mardi 29 octobre 2013

"Je-sens-donc-je-suis". Catherine Pozzi



Catherine Pozzi  1882 - 1934
 

 


Je découvre dans la Revue des Ressources, Catherine Pozzi, une inconnue pour moi - j'ose le dire -, amie de Rilke, amante de Paul Valéry. Les extraits de son Journal me donnent envie de m'y plonger. La fièvre, la passion, l'orgueil qui l'habitent, semblent proches des exaltations de Marie Bashkirtseff.

 Mercredi 8 décembre 1897

[...]
"Comme tous je répandrai des pleurs, comme tous je sourirai, je mentirai, je désespérerai, j’aimerai, je souffrirai, et mes pleurs, mes sourires, mes mensonges, mes désespoirs et mes souffrances seront de vieilles choses déjà dites et faites par bien des millions d’autres acteurs disparus. Mais, comme chacun d’eux, je croirai que je suis unique au monde, que personne ne pleura mes larmes, ne souffrit mes souffrances, ne désespéra mes désespoirs, et j’irai, me plaignant et m’admirant, pauvre créature incomprise, millième exemplaire de légions de créatures pareilles à moi. Ah, Dieu, que sommes-nous ?

En ce moment, je suis sortie de moi-même, et je regarde avec pitié le genre humain, et je plains, avec tant soit peu d’ironie, la pauvre créature, orgueilleuse et humble, qui, dans un épisode de l’éternelle comédie, s’appellera Catherine Pozzi." [...]


Septembre 1900

Je lis le journal de Marie Bashkirtseff. Il faut que j’écrive ; me voici reprise de la rage d’écrire. J’ai sommeil et mes yeux se ferment après cette journée d’Exposition passée à Paris, ces courses et ces piétinements dans la poussière, mais je ne peux pas me coucher avec cela dans l’esprit.
Comme je la comprends, cette femme ! C’était tellement étrange ; il me semblait être morte et me lire. Elle ne me ressemble pas ; seulement, voici mon immense orgueil, encore plus obsédant chez elle ; ces pages et ces pages, où elle se torture en se cherchant, ces désirs et ces ambitions folles qui lui semblent dépasser le monde, et ces spasmes d’enfant qui veut vivre cent vies à la fois ! Moi aussi, oh, moi aussi !
Elle était plus violente que moi, et, c’est drôle à dire, je suis plus tendre. Ensuite, je suis beaucoup plus naturelle, et tout à fait sincère. Lorsque j’ai commencé à écrire régulièrement - j’avais douze ans, je crois - la même idée poignante de "ne pas mourir tout entière" me tenait - je me rappelle même un passage où je cite ce journal comme "un document intéressant pour la postérité"(!) : je l’ai retrouvé chez elle !!! Mais ce qui faisait de mon journal l’émotion et l’enthousiasme si touchant, naïf et sincère, c’était le sentiment religieux profond de mon âme de petite fille ; Marie n’a pas connu ces heures désespérées et seules, elle n’a pas cherché Dieu comme les raisons de sa vie...
Son journal, dès le commencement, est composé ; elle essaye de bien écrire, de dire joliment.
Si vous existez, indifférent qui me lirez (bon, voilà que je reprends mon style pompier), regardez cette écriture bouleversée en traits impatients, et jugez combien je rédige mes œuvres !
J’écrirais très bien, si je voulais, et ce cahier aurait pu être une chose d’art - mais, au fond, je sais bien, très bien, qu’il ne sera jamais lu, et l’art m’est devenu si égal !
Oui, ma fille. Cinq lignes au-dessus, tu as mis le mot "bien" - et le voilà de nouveau deux fois de suite, tout près - Ah ! et puis zut !
J’ai beaucoup - totalement changé depuis mon opération. La gloire ne m’est plus de rien. Mon âme m’est plus chère que mon esprit. J’essaie d’être meilleure. Je suis très paresseuse et prends mon pari d’ignorer les sciences. J’écrivais pour "vous", j’écris pour moi. J’étais une petite Marie Bashkirtseff - qui s’est joliment calmée. Il y a plus de doux, plus d’indulgent, plus de femme. Je suis devenue très coquette.
Il y a une grande différence entre nous deux : je vois la vie triste. Depuis que j’ai pris l’habitude d’être malade, l’avidité de s’amuser qui me tenait s’est effacée ; je ne suis, ne peux plus être, joyeusement, follement, pleinement gaie, comme à douze ans !
Oh la gaieté saine d’alors ! Et la vie triomphante et rose...
Je le vois - quel changement s’est produit en moi !
Pourquoi est-ce que j’écris ces réflexions inutiles, à onze heures du soir ? Ma chemise de nuit est froide ; j’ai des frissons dans les jambes et mes bas ont glissé dans mes souliers. Je ferais bien mieux de me coucher. Les draps vont être froids, oui, mais après ! J’écris parce que je viens de lire un journal qui ressemblait au mien - j’aime mieux le mien, il est plus candide - et que cela m’a donné la fièvre de la plume.
Je suis bien plus intelligente quand je tiens une plume.
Ah, et puis je vais me coucher.

