samedi 30 avril 2011

Nota Bene : "Walseriana"

Pour poursuivre avec l’œuvre de Robert Walser, quelques très beaux extraits dans le blog Les idées heureuses, renommé Danses de travers. Ne pas omettre de cliquer aussi sur la deuxième page...

Comment ne pas avoir envie de lire tout Robert Walser après la lecture de ces textes choisis par Didier da Silva.

vendredi 29 avril 2011

Ma promenade

Tout au long de ma promenade en ville, j’ai pensé à Robert Walser et je me disais : comme j’aimerais savoir, comme lui, dire mes impressions, ce qui a retenu mon attention, ce qui m’a fait rêver, pousser des soupirs, sentir des odeurs "que j’inhalais à cœur perdu, dont je buvais et lapais littéralement les effets.", avec son talent.  Mais j’en suis incapable et les choses les plus simples sont les plus difficiles à écrire.

Alors je vais le faire en images. Mais je peux tout de même avouer que je n’ai pas pensé qu’à Robert Walser. Je ne suis jamais seule lorsque je me promène ; lorsque rien n’arrête mon regard, mes pensées vagabondent toujours vers un être : parfois je l’invente, quand mon cœur est vide. Je peux même penser à plusieurs êtres au cours de ma promenade et ma foi, en m’arrêtant sur cette vitrine, celui à qui je pensais n’avait rien qui fasse vibrer mon cœur ! Le pauvre, son livre préféré chez un marchand de lunettes !!!


Je l’ai vite chassé de mes pensées quand je me suis arrêtée devant cette demeure. Depuis le temps que je voulais la prendre en photo, j’ai mon appareil aujourd’hui, je vais rester discrète; je n'ai pas de recul pour l'avoir complètement. Celle-là éveille mon imaginaire ; je passe devant tous les jours, je n’y ai jamais vu âme qui vive ; elle me rappelle tellement  l'hôtel particulier d’un architecte parisien, connu, j’ai oublié son nom; je devais avoir 30 ans quand je l’ai rencontré dans sa belle demeure ; il était déjà très âgé, il cherchait une secrétaire mais j’ai vite compris que c’était plutôt une gouvernante qu’il souhaitait et moi je voulais devenir le bras droit d’un Pdg que j’admirerai (oui, il y en d’admirable). Sa fenêtre avec de lourds rideaux ressemblait à celle-ci et donnait sur un petit jardin merveilleux.


(Cliquer pour zoomer!)
Oui, cette maison me fait rêver et l’escalier du perron  a un charme fou ; elle ne peut abriter qu’une personne de qualité. Mais pourquoi dis-je une personne ? Elle semble assez grande pour une famille ? Non, c’est une maison pour quelqu’un qui aime le silence, la beauté, quelqu’un de solitaire, qui le soir venu, quand la circulation se fait moins dense, contemple la rivière couler sous sa fenêtre ouverte. Peut-être verrais-je un jour une ombre, une silhouette se profiler…

Et cette vitrine, je m'y attarde aussi et pourtant je n’ai pas de maison à aménager, pas de sol à carreler ! Mais je ne peux m’empêcher d’admirer les tomettes ou le carrelage italien que je choisirais si… j’avais une maison à la campagne ou sur la Côte.



Me voici dans cette ruelle pavée de vieilles pierres aux maisons à pans de bois, à pignon et encorbellement ; chez ce fleuriste les pots de fleurs sont si joliment présentés, que c'est presque sacrilège de les acheter.




Je continue ma promenade, sans but, mais toujours avec l’espoir de faire une découverte extraordinaire, une rencontre inoubliable autant qu’improbable. Les rues pavées sont belles mais je fais attention de ne pas avoir toujours le nez en l’air, depuis cette chute, il y a un an, en butant dans un pavé : je me suis affalée en tombant sur le visage sans pouvoir amortir la chute, j’avais fait des achats et tenais des sacs dans chaque main. La douleur fut vive, j’ai cru que mon nez était cassé ainsi que mes dents ; des passants ont appelé les urgences, j’étais sonnée, ma lèvre saignait mais ce fut moins grave que je le craignais ; pas besoin de suture, une dent à peine touchée. Les pompiers ont pris ma tension : 19 mais c’était normal avec la peur ; je n’ai pas voulu qu’ils m’emmènent aux urgences, un samedi, et puis je suis rentrée, j’étais à deux pas de chez moi. Dans un des sacs j’avais un vase que je venais d’acheter, il était intact ! Sûr, ce n’était pas un Lalique ! Je me suis mise à pleurer en me regardant dans la glace ; je ne pleurai pas de douleur, non, je pleurai de la peur que j'avais eue, je pleurai de je-ne-sais-quoi, enfin si, je sais pourquoi je pleurai...
Parenthèse fermée.

