dimanche 30 octobre 2011

Un trésor qui vaut de l'or



C'est toujours le dimanche que je fouille dans mes tiroirs, et ce matin j'ai découvert ce médaillon. Je l'avais oublié.
Personne n'en voulait quand ma mère est morte puisqu'il n'avait aucune valeur marchande. Ce n'est pas de l'or, c'est de la camelote mais ce qu'il y a dedans c'est de l'émotion, ça n'a pas de prix.
Ma mère le portait toujours sur elle et je me souviens de ses yeux brillants quand j'allais la voir et qu'elle ouvrait cet objet comme s'il contenait un trésor. Il y avait la photo de mon père; elle l'avait mise dans le médaillon après sa mort. Elle a attendu longtemps pour, un jour, mettre la sienne... avec un visage de jeune femme. Cela contrastait avec celle de mon père qui était plus âgé sur la photo.

Je l'ai remis dans sa boîte...
Les années se suivent et... les souvenirs se ressemblent.

vendredi 28 octobre 2011

Extase esthétique

L’air est granuleux.
Glacé.
La feuille se détache du bout de la branche.
Tourbillonne dans le vide.
Légère.
Balancée.
S’amollit sur le trottoir.
Jaune mordoré.
Rousse.
Pourpre.
Morte.
D’une beauté bouleversante.

Louis Calaferte, in Choses dites.

Je lisais cela ce matin et je me souvins de cette phrase d’un ami :

« J'ai eu une sorte d'extase esthétique à midi, en voyant un arbre entièrement doré sur fond de ciel bleu-roi. Il fait vraiment trop beau.... ».

Hier, c'est un torrent de pluie qui s'est abattu sur la ville. On aurait dit des pluies tropicales; l'air était chaud. Je n'en menais pas large en conduisant ma voiture sur la chaussée qui se remplissait d'eau, giclant jusque sur mes vitres. Je crois que je n'avais jamais vu une telle pluie ici.
Aujourd'hui, le ciel était bleu, sans un nuage, l'air tout aussi doux. J'avais pris mon sac d'hiver pour aller au golf, ayant remisé le chariot. Je pensais que le terrain n'aurait pas absorbé toute cette eau. Eh bien si! Pas une flaque sur le parcours mais beaucoup (trop) de monde pour profiter de cette journée. Je crois que j'aurais préféré des flaques!

mercredi 26 octobre 2011

En attendant la suite...

"Comment n'être pas saisi, n'avoir pas la foi devant cette beauté de la nature? La science s'éclaircit, éclaircira la plupart des mystères qui nous bornent; pénétrera-t-elle ces instants de l'âme qui, soudain, nous élèvent? N'est-ce pas là la part de Dieu?"


"A quelle vie antérieure ou à venir appartiennent ces lieux, paysages et maisons, auxquels nous ramène périodiquement le puzzle de nos rêves?"


"A quelle effrayante distance nous sommes de nous-mêmes. Comment nous rejoindre jamais?"


"Que sommes-nous, sinon une perpétuelle absence".


Louis Calaferte, in Choses dites, Interrogation.


Avons-nous les mêmes pensées, à deux...





... que solitaire?





(A suivre).

mardi 25 octobre 2011

***

Vu Apocalypse, documentaire sur l'ascension de Hitler.
Extraordinaire reconstitution historique. Fascinant. Horreur totale.
Ça fait peur!
Impossible pourtant d'imaginer que cela puisse se reproduire.

dimanche 23 octobre 2011

Journal

Mon téléphone portable ne sonnera plus à l'heure du dîner. Il m'appelait toujours à cette heure où je venais de commencer mon plat chaud ou quand je faisais la vaisselle. Je savais que c'était lui, personne d'autre ne m'appel(le)ait sur mon portable.
- Allô Xxxxxxx? C'est Mxxxxl!
Il savait bien que je voyais son nom affiché sur mon écran mais il fallait toujours qu'il me dise que c'était lui. A vrai dire je faisais pareil quand je l'appelais. On est bête.
Je ne pensais qu'à ça ce soir en dînant, la gorge nouée. Ça m'a coupé l'appétit.
Mon téléphone portable ne sonnera plus, à cette heure-là.
Je me suis promise de ne penser qu'à lui en souriant, c'est un peu tôt, ça viendra.