Catherine Pozzi, Journal de jeunesse, 1893-1906, éditions Claire Paulhan.

(RdR, article à lire ici avec d'autres extraits).

Et pour en savoir plus sur Catherine Pozzi... 


"A côté de ces pages brûlantes, où le chant d'amour s'accorde admirablement à celui de l'esprit, Catherine Pozzi dresse un tableau des mœurs et de la société. Quelques sacrifices involontaires à l'air du temps, ou à celui de la bourgeoisie, n'altèrent en rien ce superbe journal. L'observation est toujours acérée, la flèche est tirée avec une sûreté absolue quant aux êtres : ainsi, parlant d'André Gide, " bête comme les intelligents de métier ", ou de Jean Paulhan, " attentif, discret, un peu trop " vie intérieure " par l'extérieur "...

Il faut souhaiter que la publication de ce Journal fasse justice à Catherine Pozzi, au-delà des aspects anecdotiques, au-delà même de la personne de Paul Valéry. Qu'un peu de gloire posthume, ou de considération, revienne à l'auteur de ces pages dont les années n'ont en rien apaisé la vibration, tout à la fois nerveuse et spirituelle."


KECHICHIAN PATRICK, Le Monde, édition du 27 novembre 1987.


samedi 26 octobre 2013

Lady ou gentleman golfeur...



 

Un mini livre (11 x 7 cm) très amusant  sur "l'étiquette" du golf en 1925.

Intoduction.

Il était une fois un digne représentant de l'Eglise d'Ecosse qui, à l'âge mûr, se mit au golf. Il découvrit rapidement que l'art de frapper l'insaisissable balle de caoutchouc n'est pas aussi simple qu'il n'y paraît. Et il fut extrêmement surpris du naturel avec lequel l'expression de sentiments tout à fait incompatibles avec la dignité de son habit s'échappa de ses lèvres.
A son retour au club-house, l'un des membres le salua ainsi : "Eh bien, révérend, je vous ai entendu lors de votre dernier bunker. Que pensez-vous de ce jeu?" Le pasteur opina tristement de la tête et rougit à la pensée des mots qu'il avait surpris: "J'ai peur de devoir abandonner" répliqua-t-il. "Quoi, abandonner le golf?" demanda l'autre joueur. "Non non-on", répondit le pasteur, marchant une fois de plus à grands pas vers le tee de départ, "je devrai abandonner mon ministère".

De l'art de se vêtir (extraits).

N'arborez pas une cravate qui vole au vent. Si vous portez une cravate longue, vérifiez qu'elle soit solidement attachée. Rien n'est plus perturbant qu'une cravate qui, soudain, vous fouette le visage juste au moment où vous êtes au sommet de votre swing.

Ne portez pas de bretelles neuves. Gardez dans votre casier une paire usagée et peu importe si elles paraissent vieilles tant que les parties basses de vos vêtements sont soutenues et permettent à vos épaules un jeu suffisamment libre. [...] Vardon recommande les bretelles plutôt que les ceintures.



Harry Vardon

 Photo of old golf course at the Inn at Poland Spring Maine. Golfer in foreground is Harry Vardon, and the golfer leaning on club, with the cap is Waterbury native Arthur H. Fenn. Photo Joe Palladino.

On remarquera sur cette photo un golfeur avec une cravate rentrée dans sa chemise. Mais ici, Vardon a laissé ses bretelles dans son casier, au profit d'une ceinture! La date n'est pas indiquée, sans doute fin XIXe/début XXe siècle.

Mesdames.

N'essayez pas de jouer au golf en tenue d'après-midi. c'est inconfortable et en outre ça ne se fait pas.
Ne portez pas des bas de soie fins avec des vêtements de sport. c'est mauvais pour les pieds et en plus c'est disgracieux.

L'époque n'est plus la même mais certains usages s'appliquent devraient encore s'appliquer.

Dans le club-house.

N'oubliez pas que le club-house est une institution sociale. Faites en sorte d'accueillir le nouveau venu et veillez à ce qu'il ne se sente pas mis à l'écart quand vous, les vieux de la vieille, vous réunissez avant que ne commence le "travail de la journée". Le même principe s'applique au moment où l'on échange les récits de ses hauts faits à la fin d'une partie.

Ne laissez aucune sorte de snobisme au sein du club. Si un homme est digne d'être élu membre, il a parfaitement le droit de jouir de tous les privilèges du club.

Maximes générales (extrait).