Il fait chaud et j’ai envie de me désaltérer dans ce Bistro à lire que j’aime bien. La terrasse est vide aujourd’hui, le ciel est un peu laiteux, il fait lourd. Je commande un jus de pomme puis je prends des photos ; ici aussi les fleurs du camélia perdent leurs pétales et font un joli lit (la lère) champêtre au pied de l’arbre.




Je lis la quatrième de couverture de Vie d’un poète de Robert Walser que j’ai emprunté :
"L’écrivain évoque de nombreuses figures qui ont accompagné sa carrière, et ce qui le hante : son frère peintre, plusieurs figures féminines, le critique, le public, le mécène, les milieux artistiques, l’éditeur, mais aussi Hölderlin, et puis, la grande route, la forêt, les contes, un poêle, un bouton...".
Je suis sûre que ça va me plaire. Que deviendrait ma vie si un jour je ne pouvais plus lire. Ce serait un grand malheur.
Trois jeunes filles anglaises à l’allure sportive viennent s’attabler, elles ont l’air joyeux.
Je ne m’attarde pas. Je vais rentrer tranquillement, cette petite halte a reposé mes gambettes.

Je n’ai plus l’intention de traîner. Pourtant, à mi-chemin, je jette un coup d’œil sur cette paire de chaussures qui me fait envie en vitrine. Je l’avais déjà repérée mais la boutique était alors fermée. Allez, je rentre, juste pour les essayer, pas pour acheter, non mais ho ! Ô mon Dieu maman, impression de chausser un gant, elles sont en agneau, d’une souplesse incroyable. Zut, je suis trop bien dedans. La vendeuse (la patronne) me demande si je connais cette marque ? Je lui dis non ! Elles sont fabriquées en Italie et le créateur a travaillé avec XX ! Ah oui, je connais bien XX, je possède (et porte:)) encore des paires de ses chaussures achetées en 90 !!! Allez, hop, je les prends ! Tant pis, ce n’était pas prévu mais j’en avais besoin. Et puis, c’est mieux d’acheter sur un coup de cœur que d’avoir à chercher sans trouver la bonne paire.

De retour à la maison, je pose le sac avec le nom de la boutique, confectionné artisanalement par la maîtresse du lieu, charmante au demeurant.


Je cherche sur Internet le nom de cette fameuse marque de chaussures et je lis ceci :
"Un créateur français doué, grand professionnel de la chaussure – XX - et une fabrication italienne hautement qualitative, associant en parfait équilibre artisanat et technologie : le résultat se trouve dans des lignes gracieuses, originales, qui enrobent le pied tout en offrant la merveilleuse sensation de marcher pieds nus."
Farpaitement exact !

Quelle journée !... Et je peux continuer de lire, encore et encore.

mercredi 27 avril 2011

Penser et marcher, méditer et rédiger, écrire et courir...

Robert Walser (1878-1956) en 1942

"Un matin, l’envie me prenant de faire une promenade, je mis le chapeau sur la tête et, en courant, quittai le cabinet de travail ou de fantasmagorie pour dévaler l’escalier et me précipiter dans la rue. […]
Pour autant que je m’en souvienne, je me trouvai, en débouchant dans la rue vaste et claire, d’une humeur aventureuse et romantique qui m’emplit d’aise. Le monde matinal qui s’étalait devant moi me parut si beau que j’eus le sentiment de le voir pour la première fois. Tout ce que j’apercevais me donnait une agréable impression d’amabilité, de bonté et de jeunesse J’oubliai bien vite qu’un moment encore auparavant, dans mon bureau, là-haut, je ruminais de pensées lugubres devant une feuille de papier vide. La tristesse, la souffrance et toutes les idées pénibles avaient comme disparu, quoique je ressentisse encore vivement une certaine gravité devant et derrière moi.
J’éprouvais une curiosité joyeuse pour tout ce qui allait bien pouvoir se trouver sur ma route ou la croiser. Mes pas étaient mesurés et tranquilles. En allant mon chemin, je manifestais, pour autant que je sache, passablement de dignité. J’aime à dissimuler ce que je ressens aux yeux de mes semblables…"

Ainsi commence la nouvelle de Robert Walser qui va nous conduire tout au long de sa journée dans une Promenade, entre ville et campagne, avec humour et poésie.