Vendredi après-midi :

Petit vent frisquet. Nous foulons chaque semaine aux mêmes jours et heures les fairways. On ne se connaît pas mais on se fait un petit signe de connivence lorsque nous nous croisons... solitaires. Quand il m'arrive (rarement) de jouer le dimanche, je l'aperçois avec une femme, sa femme je suppose. Ce vendredi il était avec un jeune homme, son fils peut-être. J'étais au départ du 9 et eux à l'arrivée du 2 et, pour la première fois, il est venu me saluer.
- Vous allez bien?
- Ça va. Je suis crevée, je vais trop vite (j'en étais à mon deuxième 9 trous) quand je joue toute seule. A plusieurs on a le temps de se reposer pendant que les autres jouent.
(J'aurais dû lui dire "fatiguée" au lieu de "crevée", mais chassez le naturel il...).
- La prochaine fois vous jouerez avec nous me dit-il, toujours souriant.
- Volontiers. Bon parcours!
(Nous verrons bien... la prochaine fois). C'est gentil d'être venu me serrer la main, je croise tellement de visages fermés, antipathiques, sans un bonjour au golf. J'ai le sentiment que les nouveaux golfeurs sont plus prétentieux de nos jours (je parle comme une vieille que je suis, pfff!). Quand j'ai démarré il y a.... hum! en 1980, je n'ai rencontré que des gens agréables et puis, à cette époque-là pour avoir accès au parcours il fallait savoir jouer correctement. Aujourd'hui bien souvent, plus le joueur est médiocre plus il "se la pète", plus il vous snobe.

Samedi matin :

Ils vont souvent par deux...



... mais sont parfois solitaires!


jeudi 20 octobre 2011

***


Colum McCann à Deauville, le 10 septembre 2009. (REUTERS)

"Nous devons réfuter les thèses de ceux qui prêchent le désespoir".

Indignation


"Pour supporter jusqu’au bout le deuxième sermon du Dr Donehower , j’avais éprouvé la nécessité d’évoquer le souvenir d’un chant dont j’avais appris le rythme trépidant et les paroles martiales à l’école primaire quand la seconde guerre mondiale faisait rage et que le programme de nos rassemblements hebdomadaires, destinés à stimuler chez nous les vertus patriotiques, consistait à nous faire chanter à l’unisson les différents hymnes militaires : [...] ainsi que les hymnes du génie maritime et des bataillons féminins, les WAC. Nous chantions aussi ce qu’on nous avait dit être l’hymne national de nos alliés Chinois dans la guerre qu’avait déclenchée les Japonais. Les paroles étaient les suivantes :


Debout, vous qui refusez d’être mis sous le joug!
De notre chair, de notre sang
Nous bâtirons une nouvelle Grande Muraille!
Le peuple chinois connaît son plus grand danger.
L’indignation emplit le coeur de nos compatriotes.
Debout! Debout! Debout!
Tous les coeurs à l’unisson,
Bravons le feu de l’ennemi,
Marchons!
Bravons le feu de l’ennemi,
Marchons! Marchons! Marchons!


J’ai bien dû chanter cette strophe dans ma tête une cinquantaine de fois pendant le sermon du Dr Donehower, puis encore une cinquantaine de fois quand le choeur donnait son interprétation des hymnes chrétiens et, à chaque fois, je mettais tout particulièrement l’attention sur chacune des quatre syllabes qui, réunies, formaient le mot "indignation"."

Philip Roth, in Indignation, éditions Gallimard, 2010.

J'ai toujours un train de retard quand je lis les romans de Philip Roth mais je n'en ai peut-être que plus de plaisir. Sans doute lirais-je Le Rabaissement l'année prochaine... J'apprends ainsi à maîtriser mon impatience de lire un auteur que j'aime sans me précipiter.
Dans Indignation, que je viens de terminer, il a fait un break sur le sujet favori de ses derniers romans : le vieillissement. Cela me permet d'en faire un aussi, mes obsessions étant les siennes. Je dois avouer que j'ai été moins captivée par celui-ci.  J'étais plus intéressée par son alter-ego Nathan Zuckerman, mais il l'a tué dans Exit, le fantôme!
La photo de couverture confirme que nous sommes dans les années cinquante:) (1951, seconde année de la guerre de Corée).
"Marcus, en s'éloignant de ses parents, va tenter sa chance dans une Amérique encore inconnue de lui, pleine d'embûches, de difficultés et de surprises.
Indignation, le vingt-neuvième roman de Philip Roth, propose une forme de roman d'apprentissage : c'est une histoire d'audace et de folie, d'erreurs et de tâtonnements, de résistance et de révélations, tant sur le plan sexuel qu'intellectuel [...]."
4e de couverture.