Ne passez pas à côté des beautés de la nature en vous laissant complètement absorber par le jeu. Si, de temps en temps, vous posez vos yeux sur le paysage, cela décuplera votre plaisir et améliorera votre jeu.




Photos prises hier en fin d'après-midi.



jeudi 24 octobre 2013

"Condition du moine : retrouver la solitude d'Adam"

Toilette ce matin en "assistant" à un cours de Roland Barthes au Collège de France!!! Mais oui! c'est possible!




Barthes commence par l"étymologie du mot moine, du Grec monos qui est une forme altérée de monachos.*

"L'un est fait de deux, le deux est une unité.
Le désir du deux.
Ouvrons maintenant un dossier sur le désir amoureux, le désir de l'union, le désir de la fusion amoureuse.
Le un est noté comme une punition. Condamné à n'être qu'un, c'est être puni pour quelque chose. Et justement un personnage, Robinson Crusoé, condamné à être seul, exprime sans cesse cette croyance. Il pense qu'en étant condamné à vivre seul sur une île déserte, il paye les fautes de sa jeunesse et principalement la rébellion contre son père et sa mère, qui lui avaient interdit de s'embarquer. Et après le naufrage, quand il constate qu'il est vraiment seul, il fait éclater le désir du deux, il fait exploser le désir d'être deux. [...] Puis découverte sur la plage des pas d'un autre homme. Suspense : deux est le suspense de un! Un est gros de deux, un attend...

A ce moment-là, dans la douche, j'ai failli me casser la binette sur mon savon. Suspense!

Roland Barthes poursuit sur le un et le deux en parlant du mythe d'Adam.
"Adam a été créé seul. Il est un. La création d'Eve n'est en fait que l'actualisation, la matérialisation de la dualité latente qui est tout de suite en lui. On retrouve ici le schéma de l'androgyne. Mais chez l'Aristophane du Banquet, la scission de l'un est douloureuse : quand l'androgyne est séparé en deux c'est douloureux parce que c'est une punition que Zeus impose aux androgynes à cause de l'arrogance de leur bonheur. [...] Zeus a voulu couper les androgynes en deux, comme des oeufs, comme des corn... comme des cornichons. (0_0)
[...]
[...] Monachos ce n'est pas seulement être célibataire d'une façon littérale mais c'est aussi avoir une vie orientée vers un seule fin, le moine - monachos - à ce moment-là est dit "monotropos". La monotropie, nous dirions aujourd'hui : tourner vers "tout soi-même" et  que c'est une forme de manie. Dans le Banquet de Platon et le Phèdre, le sentiment amoureux est associé à un délire monomaniaque, et la vraie traduction de amour/passion, ça ne serait pas du tout Eros, ça serait Mania, manie, c'est-à-dire l'être fou."

(Retranscription approximative).

Pour la suite, Vidéo de ce cours MAGISTRAL : vingt-trois minutes, le temps de votre toilette de chat ou pas.

* "Le terme monos ne signifie pas seulement "seul", il signifie aussi "un" et "unifié" et cela se transporte sur le mot grec monachos (prononcer monakhos) à l'origine du mot moine. [...] qui signifie "un, unifié"."

mercredi 23 octobre 2013

"Je m'arrêterais de mourir s'il me venait un bon mot ou une bonne idée." Voltaire

11 h 30

Elle rentrait de vacances et semblait déjà fatiguée, les patients ne lui laissent pas de répit. Je consultais pour cette fichue jambe qui, elle non plus, la nuit, ne me laisse pas de répit. Prévoir une radio.

En sortant, les averses avaient cédé la place au soleil ; pas envie de rentrer chez moi, la température est si douce. Et puis, il fallait que je me vide de mes pensées, de cette correspondance interrompue par ma faute à laquelle je ne cessais de penser. J’avais passé une nuit d’insomnie. C’est idiot, ce n’était qu’une ébauche de correspondance, amicale,  mais je sentais que je ne parviendrais pas  à maintenir le niveau des échanges sur des sujets que je ne maîtrisais pas et sur lesquels mes connaissances étaient insuffisantes. Je ne voulais pas non plus, surtout pas, éluder les sujets ni rester dans la banalité. Mais je me sentais incapable de puiser dans mes ressources énergétiques qui faiblissent sérieusement. Malgré ces ressenti-ments je savais que j’avais eu tort de m’arrêter  sur ces considérations.

La réalité était peut-être tout autre : je craignais de m’attacher à cette correspondance.

Je regardais à nouveau sur l’esplanade du théâtre, devant le CAC ces graffitis colorés…que j'avais pris en photo samedi en allant à la médiathèque.




Je passais à la pharmacie.

12 h30.