"Une fonderie métallurgique remplie d’ouvriers cause là, sur la gauche du chemin de promenade, un vacarme épouvantable. A cette occasion, j’ai sincèrement honte de ne faire que me promener ainsi pendant que tant d’autres s’éreintent au boulot. Il faut dire qu’ensuite je boulonne et travaille peut-être à des heures où tous ces vaillants ouvriers ont pour leur part fini leur journée et se reposent.
Au passage, un monteur me lance :
- Te voilà encore à te promener, on dirait, au beau milieu de la journée de travail.
Je les salue en riant et je conviens avec joie qu’il est dans le vrai.
Sans m’irriter le moins du monde de m’être ainsi fait prendre sur le fait, ce qui serait stupide, je poursuis gaiement ma promenade.
Dans mon costume anglais jaune clair, un cadeau qu’on m’avait fait, il faut dire que je me prenais, comme souvent je l’avoue, pour un lord, un aristocrate, un marquis arpentant son parc, quoique je parcourusse seulement la route, qui traversait un endroit mi-campagne, mi-banlieue, simple, charmant, modeste, médiocre et misérable, et pas du tout un parc, comme je viens d’avoir l’audace de le laisser entendre, ce que je retire en douce, étant donné que tout aspect de parc est purement imaginaire et n’a rien à faire ici."
Pages 25-26

[…] je continuai mon chemin et parvins bientôt après, en poursuivant ma marche tranquille dans l’air chaud et tendre, […] dans un bois de sapins au travers duquel serpentait un chemin espièglement gracieux et quasi souriant, que j’empruntai avec plaisir.
[…] Il régnait là, dans ce sous-bois, le même silence que dans une âme heureuse, que dans un temple, un château enchanté…
[…] Dans le bois, tout était si solennel que de délicieux fantasmes s’emparaient comme d’eux-mêmes du promeneur sensible. Comme le doux silence sylvestre me rend heureux !
De temps à autre, quelque faible bruit parvenait depuis l’extérieur dans cet isolement et cette chère et ravissante obscurité, par exemple un coup, un sifflement ou quelque autre son, dont le retentissement lointain ne faisait qu’augmenter encore ce règne du silence que j’inhalais à cœur perdu, dont je buvais et lapais littéralement les effets.
Dans tout ce mutisme, un oiseau çà et là, du fond de quelque retraite enchanteresse et sacrée, faisait entendre sa voix allègre. Je m’arrêtai et j’écoutai. Soudain, je fus envahi d’un indicible sentiment universel et, du même coup, d’une sensation de gratitude qui jaillit puissamment de mon âme en joie."
Pages 44-45.

Robert Walser, in La promenade, éditions Gallimard, Collection L’Imaginaire, 2007.
Traduit de l’allemand par Bernard Lortholary, 1987.

Une sorte de journal raconté heure par heure au cours de cette promenade pour le moins délicieuse, sentimentale, romantique et poétique. A lire, à l’ombre d’un chêne lors d’une chaude journée en écoutant le chant des cigales.

« La prose de Walser se caractérise par des descriptions précises, fines et aériennes de situations banales. Walser donne l'impression de ne faire qu'effleurer les situations et les personnages qu'il décrit, et pourtant, cette superficialité ne donne jamais un goût d'inachevé. Dans la nouvelle du même nom, Walser emploie la métaphore de la « vitrine » pour décrire son œuvre : « Une fois de plus, je n'ai fait là qu'esquisser ; en réalité, je devrais me sentir tenu d'en faire davantage. » Walser est l'écrivain des choses petites, délicates et belles. La petitesse caractérise également sa technique d'écriture des années 1920 : Walser esquissait ses textes au crayon, sur de simples bouts de papiers, d'une écriture minuscule, avant de recopier à la plume ceux qu'il destinait à la publication. On mit longtemps après sa mort à se rendre compte que l'écriture microscopique de ce «Territoire du crayon» était déchiffrable et renfermait de très nombreux textes inédits, véritables œuvres - voire chefs d'œuvre - littéraires. C'est ainsi, sous forme de « microgramme » (ainsi appelle-t-on ces textes), qu'est écrit son grand roman publié à titre posthume, Le Brigand. Les manuscrits de Robert Walser ont déménagé de Zurich à Berne, et sont aujourd'hui sauvegardés au sein des Archives littéraires suisses, à la Bibliothèque nationale. Au cœur de la vieille ville, le Centre Robert Walser est ouvert aux chercheurs et au public. »
(Source Wikipédia)

J’ai découvert cet écrivain dans le Journal de Paul Nizon. C’est le premier ouvrage que je lis de Robert Walser, je viens également de commencer Vie de poète dont l’auteur dit, en 1917 « Je viens d´agencer solidement et de terminer un nouveau livre : 55 pages manuscrites, 25 proses, dont « Maria ». L´ouvrage s´intitule Poetenleben, et je le considère comme le meilleur, le plus lumineux, le plus poétique de tous mes livres jusqu´ici ». Il est évident que je vais poursuivre plus avant la découverte de cet auteur.