Je retrouverai certainement le Roth que j'aime dans Le Rabaissement.

On parle beaucoup d'indignation en ce moment, les indignés manifestent un peu partout dans le monde. Le mini livre (oserais-je dire, la brochure, hum!) de Stéphane Hessel, Indignez-vous !, s'est mû en pavé.
Sur le sujet, je relève ceci dans un billet de Frédéric Ferney, où il est question de François Mauriac :

"Il me semble, en tous cas, en le relisant, que les rognes, les colères, les indignations de Mauriac n’ont rien perdu de leur actualité. Indignation : « sentiment de colère que soulève une action qui heurte la conscience morale, le sentiment de la justice ». Après le livre-manifeste de Stéphane Hessel, « Indignez-vous ! » (suivi de la « Lettre à tous les résignés et indignés » de sainte Opportune alias Ségolène Royal), le mot est à la mode. D’ailleurs, lui, Mauriac, ne l’aime pas trop, ce mot : « On s’indignera peut-être que je m’indigne si peu, écrit-il. C’est que la férocité des hommes a perdu le pouvoir de m’étonner ». C’est pourtant ce qu’il fait, à chaud, presque chaque jour, pendant plus de 30 ans, jusqu’à sa mort, à 85 ans (en 1970). Dans son journal, il ne nous parle pas tant de ses goûts (qui ne sont pas forcément les nôtres) que de ses craintes et de ses démons (qu’on peut aussi ne pas partager)."

Je me sens plus proche de Mauriac que de Hessel.

mardi 18 octobre 2011

***

Vu L'Opéra de Pékin : Les femmes générales de la famille Yang par l'Académie Nationale de Tianjin.

L'histoire se déroule sous le règne de l'empereur SONG Renzong (1022-1063). La mort a frappé successivement les pères et le fils de la famille YANG, tués au combat. Les lourdes tâches au palais Tian Po incombent dorénavant aux femmes, qui assument avec détermination leurs nouvelles responsabilités.

Il m'a fallu quelques minutes pour m'habituer au son des voix au timbre très aigu.
Costumes, masques, maquillages, danses, acrobaties oui, féériques.
Les acteurs sont tous "médailles d'or", acteurs émérites.
Musique chinoise traditionnelle : un autre monde. Mes oreilles ont souffert!

Mes idées noires se sont évanouies... jusqu'à... demain?

La troupe a été très applaudie.

Journal

Notre âge se manifeste avec lourdeur par la disparition de nos amis, des êtres chers, dont le nombre augmente avec nos années. Cette idée me vient à l’approche de la Toussaint.
Je suis assise dans mon canapé à siroter mon petit café de dix heures, une oreille attentive à l’écoute des NCC – thème de la semaine : la solitude, le solitaire –, le regard tourné vers la fenêtre d’où j’aperçois sur la terrasse le dipladénia en fin de floraison.

(Photographié en juillet lors du rempotage)

Le ciel est gris, l’air est doux, le crachin pose ses fines gouttelettes sur les toiles d’araignées – si fragiles et si tenaces - entre les plantes, entre les pieds des chaises.
Je suis là, après un réveil habituel fait de cette angoisse qui m’étreint dès que j'ouvre les yeux; c'est comme un étau dans ma poitrine et la question chaque matin soulevée, lancinante, oppressante : que sera mon avenir ?
Je suis là, quelques heures plus tard, à peine apaisée.
Tout est gris ce matin, dehors, dedans. J’allume une lampe pour tenter de mettre un peu de lumière dans mes idées noires.

"Sentir sa vie c'est sentir en nous ce qu'il y a de plus profondément solitaire."
F.P.G. Maine de Biran.

Ce soir, je l’espère - j’en suis sûre - toutes ces sombres pensées seront colorées par les costumes de L’Opéra de Pékin, le spectacle que je vais voir au théâtre. Je n’aurai pas besoin d’allumer les lampes. La scène sera lumière.

Mon coeur comme un noeud

Lundi 17 octobre.

Mes espoirs étaient grands ce matin.
Comme ces oiseaux dans le ciel...