Je décidais donc d’aller déjeuner Chez Max. J’avais un sachet rempli d’antalgiques (que je prendrai), d’anti-vertigineux (au cas où) et de somnifères (que je ne prendrai pas). Le centre ville en cette fin de matinée était calme, il y régnait un exquis parfum d’automne et je savourais cet instant. J’aime cette ville où je vis.

Arrivée Chez Max, pas une table de libre, du moins pour une personne ; à vrai dire la salle est petite et vite remplie. La serveuse me propose de monter à l’étage que je ne connaissais pas. J’accepte volontiers. Ô merveille ! C’est beaucoup plus beau que le rez-de-chaussée, la pièce semble plus grande ; peu de monde. Je choisis même ma table, près d’une fenêtre qui laisse entrer le soleil à cet endroit et qui donne sur la cour Jacob si agréable en été avec le figuier majestueux et le grand tableau rouge et blanc qui est un clin d’œil à Max Jacob. La rénovation de cette bâtisse est une réussite, cette pièce avec ses poutres, ses portes anciennes, son parquet, ses tables et chaises authentiques est chargée d’une âme que je ne saurai dire... sauf que je la trouve presque palpable. Comme j’ai regretté de n’avoir pas pris mon appareil de photo. Je reviendrai. Ici, pas une faute de goût – du moins selon le mien – jusqu’à la vaisselle. Cerise sur le gâteau : toujours ce menu du déjeuner pour 13 euros, plat, dessert, boisson tout compris. La lotte était succulente.

J’ai traîné en prenant un café, lu la presse régionale puis je suis rentrée à pied le long des quais jonchés de feuilles mortes, glissantes et « d’hélicoptères » - expression que j’ai redécouverte dans un texte lu récemment et que j’avais oubliée. Je me souvenais en effet, qu’enfants nous les lancions en l’air pour les voir tourbillonner comme des hélices d’hélicoptères.

14 h.

Dans ma chambre ces rais de lumière – à travers le store vénitien - sur les « oiseaux mazoutés de l’Amoco Cadiz », je les trouve beaux.



 "J'écris tout de même de gentilles lettres. Si les gens savaient, ils voudraient ne jamais me connaître que par correspondance."
Jules Renard, Journal.
l y a trente ans, je lus ceci dans la Correspondance de Voltaire : « Je m'arrêterais de mourir s'il me venait un bon mot ou une bonne idée. » Cette réflexion m'éblouit. Je traversais justement une de ces périodes où l'on se sent mourir parce que l'on a l'esprit stérile et vide. J'avais grand besoin moi aussi qu'il me vînt un bon mot ou une bonne idée afin de ressusciter.

Dutouriana
[ Jean Dutourd ]
Read more at http://www.dicocitations.com/citations-mot-correspondance.php#9ObBW2Sm0P1GPpQM.99
J'écris tout de même de gentilles lettres. Si les gens savaient, ils voudraient ne jamais me connaître que par correspondance.

Read more at http://www.dicocitations.com/citations-mot-correspondance.php#9ObBW2Sm0P1GPpQM.99
J'écris tout de même de gentilles lettres. Si les gens savaient, ils voudraient ne jamais me connaître que par correspondance.

Read more at http://www.dicocitations.com/citations-mot-correspondance.php#9ObBW2Sm0P1GPpQM.99

mardi 22 octobre 2013

Ecrire, au terme de la vie


(GIF)



Hélas, mes pensées, qu’êtes-vous devenues, maintenant que vous voilà écrites et peintes. Il n’y a pas si longtemps vous étiez si diaprées, si jeunes, si malignes, pleines de piquants et de secrètes épices qui me faisaient éternuer et rire - et à présent? Déjà vous avez perdu la fleur de votre nouveauté et quelques-unes d’entre vous, je le crains, sont en passe de devenir des vérités. Elles ont déjà l’air si impérissables, si mortellement inattaquables, si ennuyeuses ; et en fut-il jamais autrement ? Qu’écrivons-nous, que peignons-nous avec nos pinceaux chinois nous autres mandarins, éterniseurs de choses qui peuvent s’écrire ? Que sommes-nous capables de reproduire ? Hélas, seulement ce qui va se faner et commence à s’éventer ; seulement des orages qui s’éloignent et s’épuisent, des sentiments ternes et tardifs ; seulement des oiseaux las de voler, égarés, qui se laissent prendre dans la main, - dans notre main! Nous éternisons ce qui ne peut plus vivre ni voler très longtemps, des choses exténuées et trop mûres! Et ce n’est que pour votre après-midi, ô mes pensées écrites et peintes, que je possède des couleurs, beaucoup de couleurs peut-être, beaucoup de teintes délicates, cinquante jaunes bruns verts rouges : - mais, nul à vous voir, ne devinera votre éclat matinal, étincelles subites et merveilleuses de ma solitude, mes vieilles, mes chères, mes mauvaises pensées!

