vendredi 28 juin 2013

Cartes postales

 Enfance.
Le monde leur appartient. La vie est devant eux...



  




samedi 22 juin 2013

Qu'il semble long, mon bref avenir





Crédit photos L'Ecole d'Athèna

"[...] un jour, j’ai pensé : « Au fond du miroir la vieillesse guette ; et c’est fatal, elle m’aura. » Elle m’a. Souvent je m’arrête, éberluée, devant cette chose incroyable qui me sert de visage. Je comprends la Castiglione qui avait brisé tous les miroirs. Il me semblait que je me souciais peu de mon apparence. Ainsi les gens qui mangent à leur faim et qui se portent bien oublient leur estomac ; tant que j’ai pu regarder ma figure sans déplaisir, je l’oubliais, elle allait de soi. Rien ne va plus. Je déteste mon image : au-dessus des yeux, la casquette, les poches en dessous, la face trop pleine,  et cet air de tristesse autour de la bouche que donnent les rides. Peut-être les gens qui me croisent voient-ils simplement une quinquagénaire qui n’est ni bien ni mal, elle a l’âge qu’elle a. Mais moi je vois mon ancienne tête où une vérole s’est mise dont je ne guérirai pas.
Elle m’infecte aussi le cœur. J’ai perdu ce pouvoir que j’avais de pouvoir séparer les ténèbres de la lumière, me ménageant, au prix de quelques tornades, des ciels radieux. Mes révoltes sont découragées par l’imminence de ma fin et la fatalité des dégradations ; mais aussi mes bonheurs ont pâli. La mort n’est plus dans les lointains une aventure brutale ; elle hante mon sommeil ; éveillée, je sens son ombre entre le monde et moi : elle a déjà commencé. Voilà ce que je ne prévoyais pas : ça commence tôt et ça ronge. Peut-être s’achèvera-t-elle sans beaucoup de douleur, toute chose m’ayant quittée, si bien que cette présence à laquelle je ne voulais pas renoncer, la mienne, ne sera plus présence à rien, ne sera plus rien et se laissera balayer avec indifférence. L’un après l’autre ils sont grignotés, ils craquent, ils vont craquer les liens qui me retenaient à la terre.
Oui, le moment est arrivé de dire : jamais plus ! Ce n’est pas moi qui me détache de mes anciens bonheurs, ce sont eux qui se détachent de moi : les chemins de montagne se refusent à mes pieds. Jamais plus je ne m’écroulerai, grisée de fatigue, dans l’odeur du foin ; jamais plus je ne glisserai solitaire sur la neige des matins. Jamais plus un homme. Maintenant, autant que mon corps, mon imagination en a pris son parti. Malgré tout, c’est étrange de n’être plus un corps ; il y a des moments où cette bizarrerie, par son caractère définitif, me glace le sang. Ce qui me navre, bien plus que ces privations, c’est de ne plus rencontrer en moi de désirs neufs ; ils se flétrissent avant de naître dans ce temps raréfié qui est désormais le mien. Jadis les jours glissaient sans hâte, j’allais plus vite qu’eux, mes projets m’emportaient. Maintenant, les heures trop courtes me mènent à bride abattue vers ma tombe. J’évite de penser : dans dix ans, dans un an. Les souvenirs s’exténuent, les mythes s’écaillent, les projets avortent dans l’œuf : je suis là et les choses sont là. Si ce silence doit durer, qu’il semble long, mon bref avenir."

Simone de Beauvoir, in La Force des choses.

On peut écouter un extrait ce texte lu par Charles Sigel qui lui donne une belle intensité.
Ici, à l'heure : 01:24:03.

***

"L'ami doit être passé maître dans l'art de deviner et dans l'art de se taire."
Friedrich Nietzsche, Ainsi parlait Zarathoustra.

jeudi 20 juin 2013

Le démon de midi... est un ange

ELLE, est carrément sublime dans Les Beaux Jours

"Une femme à la retraite rencontre un homme qui a l’âge d’être son fils. Une histoire de cougar ? Heureusement, non. Dans « Les Beaux Jours », Marion Vernoux dynamite les poncifs et dirige Fanny Ardant dans l’un de ses plus beaux rôles." Suite ici...




Ici avec Laurent Lafitte...



... et là avec Patrick Chesnais, craquant.