(Cliquer pour agrandir)

Un noeud comme un coeur


Ce soir ils sont comme cette charette.
Abandonnés.

dimanche 16 octobre 2011

Max Frisch, citoyen

J’ai réussi à la voir finalement, cette émission, annulée, puis reportée le 3 octobre : Max Frisch citoyen, mais malheureusement sans le film de Volker Schlöndorff, Homo faber.


Max Frisch. «L’écriture fut sa seule expérience de liberté»,
dit Julian Schütt, son biographe. (Keystone)
La Suisse célèbre cette année le 100è anniversaire de sa naissance

"Après des études de langue et de littérature germanique à Zurich, Max Frisch (1911-1991) se lance dans une carrière de journaliste-reporter, avant de reprendre une formation d’architecte, activité qu’il exercera de 1942 à 1954, parallèlement à ses débuts d’écrivain. A la lecture de son premier roman, J’adore ce qui me brûle (1943), le dramaturge du Schauspielhaus de Zurich, l’encourage à écrire une pièce. Ce seront successivement Santa Cruz, La Grande Muraille de Chine, Don Juan ou l’amour de la Géométrie, Biedermann (Monsieur Bonhomme) et les incendiaires, Andorra et Biographie, un jeu théâtral, toutes pièces où l’auteur se mesure à son grand aîné, Bertolt Brecht, sur les questions esthétiques et politiques de l’illusion scénique et de la transformation du monde. Poursuivant parallèlement son activité de romancier (Je ne suis par Stiller, Homo Faber, Montauk…) Max Frisch interroge avec originalité la place de l’individu dans le monde et du sujet dans l’Histoire."


Max Frisch im August 1937 an den Dents du Midi,
fotografiert von Käte Rubensohn. (Bild: Max-Frisch-Archiv)

Ce documentaire, Max Frisch, citoyen, alternant images d'archives et interviews de personnalités, écrivains, comme Peter Bichsel, Günter Grass, Christa Wolf, ou hommes politiques comme Helmut Schmidt et Henry A. Kissinger, évoque la vie de l'écrivain suisse et son rôle d'intellectuel.
J'ai extrait deux moments de ce documentaire : avec Günter Grass puis Helmut Schmidt. Il est encourageant de constater qu'un homme d'état s'intéresse aux intellectuels. Très mauvaise qualité de mes vidéos, comme d'habitude; on peut voir la totalité du documentaire (90 minutes) ici, avec de bonnes images**. 


vendredi 14 octobre 2011

Foire du livre de Francfort



Allemagne. Un visiteur marche devant une affiche de la Foire du livre de Francfort.
(Reuters)


Le 12 octobre, la 63e édition de la Foire du livre de Francfort a été inaugurée. Il s'agit du plus grand rassemblement littéraire du monde. Cette édition a pour thème « Repenser et repartir ». L'invité d'honneur est l'Islande. Quelque 7 400 groupes d'une centaine de pays y participeront, dont environ 200 groupes chinois, une légère augmentation par rapport à 2010.

"Plus de la moitié des manifestations organisées cette année auront pour thème la numérisation et la «convergence des média», et l’essentiel des débats portera sur les transformations entraînées par l’e-book. Le livre numérique, dont la diffusion reste confidentielle en France au regard de ce qu’elle est outre-atlantique, représentera 18 à 19% du marché américain avant la fin de l’année."
Le Magazine Littéraire, la suite ici.

Actualités.

jeudi 13 octobre 2011

***

Lectures en cours :

. Philip Roth, Indignation.
. Louis Calaferte, Choses dites.

Ménage en cours :
. Aspirateur
. Dépoussiérage
. Machine à laver

Projets en cours :
. Nettoyer les vitres
. Passer la serpillère sur le sol
. Dégivrer le congélateur
  (Là, je "procrastine":))

Loisir en cours :
. Ordinateur

Loisirs à venir :
. Golf
. Lecture
. Ecriture
. Rêverie

=0=0=0=0=

"Olaf (sur des genoux qui n'en sont plus) répète sans jamais se lasser
"il est des merdes qu'on ne me fera pas bouffer"
E.E. Cummings, "Je chante Olaf le gai le grand"
Citation en épigraphe de Indignation de Philip Roth.

"Le bonheur ne proviendrait-il que de l'absence de pensée?"
Interrogation, Louis Calaferte, Choses dites.