Friedrich Nietzsche, in Par-delà Bien et Mal, § 296.


dimanche 20 octobre 2013

Quoi de mieux pour un dimanche!

Dimanche 20 octobre.

Dur réveil après nuit agitée (orage, tonnerre, éclairs, douleurs insupportables...).
Programme prévu : nettoyer vitres. Prendre antalgique.
Pluie et vent. Grosse fatigue.
Midi : je regarde les baies fouettées par la pluie. Satisfaction de flemmarde : chouette je ne vais pas pouvoir les faire. Puis : et si je faisais l'intérieur, ce serait ça de moins? Corvée d'automne. Je m'y mets, j'écoute les Papous. 14 heures j'ai fini l'intérieur des deux portes-fenêtres et d'une fenêtre. Je fais une pause et grignote : tartine grillée/saumon fumé d'Irlande (le meilleur, à mon goût), un demi verre de Gewurzt (avec modération); un yaourt, un kiwi. Café avec carré de chocolat.
14 h 30. Pluie terminée et soleil depuis une demi-heure. Terrasse sèche. Je peux faire les vitres à l'extérieur. J'en ai marre mais je me lance. J'écoute Secret Professionnel en astiquant mes vitres, juchée sur mon escabeau! Sujet du jour : l'onanisme!

 
 Hi!

Effets de la masturbation sur un jeune homme de 16 ans 
comparés à un jeune homme chaste de 21 ans, 
gravure américaine de 1875 © D.R.

Le thème de France Culture ce week-end est Mauvais Genre.
 
"Aujourd'hui, 1er volet du secret professionnel de la masturbation : d'Onan à Jean-Jacques Rousseau."

Je n'ai plus de force dans les bras, je tire sur ma raclette à deux mains. J'avoue avoir écouté l'émission d'une oreille distraite, je n'entendais pas très bien. N'allez pas croire... Non mais! C'étaient les mouettes qui faisaient un raffut du tonnerre. 15 heures j'éteins la radio.
Sur ma lancée, je fais la fenêtre de ma chambre. Pas envie de ressortir tout ce matériel demain. Pourtant il me restera encore une fenêtre à faire... 
15 h 30. Stop. Vitres propres, pas trop de marques, je me vois dedans, j'ai l'air d'une vieille folle, cheveux dans tous les sens avec le vent. Je remballe le tout. Mal au dos, à la hanche, aux poignets, à l'épaule, ô vieillesse ennemie. Bien fait! Je n'ai qu'à prendre une femme de ménage. Je vais le payer cette nuit.
Repos mérité, de mon canapé je regarde mes vitres, j'aperçois des traces, soleil pervers. Je m'en fiche! je ferme les yeux un petit quart d'heure.
16 heures : Le Gai savoir . Enfin je me détends en écoutant des poèmes de Baudelaire dits par Georges Claisse et les analyses de R. Enthoven. Une heure exquise. En  fin d'émission R. Enthoven résume parfaitement mon dimanche :

"On est au théâtre du Rond-point qui accueille France Culture dans le cadre de ce week-end Mauvais Genre, où l’on vous parle de paresse, de saphisme, d’alcool, d’envie, d’onanisme et de nudité, quoi de mieux pour un dimanche !"

LA FIN DE LA JOURNEE

Sous une lumière blafarde
Court, danse et se tord sans raison
La Vie, impudente et criarde.
Aussi, sitôt qu'à l'horizon

La nuit voluptueuse monte,
Apaisant tout, même la faim,
Effaçant tout, même la honte,
Le Poète se dit : "Enfin!

Mon esprit, comme mes vertèbres,
Invoque ardemment le repos;
Le coeur plein de songes funèbres,

Je vais me coucher sur le dos
Et me rouler dans vos rideaux,
O rafraîchissantes ténèbres!"

Baudelaire, Les Fleurs du Mal, La Mort.

samedi 19 octobre 2013

Voluptueux voyage



"Ce serait deux amies, deux rivales, deux sœurs, chacune serait pour l’autre à la fois son double et son contraire. Elles partiraient en voyage : balade dans le plaisir et les désirs, la féminité et l’amitié."

Le film présente deux récits emboîtés : le récit du voyage en Provence pour chercher une maison, et dans ce récit premier, des récits intégrés, fantasmés ou vécus par Hélène (Dominique Sanda) ou Lucie (Géraldine Chaplin).

Difficile classer ce film dans un genre : comédie dramatique ?  Je le classerais dans un cinéma intimiste. Michel Deville excelle dans les pensées intimes des femmes. Profondeur de la légèreté, esthétisme des images et deux comédiennes merveilleuses. 