 « Le sujet du film n’est pas l’avidité sexuelle, et Caroline n’est en aucun cas en mal de mâle. Ses préoccupations sont bien plus essentielles. Caroline se refuse à penser “ Jamais plus ”. Et elle accueille à bras ouverts quelques évidences : la vie a plus d’imagination que nous, tous les âges sont ceux du possible et le destin d’une vie est ce que l’on en fait. » 
"Pour moi, gagner en âge, c’est aussi et surtout la possibilité de gagner en insolence et en liberté. On a beaucoup moins à perdre en inaugurant un casier judiciaire à 65 ans qu’à 20. Profitons-en ! »
 (dixit Fanny Ardant)
Source Rue 89.

 "D'une voix grave, douce et inimitable, la comédienne reconnaît s'être toujours laissé guider dans ses choix "par le désir et le plaisir" : "Je ne pourrais pas jouer un rôle que je n'aime pas avec un grand metteur en scène. Je n'ai qu'une vie. Je ne vais pas en plus me barber. Je n'ai pas le sens du pedigree, de la carrière, de la stratégie. C'est ça que je paie. Mais je crois qu'il faut savoir se débarrasser de toutes ces contingences pour rester libre. Cela a aussi un prix."
Fanny Ardant aura toujours eu l'audace de ses coups de cœur et ne cultive aucun regret. Elle évoque une fable de La Fontaine apprise à l'école, Le Loup et le Chien : "Je préfère être comme le loup. Maigre et sans collier. Le grand ennemi de la vie, c'est la peur", ajoute celle qui a toujours su braver les siennes. Et a fait de la liberté la philosophie de sa vie."
Source, le JDD.


Laurent Lafitte est le séducteur (séduisant). Pensionnaire de la Comédie française! Décidément, cette institution est une niche d'excellents comédiens. Je me souviens de l'époustouflant Pierre Niney dans un rôle similaire, non à vrai dire très différent (âges, contexte) dans le délicieux 20 ans d'écart.

Fanny Ardant est sublime Fanny Ardant est sublime Fanny Ardant est sublime Fanny Ardant est sublime Fanny Ardant est sublime Fanny Ardant est sublime.

J'ai une amie qui ne supporte pas sa voix. Quand je l'entends, je succombe. Je l'écoutais tout à l'heure dire des textes de Marguerite Duras dans l'émission Une maison, un écrivain. Et son sourire... Pourtant c'est peut-être dans l'émotion que son visage est le plus beau et que ses yeux brillent de mille feux. Je ne l'ai jamais trouvé aussi belle que dans ce film.  

mardi 18 juin 2013

Première et dernière fois



J’ai longtemps vécu « des premières fois », je commence – depuis peu – à me dire que je vis « des dernières fois », tout en espérant désespérément ou ardemment qu’il y aura encore « une - ou des – première(s) fois ».
Et si j’allais à Sils-Maria « pour la première fois »? Ou, ô oui, sur le lac de Côme « pour la première fois » ? Réunir une « première fois » avec une « dernière fois » serait un beau projet… Voir le lac de Côme et... mourir.

C’est à cela que je pensais en écoutant tout à l’heure les réflexions de Kierkegaard sur « le premier amour ».

lundi 17 juin 2013

Contemplation, communion...

Hier sur le chemin de halage... La "boule blanche" était posée sur l'épaule du compagnon. Au moment où j'ai sorti mon appareil de photo de ma poche, la femme s'est redressée. J'ai raté le doux instant d'abandon. Tant mieux, il leur appartient. Photo volée, rapidement...


Vieillir à deux
 
Quand deux coeurs en s'aimant ont doucement vieilli
Oh ! quel bonheur profond, intime, recueilli !

Amour, hymen d'en haut ! O pur bien des âmes !
Il garde ses rayons même en perdant ses flammes.

Ces deux coeurs qu'il a pris jadis n'en font plus qu'un
Il fait des souvenirs de leur passé commun.

L'impossibilité de vivre l'un sans l'autre
Chérie, n'est-ce-pas, cette vie est la nôtre !

Il a la paix du soir avec l'éclat du jour,
Et devient l'amitié tout en restant l'amour
 
Victor Hugo 

dimanche 16 juin 2013

Un destin tragique


Amedeo Modigliani.
(1884-1920)

"Faites ce que vous sentez, 
et n'aimez pas ce que font les autres".

Modigliani avait 18 ans quand, à Venise,  un Maître italien lui enseigna cette maxime. 


 Modigliani, Le Zouave, 1918.