"Mes pensées sont si envahissantes que je ne peux rien faire de mes mains."
Anonyme.

mercredi 12 octobre 2011

Elle est trop bonne!

Qu'elle serait monotone ma Bretagne sous un ciel bleu permanent!
J'aime ses couleurs et son ciel changeant.
Aujourd'hui l'harmonie des pastels était totale et venait s'ajouter à la douceur de l'air.
"Elle est trop bonne!" criait un garçon, en plongeant la tête dans l'eau.
"Y a des cailloux!" criait un autre...
La mer était si calme que sa densité semblait lourde.
Une jeune femme nageait le crawl avait grâce.
Les voiliers avançaient lentement, les jeunes gens peinaient sur leur planche, le vent n'était pas de la partie.
Une superbe journée d'automne au bord de la mer.

D'aucuns n'y verront qu'un ciel encore nuageux mais le dégradé des couleurs était resplendissant.
Je ressentais une douceur impalpable.


Musique : Philip Glass - Opening.

lundi 10 octobre 2011

Virginia et Vita


Vita Sackville-West par Philip Alexius de Laszlo (1910)



Crédits photo: Ed.Stock-La Cosmopolite

Virginia Woolf et Vita Sackville-West
eurent une liaison passionnelle et avant-gardiste
et une Correspondance qui dura vingt ans
jusqu'à la mort de Virginia, le 28 mars 1941.

Jeudi 10 octobre 1940.


"Les idées jaillissent assez bien car j'ai passé une journée d'oisiveté, une journée sans écrire - quel soulagement de s'arrêter de temps à autre! - une journée de discussion avec Vita. De quoi avons-nous parlé? Oh! de la guerre, des bombes, de telle maison endommagée, de telle autre qui ne l'est pas, de l'attaque de Ben, et puis de nos livres - tout cela de façon très ample, détendue, et parfaitement satisfaisante. Elle a une emprise sur la vie : elle connaît les plantes, leurs corps comme leurs esprits; déjeune à la table du prince Bernhart, se trompe de personne en faisant sa révérence... "Je suis Robert d'Autriche." Fait la vaisselle avec R. et A. Se montre en général détendue, expansive et totalement dépourvue de cette odeur d'arrière-cuisine qui se dégage des artistes médiocres - si perceptible chez Helen. Ouverte, tolérante et modeste, elle mène d'une main souple les multiples rênes de son attelage : ses fils, Harold, le jardin, la ferme. En outre, pleine d'humour, elle est profondément, je veux dire maladroitement et tacitement, affectueuse. Je suis ravie que notre amitié ait si bien résisté aux intempéries. Elle nous a emmenés à Lewes dans son auto. Violent orage. Voiture incommodée. La sirène a retentit au moment où nous la quittions à une intersection. Après un dernier signe de la main, elle s'est éloignée au volant de son auto, vêtue de ses jambières, de son manteau de velours brun et de son chemisier jaune, sa silhouette devenue, diraient j'imagine certains, un peu lourde et négligée; les yeux sont un peu moins brillants, les joues distendues. Mais elle-même se souciant si peu de ces choses que tout cela était sans importance. Nous sommes donc rentrés à pied à la maison par le marais. Ah! comme nous sommes libres et tranquilles! Nous n'attendons aucune visite. Pas de domestiques. Dînons à l'heure qu'il nous plaît. Menons une existence frugale. Je crois que nous sommes assez bien parvenus à maîtriser notre vie."

Virginia Woolf, in Journal intégral 1915-1941.

dimanche 9 octobre 2011

Je suis de nulle part

Je ne sais pas d'où je viens, je ne sais pas où je vais. Je suis de nulle part... quand je suis dans ma voiture.
Tout redevient possible, tout est à inventer.