Je l'avais vu pour la première fois dans les années 80 et je me souvenais de la fraîcheur, de la liberté qui se dégageaient, de cette escapade en Provence au cours de laquelle elles se remémoraient (ou fantasmaient) leur enfance. Et, au fil des images, de l'histoire, la mienne (de mémoire) s'était remise en route. J'étais étonnée que tant d'années se fussent écoulées, j'avais l'impression que je venais de le voir, que je vivais en 1980; il était toujours si moderne, c'était un film intemporel. Si j'avais eu envie de le revoir c'était  bien sûr pour Dominique Sanda et Géraldine Chaplin mais aussi pour ces scènes*, précisément, restées vives dans mon esprit.
Je me souvenais du « Tadaaa tadaaa » malicieux de Lucie quand Hélène la prend en photo. J'adore cet instant mêlé d'audace et de pudeur. Quelques années plus tard, mon aimé m’avait offert une jupe rouge (nous avions vu le film ensemble) en me disant : la même que Géraldine ! Je l’avais taquiné en lui demandant s’il voulait aussi me prendre en photo…
J'avais un peu oublié la fin, moins légère, plus dramatique. Mais peut-être était-elle, aussi, fantasmée par Lucie, comme l'était ce "billet de banque froissé"?

Vidéos ci-dessous, filmées sur mon écran, "définition dégueulasse" comme dirait... mais elles sont introuvables sur la Toile. 




 




Roger Régent écrivait en 1979 dans La Revue des Deux Mondes :

"Nous venons de voir l’un des films les plus curieux et les plus passionnants que le cinéma nous ait donné depuis longtemps : Le voyage en douce de Michel Deville.
Il n’appartient à aucun des genres répertoriés jusque-là dans l’esthétique cinématographique, et sa conception, sa construction, son écriture témoignent de la part de son auteur d’une originalité et d’une curiosité artistique dont on connaît peu d’exemples chez nous.
Seul Ingmar Bergman s’est avancé aussi loin dans l’exploration de l’âme des femmes."

vendredi 18 octobre 2013

Ras-le-bol!

Ils sont de plus en plus planqués et ça ne suffit plus!
Maintenant il va falloir faire gaffe si on veut doubler une Renault Mégane ou une Peugeot 208!
Investissement : 70000 euros par véhicule espion! C'est l'pompon!
Évidemment  "c'est nous cons va payer", les bons conducteurs quoi. Tsss! parce que les chauffards hein! ils continuent de rouler tranquillement.

Ras-le-bol! Y en a marre! de se faire traire comme des vaches à lait! 

Je passe mon temps à regarder mon compteur de vitesse. Je roule en général à la seule vitesse autorisée, depuis cet excès insensé en 1985!!! Pourtant, il m'arrive de la dépasser de quelques tout petits kilomètres pour, justement, éviter des catastrophes et sans jamais prendre de risque.

C'était mon coup de gueule de la journée.

jeudi 17 octobre 2013

De, la négation positive




 Emil M. Cioran. Crédit photo : inconnu.

Une semaine sur Les vertus du non dans les NCC

Quelques réflexions de Cioran : le non comme affirmation!

"Le non est la seule manière de rester en vie, puisqu’il est le seul moyen de rester infidèle à soi."

« Les choses auxquelles vous croyez, à partir du moment où vous les avez dites, elles comptent moins pour vous ».

(On entend Cioran parler dans l'émission avec un accent roumain très prononcé; j'ai tenté une retranscription).

"J’écris sur le suicide, c’est un sujet qui me hantait, j’y pensais tout le temps. A partir du moment où j’écris ce sujet, j’y pensais beaucoup moins. En ce sens, écrire est une profanation. Vous tuez le sujet. Pour n’importe quel sujet. Tous les sujets que j’ai pu aborder dans ma vie, du fait que j’en ai parlé, je les ai – en moi – tués. »

Cioran: extrait entretien pour la télévision belge ( 1973)



L’écriture est une thérapeutique. L’écriture va mettre à distance cette idée du suicide. « Sans l’écriture je me serais tué depuis longtemps ». L'idée du suicide lui suffit pour se sentir libre. La possibilité de pouvoir quitter ce monde à tout instant le libère.

« J’ai injurié la vie et je me suis injurié, résultat j’ai mieux supporté la vie et je me suis mieux supporté moi-même. »

C’est le paradoxe de la négation vivifiante. Pour Cioran « penser contre soi-même » est un ultimatum à la vie. « J’ai nié la vie et finalement je vis. Je suis un escroc du gouffre. » Penser contre soi est une manière de ne jamais être certain, d’où l’utilité de la négation qui insuffle un dynamisme à l’existence.