La peur de ne pas arriver au bout
"[...] Modigliani peignait dans la hâte, il fallait qu’un tableau fût achevé en une seule séance, de cinq, sept ou dix heures. Crainte de l’inachèvement ?
Concentré face au modèle, dans une extrême tension (et l’indispensable bouteille à sa portée), il allait chercher la vérité de l’être face à lui (ou la sienne propre). De ces amis (Soutine, Paul Guillaume, Zborowski) qui le portaient à bout de bras, au propre comme au figuré. Des femmes de sa vie (Béatrice Hastings ou Jeanne Hébuterne) ou des filles de rencontre.
À sa mère qui le soutenait elle aussi (moralement et financièrement), il écrivait pour la rassurer : "Je travaille et je me tourmente parfois, mais je ne suis plus embarrassé comme avant". 

Renoncer 

Étrange destin de ce garçon si séduisant (le qualificatif "aristocratique" vient sous la plume de tous ceux qui parlent de lui), fils d’une très bourgeoise famille juive de Livourne (mais quasi ruinée), précocement doué pour les arts, maladif (la tuberculose) et idéaliste: "Ton devoir est de ne jamais te consumer dans le sacrifice, écrit-il à son ami le peintre Oscar Ghiglia, ton véritable devoir est de sauver ton rêve".
Pourquoi entreprit-il de se détruire avec une telle constance, avec quel pressentiment d’une fin précoce ? Ses trois dernières années, de 1916 à 1919, semble une course à l’abîme, sa manière a trouvé son aboutissement, les toiles se succèdent à une cadence effrénée (invendues, le succès viendra trop tard) jusqu’au moment de l’abandon: une chambre glaciale, un lit de misère, la fièvre, une manière de suicide par renoncement. Jeanne, elle aussi, perdra prise, le lendemain, en se jetant d’une fenêtre."

Source et réécoute dans L'humeur vagabonde

samedi 15 juin 2013

Dialogues de sourds

Hier soir, tard, échange de textos :

Elle - Je ne suis pas déprimée, parce que je ne pleure pas! C'est juste que j'en ai marre de tous mes maux. Et toi, tu pleures?

Moi - Oui, je pleure, mais je ne suis pas déprimée. Je pleure sur ma vie, pas sur mes maux. Toi, tu ne pleures pas facilement, moi si. On dit que ça soulage. Je ne sais pas.

Je n'allais pas lui dire la vérité. J'ai envie de la protéger, ma petite soeur. En ce moment, je n'ai plus d'énergie, je n'allume plus mon ordinateur, sauf là, j'écris, pour dire que j'ai écouté deux émissions sur France Culture, qui valent vraiment le coup d'être réécoutées :

- L'homophobie : Généalogie d'une haine, sujet de l'émission Le Gai savoir de Raphaël Enthoven.

"De tous les racismes, l’homophobie est avec la misogynie celui qui s’exprime le plus volontiers, car il s’abrite derrière des considérations érudites. Les délires de Gobineau sur l’inégalité des races n’ont pas résisté à l’arrivée du XX siècle et le constat qu’il n’y a pas de race, mais les considérations oiseuses sur l’homosexualité comme un vice sont plus difficiles à abattre, à quoi tient cette résistance de la connerie ?
Il faut prendre au sérieux les arguments des homophobes. Il faut entendre et écouter les sophismes d’une haine qui se donne tantôt la science, tantôt le bon sens, pour alibi. Il faut plonger dans le marais de ces discours pestilentiels et parfumés pour en extraire la substantifique boue. Car combattre les choses n’est pas les comprendre, mais comprendre les choses, c’est les combattre. "

et, celle-ci :

- Penser la fin de vie, sujet du jour de Répliques, l'émission de Alain Finkielkraut qui a posé des questions essentielles. 

J'ai cependant toujours le même sentiment, bien qu'on nous fasse croire le contraire, que le sujet n'avance pas. On en revient à cette Loi Léonetti, insuffisante.. et le rapport Sicard où est-il?

Ah oui! Cette émission aussi, écoutée jeudi, toujours sur France Culture (que serais-je sans toi...) dans les NCC sur les éventuels sujets du Bac Philo :

J'ai pris plein de notes mais je n'ai pas la force (en ce moment) de les retranscrire).
"Quand je me regarde dans la glace je ne vois que la moitié de l'humanité. Il me manque l'homme ou la femme..." ou disons, l'autre moitié. "Bien qu'unique nous ne faisons pas un."
"C'est parce que nous savons qu'il nous manque quelque chose, que nous désirons. La solitude est le moteur du désir."
"Il faut parvenir à penser la solitude sans l'esquiver."
Solitude voulue, solitude subie etc.

Vraiment, à réécouter, seul, pour se sentir moins seul car "la solitude prend toute sa puissance quand on est entouré".