Je suis allée la voir. Nous avons passé la journée ensemble. Je savais qu'elle allait pleurer; je m'étais promis de ne pas pleurer mais c'est vachement dur. Je ne sais pas pourquoi je n'arrive pas à refouler mes larmes quand je vois quelqu'un pleurer. Je n'ai pas réussi à ne pas pleurer. On a pleuré un bon coup. Puis je lui ai dit : allons déjeuner, j'ai faim. A vrai dire je n'avais pas très faim. Je ne voulais pas rester dans la maison avec elle, me retrouver à déjeuner sur cette grande table de salle-à-manger, sans lui. Je lui avais d'ailleurs dit de ne rien préparer. Je l'ai invité à déjeuner à Saint Goustan; ça allait lui faire du bien d'être dans  le bruit d'un petit restau.  Ça lui fait bizarre d'être sans lui. Ça va lui faire bizarre pendant longtemps... Elle s'est détendue pendant le repas. Pour le bruit, on a été gâtée et pour la chaleur, aussi. Nous étions rubicondes en sortant. Le ciel était gris, l'air doux, le petit vent nous fouettait agréablement. Après, nous sommes allées au cimetière; la plaque avait été gravée. Je n'aime pas les cimetières. Nous sommes rentrées chez elle. Nous avons pris le café. Elle m'a parlé, parlé, parlé, parlé... Elle a sorti de vieux documents que mon frère avait gardés dont une vieille carte d'identité de mon père.
- Tu la veux?
- Oui. Je lis : validée le 2 septembre 1949. Timbre fiscal : 13 francs. Je regarde sa photo, sa signature.
- Et ça? C'était à ton grand-père? Elle me montre un carnet jauni qui date de 1935.
- Oui, je le veux bien. Je lis : "Soins gratuits aux victimes militaires. Bénéficiaires de l'article 64 de la loi du 31 mars 1919." Je colle mon nez dessus, ça ne sent pas le renfermé, ça sent bon.
Je l'imagine faisant le tri de tout ça...
Allez, viens, on va sortir la chienne lui dis-je. Nous avons fait une balade d'une heure.

Puis je l'ai quittée, elle m'a envoyé un baiser avant que je prenne le virage, je lui ai fait un signe de la main...

Je suis rentrée, vidée. Tout "le possible" que je ressentais dans ma voiture le matin avait disparu. Au retour, il restait : je ne sais pas d'où je viens, je ne sais pas où je vais. Je me sentais perdue.

samedi 8 octobre 2011

Opéra-bouffe

J'ai eu la bonne idée de regarder l'autre soir à la télévision, Jean-Michel Ribes faisant répéter sa troupe dans l'Opéra-bouffe : René L'énervé.

Si j'ai bien ri pendant une heure (c'est déjà une réussite), les répétitions étant souvent truffées de gags, je ne pense pas que je serais tentée par trois heures au théâtre de cette bouffonnerie qui pastiche cinq années de sarkozisme.

Extraits avec des images de mauvaise qualité (le miennes), mais qui donnent un aperçu du sujet et quelques séquences drôlissimes. Il faut dire que je suis "bon public"!


"Il est petit, n'arrête pas de courir et n'a que "le bon sens" à la bouche. Cet amusant personnage qui traverse le plateau du Théâtre du Rond-Point, à Paris, comme le lapin mécanique d'un célèbre spot publicitaire, c'est René, épicier de son état, appelé à devenir le "chef du pays" au nom d'un parti majoritaire facile à reconnaître... Son ascension et sa chute constituent la trame de René l'énervé, le nouveau spectacle de Jean-Michel Ribes conçu comme une charge contre l'actuel président de la République, mais aussi contre le monde politique en général.
Dans cette caricature très appuyée, le physique compte moins que les expressions, gestuelles ou oratoires. Lors de sa première apparition, René ressemble d'ailleurs davantage à Diego Maradona en fin de carrière qu'à Nicolas Sarkozy lors d'une séance de footing. Mais, avant même d'exhiber des épaulettes dorées sur son survêtement à paillettes, celui qui part en campagne sous la houlette du publiciste Jessantout reproduit des tics (dont le fameux index pointé) dépourvus d'ambiguïté. Ses paroles sonnent comme du déjà-entendu dans un registre simpliste qu'un slogan ("Courir et laisser dire") ou un mot d'ordre ("Je suis en forme, je réforme !") illustrent de manière répétitive."

Pierre Gervasoni, Le Monde.

vendredi 7 octobre 2011

Le prénom possédé

J'aime entendre mon prénom. J'aime quand mes amis le prononcent lorsqu'ils s'adressent à moi de vive voix, ou lorsqu'ils l'écrivent.
J'ai alors la sensation délicieuse d'Être, d'Exister.
Parfois ils rajoutent un possessif : "Ma"... Ce sont surtout mes amies femmes qui le font, mais il est arrivé qu'un homme le fasse, par écrit.
Je rêve encore qu'un jour un homme "possédera" mon prénom, de vive voix.
Je serais son "Ma"... Je l'entendrais... Ce serait le mot doux le plus doux à mon oreille. Ce serait comme s'il me prendrait dans ses bras.
Je ne me poserais plus la question : suis-je?
Je serais!