« A vingt j’ai perdu le sommeil et je considère que c’est le plus grand drame qui puisse arriver dans une existence. […] Les nuits sont les moments les plus extraordinaires de ma vie.  Je sortais vers minuit/une heure et je me promenais dans les rues ; il n’y avait que quelques putains et moi. Dans une ville où le silence est total, en province et pendant des heures je me promenais dans les rues comme une sorte de fantôme. Tout ce que j’ai pensé, écrit, a été élaboré pendant ces nuits. C’est à ce moment-là que j’ai écrit mon premier livre  en roumain qui s’appelait Sur les cimes du désespoir, que j’ai écrit à vingt-deux ans et qui était une sorte de testament. Je pensais que après j’allais me suicider. Mais, j’ai survécu pour une raison très précise, c’est que je n’avais pas à pratiquer un métier ; parce que je ne pouvais pas. Comme je ne dormais pas la nuit, comme je me promenais dans ma ville, j’étais bon à rien dans la journée n’est-ce pas, je ne pouvais pas pratiquer un métier, je ne pouvais pas être professeur. »

Cioran sur l'insomnie (archive INA, entretien enregistré en 1989)


« Lorsque tu vins, Insomnie, secouer ma chair et mon orgueil, toi qui changes la brute juvénile, en nuances les instincts, en attises les rêves, toi qui, en une seule nuit, dispenses plus de savoir que les jours conclus dans le repos, et, à des paupières endolories, te découvres événement plus important que les maladies sans nom ou les désastres du temps ! Tu me fis entendre le ronflement de la santé, les humains plongés dans l’oubli sonore, tandis que ma solitude englobait le noir d’alentour et devenait plus vaste que lui. Tout dormait, tout dormait pour toujours. Plus d’aube : je veillerai ainsi jusqu’à la fin des âges : on m’attendra alors pour me demander compte de l’espace blanc de mes songes… Chaque nuit était pareille aux autres, chaque nuit était éternelle. Et je me sentais solidaire de tous ceux qui ne peuvent dormir, de tous ces frères inconnus. Comme les vicieux et les fanatiques, j’avais un secret ; comme eux, j’eusse constitué un clan, à qui tout excuser, tout donner, tout sacrifier : le clan des sans-sommeil. J’accordais du génie au premier venu dont les paupières fussent lourdes de fatigue, et n’admirais point l’esprit qui pût dormir, fût-il gloire d’État, de l’Art ou des Lettres. J’eusse voué à un culte à un tyran qui – pour se venger de ses nuits – eût défendu le repos, puni l’oubli, légiféré le malheur et la fièvre. Et c’est alors que je fis appel à la philosophie… » 

Emil Cioran, Précis de décomposition.

Des émissions de la semaine sur Les vertus du non, c'est celle sur Cioran qui m'a le plus intéressée. Et pourquoi? Parce que j'ai compris que dans l'idée du suicide l'essentiel résidait dans le mot idée. Qu'il se suffisait pour oublier l'acte.  J'ai aimé aussi l'idée que, d'en parler, permettait d'évacuer l'obsession. Mais ça je le savais, depuis le temps que j'en parle. Il en est de même pour la mort. des sujets qui continuent de m'obséder tout de même mais que j'évacue - un peu (hum!) - en en parlant ici. A vrai dire j'essaie de me convaincre de ce dont je ne suis pas convaincue. Et voilà! Je repars à zéro! Néanmoins Cioran pensait au suicide à 22 ans et il a vécu jusqu'à 84 ans! Ça me laisse encore une bonne marge.

mercredi 16 octobre 2013

Se contenter de la vie à défaut de s'en satisfaire

Ce matin.

Pensive, je regarde les perles de pluie sur les vitres en sirotant mon café.




Les extraits d'un journal intime que j'avais lus hier soir m'avaient laissé un goût de trop peu; j'en voulais plus, non par curiosité malsaine, mais parce que j'aimais le ton qui s'en dégageait, l'écriture. Je me sentais proche de ce que j'avais lu, je m'y retrouvais parfois malgré le gouffre générationnel qui me séparait de l'auteur. Je sais cependant qu'on ne doit pas oublier que les êtres ne sont jamais à l'image de ce qu'on s'en fait à travers leur écriture.
Je" blablatère" ici.
Je sirote mon café le regard vers les fenêtres. Je pense. Donc...

Cette après-midi.

Ô ma Bretagne, j'aime ton climat changeant. Après les perles de pluie du matin... l'écume des vagues sous un ciel bleu et des températures printanières, pour le bonheur des enfants qui ont leur cours de gym au bord de la mer. Quel privilège! Je n'étais pas à plaindre, je venais d'être badigeonnée de boue reminéralisante aux algues, emballée comme un nem et, durant vingt minutes je ne pensais plus à rien, j'étais déconnectée de tout. J'aurais aimé que le temps s'arrête, définitivement. C'eût été une belle mort. Mais pour le moment, c'est la vie que j'avais sous les yeux!


mardi 15 octobre 2013

Valises

Les trois sœurs s'étaient réunies cette après-midi pour laisser l'une d'entre elles se décharger de toutes les valises qu'elle traînait derrière elle. J'avais l'impression que c'étaient les miennes qui se remplissaient.

