. J'écris pour rien. Je n'écris même pas pour les femmes. J'écris sur les femmes pour écrire sur moi, sur moi seule à travers les siècles."
Marguerite Duras. 

Fin d'après-midi :
Médiathèque pour déposer mes emprunts : L'Amour du prochain et un DVD, Sur la route; je n'avais pas vu le film à sa sortie, une adaptation du livre culte de Jack Kerouac que, je l'avoue honteusement, je n'ai pas lu. J'ai bien aimé. Sam Riley, l'acteur qui tient le rôle de l'écrivain m'a donné envie de lire le livre. C'est un long film, 2 h 30; pas vu le temps passer.
Ensuite, lèche-vitrines dans le centre-ville. Ma vitrine préférée... comme d'habitude. Je me demande pourquoi je préfère regarder les magasins pour hommes. Peut-être pour rêver de... Mais celui-ci c'est pour l'esthétique, l'originalité, le luxe. Un peu de futilité pour alléger la mélancolie.


(Cliquer pour voir les détails)


Messieurs, sortez de vos tiroirs vos mouchoirs de grand-père. 
Le dernier chic, les nouer autour du cou... propres, bien repassés, amidonnés.  Hum!