Mais j'aime bien aussi quand on m'appelle "Ma grande"! En amitié, c'est une tendre expression, surtout quand on n'a plus vingt, trente, quarante, cinquante (bon j'arrête)... ans!

(Ceci n'a pas été écrit pas une ado... Malheureusement.)

"Être au monde, être dans la lumière.
Endurer le temps, l'éternité dans l'instant.
Être éternel.
Avoir été."
Max Frisch.

jeudi 6 octobre 2011

Titre accrocheur

Bel oxymoron.
Il n'y va pas par quatre chemins!
J'aime son côté frondeur : j'ose dire ce que je pense.
"La salope éthique est amoureuse, mais elle vit des relations multiples."
Un vrai coup de fouet!

"Il faut oser ou se résigner à tout."
Tite-Live.

mercredi 5 octobre 2011

Fin de saison


Solitude contemplative
Le monde lui appartient

C'est le pied!

Je ne les avais pas remarqué sans zoomer...

... les éoliennes sur l'autre rive.

lundi 3 octobre 2011

Quel week-end!

Journal d’un week-end très ensoleillé.

Vendredi.

Golf pour débloquer mes cervicales : efficace !
Une journée… standard, monotone.

Samedi.

Belle promenade en ville, en touriste.


Je me suis attardée dans le Jardin de l’Evêché et du Musée départemental breton. Ce n’était pas la peine que je prenne des photos ; je découvre ce panoramique.

Le Musée départemental breton est installé dans l'ancien palais des Évêques de Cornouaille, proche de la cathédrale Saint-Corentin; le Jardin est un havre de paix.




J’aime les grilles de protection en fer forgé de l’entrée, dans ces ouvertures de style gothique,



qui abritent aussi dans l'enceinte du Jardin, des dalles funéraires.




En les observant, j’imaginais derrière ce beau grillage des femmes voilées dans leur sérail, non pas des religieuses, mais des femmes de harem.  Je suis une païenne!

Il est déjà 17 heures. Petite pause dans un café face au Théâtre Max Jacob,

Théâtre Max Jacob

Pont Firmin

avant d’aller à 18 heures à une conférence à la médiathèque, de Catherine Bensaïd, psychiatre et psychanalyste. Le sujet m’intéressait : l’amour, analyse du JE, du TU, du NOUS. Son exposé n’était pas inintéressant, l’intervenante avait un beau visage et une belle voix, mais rien de nouveau sur le sujet. J’espérais le débat plus passionnant, or tout le monde allait de son cas personnel et confondait débat public avec séance particulière chez le psy. Suis partie avant la fin… et j’avais faim !

Il était tôt pour dîner, à peine 20 heures mais pour avoir une table à l’Epée, un samedi soir sans réserver, il fallait que j’y aille de bonne heure : moules-frites, oui, encore ; quand je mange des moules, j’ai l’impression d’être en vacances, allez savoir pourquoi ! Leurs frites sont soufflées, c’est un régal ! Je me suis même offert un dessert, ce qui est rarissime et ma foi, je n’ai point regretté : une rosace de fraises et caramel au beurre salé tièdes servis avec un sorbet à la fraise ; le mélange chaud/froid était exquis. J'ai pris cette photo en deux secondes, discrètement!


Que faire quand on est seule au restaurant sinon observer les autres. Je regardais donc deux couples, attablés côte à côte mais pas ensembles. Les deux femmes devaient avoir à peu près mon âge, l'une faisait bourgeoise BCBG, accompagnée d'un vieil homme à l'air fatigué, l'autre avait une allure bohème, artiste, accompagnée d'un homme aussi décontracté qu'elle, c'étaient des anglais. La femme bourgeoise agrémentait son repas d'un verre de vin, son époux (sans doute), buvait de l'eau; ils n'étaient guère joyeux. Les "artistes", eux, se regardaient dans les yeux en souriant (même en riant) en trinquant, leur verre de bourgogne à la main. Comme je les enviais, ces deux-là.

Retour à la maison, à pied, le long de l’Odet, dans la douceur d’une soirée d’automne carrément estivale.