Je ne relis pas ce que je viens d'écrire... la tête me tourne.


mercredi 12 juin 2013

Cela fait quelque temps que je me demande ce que devient Frédéric Ferney. J'aimais beaucoup son blog mais malheureusement il semble abandonné, j'aime aussi l'homme et ses références littéraires. Je ne l'entends plus sur France Culture. Mes recherches sur son "actualité" sont vaines, parmi les plus récentes j'ai trouvé cette interview.

Extrait :

Comment aimez-vous lire ?
Proust qui disait que la lecture doit se faire en privé, comme le rêve, l’amour ou le caca ! Je suis d’accord avec ça. D’ailleurs, il m’arrive souvent d’emmener un livre au cabinet. J’ai le temps de lire en diagonale un roman que je viens de recevoir, ne serait-ce que pour décider s’il mérite une lecture attentive. Pour moi, la lecture est aussi une activité sociale. J’aime lire en compagnie des autres, avec des personnes proches ou aimées, par exemple. Parfois, lorsque je me retrouve avec ma famille à la campagne, les après-midi sont studieux. Chacun lit dans son coin, assis dans le jardin ou sur la terrasse, à quelques mètres les uns des autres. Le silence règne, ponctué seulement par le bruissement des pages. Tout d’un coup, l’un de nous rompt le silence : « Ah, tiens, t’as vu ce qu’il dit là ! » On se lit la phrase… J’adore ça !

Why stand when you can fall

Ce matin, en revoyant cette affiche d'une exposition, cette phrase prend tout son sens tandis que mes vertiges s'amenuisent sans avoir complètement disparus.



samedi 8 juin 2013

J'écrivais des silences, des nuits, je notais l'inexprimable. Je fixais des vertiges. (Arthur Rimbaud)

Donc!
Je devais prendre la route samedi dernier et... j'ai pris l'ambulance, direction les urgences.
Tombé à l'eau mon beau, mon doux, mon merveilleux... voyage.
Les vertiges ont eu raison de mon sort et ce n'était pas le vertige des montagnes, ni celui de l'amour.

Deux jours nauséeux, sous perfusion, sans pouvoir manger. On m'apporte enfin mon premier repas, le troisième jour. Je reste écoeurée devant mon assiette qui me soulevait le coeur.
Je n'y ai pas touché. 


Puis,  j'ai pu ouvrir un livre qui se trouvait par hasard dans mon sac à main.

  

... et cette lecture était plus nourrissante que celle que j'avais sous les yeux.
Chose étrange, la première phrase du chapitre parle de vertiges. 

Piéger la mémoire

Le poète reclus dans le Harar invitait au dérèglement de tous les sens et à la nécessité de fixer les vertiges. Comment procéder avec les ivresses induites par le voyage? Ecrire? Noter? Dessiner? Envoyer des lettres? Et si oui, brèves ou longues? Préférer des cartes postales? Photographier? Transporter avec soi des carnets sur lesquels on consigne croquis et phrases, mots et silhouettes, chiffres et nombres? [...]
Car du perpétuel flot et flux d'informations on ne retient jamais l'intégralité. Le voyage fournit en effet une occasion d'élargissement des cinq sens : sentir et entendre plus vivement, regarder et voir plus intensément, goûter ou toucher avec plus d'attention - le corps en émoi, tendu et prêt pour de nouvelles expériences enregistre plus de données que d'habitude. [...]
Noter, donc. Noter ce qui, dans le déroulement temporel et fluide du temps réel, dégage du sens et quintessencie le voyage. [...]
[...]
Plus tard, le temps de l'événement loin derrière soi, il reste des instants congelés en des formes susceptibles de réactivations immédiates. Ces traces justifient moins le voyage qu'elles le rendent partiellement immortel. Rien de pire qu'un déluge de traces, une abondance de photographies - sinon l'hystérie contemporaine et touristique qui consiste à tout enregistrer au caméscope au risque de réduire sa présence au monde à la seule activité de filmer... [...]
Entre l'absence de trace et leur excès, la fixation des instants forts et rares remplace le long temps de l'événement en un temps court et dense : celui de l'avènement esthétique. [...] D'un voyage ne devraient rester  que trois ou quatre signes, cinq ou six, guère plus. En fait, autant que les points cardinaux nécessaires à l'orientation.

Michel Onfray, in Théorie du voyage, Poétique de la géographie.

De retour à la maison, ce n'est plus la nourriture in-hospitalière qui me soulève le coeur, c'est la mélancolie. 

 

Je ne reverrai pas mon Léman tant chéri et ses montagnes. J'y pensais depuis des mois à cette escapade, vitale. GPS inutile...




Photos mai 2012