Sur la route je ne parvenais pas à écouter de la musique ni la radio. Le crachin, le brouillard, les feux de croisement, les balais d'essuie-glace comme un métronome : nous étions bien en automne et bientôt à l'heure d'hiver. Rien de réjouissant en fait.

De retour à la maison, je mettais un CD de Alberta Hunter puis je grimpais sur mon escabeau pour ranger les estampes et lithographies que j'avais sorties du carton à dessin ce matin, comme ça, juste pour les regarder. 
Dans le foutoir de ce coin sombre je regardais mes valises et je pensais qu'il était temps que je parte en voyage : les remplir de vêtements pour vider le trop plein qui commence à devenir trop lourd.

Partir... fuir... remplir une valise pour vider ma tête. Le temps et la saison ne s'y prêtent pas mais, le soleil n'est-il pas toujours là où on n'est pas?


dimanche 13 octobre 2013

La littérature, mes agneaux.

http://berlinpoche.de/HpBBpoche/wp-content/uploads/2013/09/Autoportrait_Toussaint2.jpg


"Lorsque j'écris un livre, je me voudrais aérien, l'esprit au vent et la main désinvolte. Mon cul. En fait, je suis très organisé. Je m'entraîne, je me prépare, je me dispose. Il y a un côté monacal dans mon attitude, spartiate, navigateur solitaire. Tout importe, la condition physique, l'alimentation, les lectures. [...]
[...]
Il y a toujours en jeu, je crois, dans l'écriture, ces deux notions apparemment inconciliables : l'urgence et la patience.

L'urgence, qui appelle l'impulsion, la fougue, la vitesse - et la patience, qui requiert la lenteur, la constance et l'effort. [...]
[...]


La patience

Tout commence et tout finit toujours par la patience dans l'écriture d'un livre. [...]
[...]
J'aime ce moment, à l'aube, où on ouvre prudemment le manuscrit du livre en cours dans la maison encore endormie. Il y a de multiples stratégies pour découvrir le travail d'un œil neuf, de le piéger, de le surprendre, à l'improviste, comme si on le découvrait pour la première fois pour le juger d'un regard impartial. Une sieste peut faire l'affaire, une longue nuit, encore mieux. J'ai même l'intuition qu'une partie de la relecture d'un livre peut se faire durant le sommeil. A l'état de veille, le livre s'est inscrit dans le cerveau avec la précision d'une position d'échecs, et, la nuit, quand on dort, l'étude des variantes se poursuit, comme un ordinateur qu'on laisserait tourner en permanence pour étudier l'immensité des calculs en jeu dans l'opération ( si bien qu'il m'arrive parfois d'avoir la solution au réveil sans autre effet conscient particulier). Mais inutile de s'acharner à raturer sans fin, seul le temps lave vraiment le regard.


L'urgence

L'urgence est fugitive, fragile, intermittente.

L'urgence, telle que je la conçois, n'est pas l'inspiration. Ce qui en diffère, c'est que l'inspiration se reçoit, et que l'urgence s'acquiert. [...]
[...]
L'urgence est un état d'écriture qui ne s'obtient qu'au terme d'une infinie patience. Elle en est la récompense, le dénouement miraculeux. Tous les efforts que nous avons consentis au préalable pour le livre ne tendaient en réalité que vers cet instant unique où l'urgence va surgir, le moment où ça bascule, où ça vient tout seul, où le fil de la pelote se dévide sans fin.[...]"

Jean-Philippe Toussaint, in L'Urgence et la Patience, éditions de Minuit, 2012.

J'ai retrouvé le ton de ses romans dans cet essai avec de très belles pages sur Jérôme Lindon et sur Samuel Beckett, mais ne gâchons pas le plaisir des lecteurs qui découvriront peut-être cet ouvrage. Tout de même je note cette phrase (J.Ph. Toussaint parle de ce qu'il ressent en lisant Beckett) :

"[...] l'image qui commençait doucement à naître dans les brumes ouateuses de mon esprit restait purement abstraite, pur vertige de rythme et de sonorité, de cliquetis mental de couleurs et de consonnes - la littérature, mes agneaux."

Et je n'ai pas encore acheté Nue! Je ne suis pas pressée, je suis sûre que lorsque je l'aurai lu, terminé, en le refermant, je regretterai de ne plus avoir à le lire.


samedi 12 octobre 2013

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 Quand je lis je me lie.
Foin de la jeunesse, c'est le talent que j'envie.

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Et puis, l'habit ne fait pas le moine.