Lecture avec les Nocturnes de Chopin en fond sonore. J’ai commencé Le Neveu de Wittgenstein, Une amitié,  de Thomas Bernhard.

Dimanche.

Passé la matinée à penser à mon frère. Fouillé dans mes photos. Trouvé deux, belles : l’une de lui avec sa femme, l’autre de lui avec moi sur le banc de ma maison à la campagne, je venais d’y emménager, en 1995. Comme j’ai changé ; j’avais les cheveux courts et encore auburn. Les souvenirs affluaient. Je les ai commandées en tirage papier. Puis, j’ai ressorti d’un carton, deux petits cadres enveloppés dans du papier bulle depuis mon déménagement. Il me les avait offerts quand je vivais à la campagne, ils représentent deux paysages de la ville où il vi...vait. Ils étaient accrochés près de mon armoire bretonne (que j’ai vendue avant de déménager). En arrivant ici, dans mon appartement, je les ai laissé dans leur emballage dans un carton, je trouvais qu’ils n’allaient pas avec l’architecture et la décoration modernes de mon appartement. Ce matin tout cela m’est revenu à l’esprit en pensant à lui. J’étais sûre qu’il avait remarqué en me rendant visite que « ses » petits paysages n’étaient plus sur mes murs et je me suis dit qu’il avait dû en être attristé. Maintenant qu’il n’est plus là, j’ai pris deux crochets X et je les ai mis dans mon entrée. C’est idiot, je le sais, puisque lui n’est plus là. Mais c’était une bouffée de tendresse que j’accrochais au mur ce matin. Aujourd’hui, il aurait eu soixante dix ans. Puis j’ai appelé ma belle-sœur à midi, elle revenait du cimetière.

Cet après-midi, j’ai fait du farniente sur ma terrasse, à l’ombre, chaleur d’été. J’ai terminé Le Neveu de Wittgenstein, dans le silence de la ville un dimanche et je me suis sentie bien… entamée. J’aime être entamée par la littérature. Il y a des passages très cocasses, il m'est arrivé de rire.

« Dans ce Récit, sous-titré Une amitié, Thomas Bernhard évoque un ami disparu, Paul Wittgenstein (1907-1979), neveu du célèbre philosophe.
A travers l’hommage rendu au défunt neveu, Paul, personnalité fantasque, « fanatique d’opéra et de course automobile », figure de la vie mondaine viennoise, et qui, atteint de schizophrénie, avait effectué plusieurs séjours au Steinhof avant de finir seul, abandonné de tous, se dessine en creux un portrait du narrateur, qui fait froidement l’aveu de sa propre lâcheté et de son égoïsme face à la détresse d’un ami. Comme toutes les autres relations de Paulo, il a, dans un réflexe de protection, « par un bas instinct de conservation », « pris le large » et « préféré supporter sa mauvaise conscience plutôt qu’une rencontre avec lui ». Histoire de l’échec d’une relation humaine. »

Paul Wittgenstein était en réalité le frère du philosphe Ludwig Wittgenstein et non son neveu.

Il est 22 h 30 et je viens de regarder un film franco-tunisien sur Arte : Satin Rouge. : pas de harem dans ce film mais de la sensualité et du désir. Quand on parle de danse orientale, le terme de "danse du ventre" est réducteur car c'est tout le corps qui bouge. La danse orientale est un art.

Je me demande comment j’arrive à faire tout ça, seule : me promener, aller au musée, écouter des conférences, aller au restaurant, au café, au golf, à la thalasso. C’est sûr, il faut se donner des gros coups de pied au popotin. Ça peut sembler indécent de dire cela, pourtant oui, il faut une sacré dose de courage pour entrer, seule, partout. Les seules choses que je fasse sans me pousser, par plaisir : lire et écrire. C’est, sans doute, ce qui m’est vital.

samedi 1 octobre 2011

A travers la vitre

Je trouve cette photo magnifique, découverte ici ce matin.

Christine DE GRANCY Volga Worlds, 1995-1999
Bus terminal in Kstovo near Nizhniy Novgorod,
winter 1996

Elle me donne une idée d'autoportrait à réaliser dans ma salle-de-bains, comme celle-ci.


Il faudra que j'attende l'hiver, pour avoir de la buée sur mon miroir.
Pour patienter, celle-ci... sans buée.
(Merci photoshop)

Autoportrait de dos