Dans un entretien avec Nathalie Jungerman  Paul Nizon parle de Robert Walser  :

Robert Walser (1878-1956) dont vous parlez dans ce Journal de vos débuts, et notamment dans Marcher à l’écriture, a beaucoup compté pour vous...

Paul Nizon : Robert Walser m’a marqué parce que je l’ai lu par hasard quand j’étais gamin. Je n’étais pas un grand lecteur à l’époque. Mais un ancien libraire, un admirateur de Robert Walser et de Richard Wagner, m’a prêté les livres de cet écrivain. On ne les trouvait plus sur le marché. Walser était tombé dans l’oubli, il n’existait plus. J’ai lu ces livres, sans vraiment comprendre. Mais ce que j’ai compris, c’est que l’écriture était une entreprise radicale, à vie, et qu’on peut écrire des livres quasiment sans objet, sans intrigue. J’ai compris que le livre c’est la langue, que l’écriture est une chose en soi, et que tout ce qui émerge provient de la langue, pas de l’intrigue. Car si l’intrigue n’est pas écrite d’une manière extraordinaire, le lecteur oublie immédiatement. Plus tard, dans les années soixante, j’ai été un des premiers dans les pays de langue allemande à connaître l’oeuvre de Walser. Après sa mort, il y a eu cette survie, comme avec Thomas Bernhard, sauf que Bernhard était déjà célèbre de son vivant, pour son oeuvre et aussi pour ses scandales.

Pourquoi Walser est-il tombé dans l’oubli ?

Paul Nizon : Il avait écrit ses premiers romans au début du XXe siècle, dans la première décennie. Quand il a commencé à publier, vers 1907, des personnalités comme Franz Kafka, Walter Benjamin ou Robert Musil ont tout de suite compris que c’était un grand écrivain.
Après les deux guerres, le goût littéraire a complètement changé et Walser a connu les affres de l’insuccès. Il n’était plus du tout actuel, ses textes où le matériau de la langue se suffisait à lui-même, où il n’y avait ni mission ni engagement particulier, ne correspondaient plus à la mode et n’intéressaient plus personne. Puis, un grand éditeur, Suhrkamp - le mien - a acheté les droits. Et ce n’est que bien des années après sa mort, que Walser est devenu vraiment célèbre et reconnu parmi les plus grands écrivains du XXe siècle.

"Penser et marcher, méditer et rédiger, écrire et courir, ces actions ont été parentes"
Robert Walser

"En 1929, Walser entre dans la clinique psychiatrique de la Waldau, à Berne, où il poursuit son travail de "feuilletoniste". Il cessera d'écrire en 1933, après avoir été transféré contre son gré dans la clinique psychiatrique d'Herisau dans le demi-canton des Appenzell Rhodes-Extérieures où il séjournera jusqu'au jour de Noël 1956 où, quittant la clinique pour une promenade dans la neige, il marchera jusqu'à l'épuisement et à la mort. Son ami Carl Seelig a rendu compte des conversations menées avec l'écrivain pendant ces années de silence dans ses Promenades avec Robert Walser."
(Source Wikipédia)

lundi 25 avril 2011

Journal du week-end

Dimanche de Pâques.

Matin : ménage ! Pfff ! Au septième jour tu te reposeras. Hum ! J’aime faire le ménage quand tout le monde se repose ; je me repose toute la semaine, quand tout le monde bosse.
Midi : j’entends les cloches, fin de la messe.
Après-midi : lecture de 14 à 16 h, La promenade de Robert Walser. L’auteur raconte en détails une journée de promenade. C’est exquis. Se lit d'une traite.
17 h : golf.
Soirée : DVD emprunté à la médiathèque, Jean-Paul Sartre : 20 ans d’absence ? La pensée sartrienne sous toutes ses formes : roman, théâtre, philosophie, engagement de l’intellectuel dans la politique. Je prends conscience de n’avoir pas lu le dixième des œuvres de Sartre. Je n’ai lu que Les Mots, L’Etre et le Néant (du moins ce que j’avais réussi à ingérer), les trois tomes des Chemins de la Liberté, La Nausée.
Me suis couchée, épuisée, mais contente de ma journée

Lundi de Pâques.

Matin : rien. J’écoute de la musique… et je souris aux anges. Je suis bien.
Midi : déjeuner frugal sur la terrasse en écoutant Radio Classique : melon et involtinis. Yaourt (0_0) (joyeuses pâques). Café avec petits macarons.


13 h 30.
J’entends le Stabat Mater de Pergolèse avec la soprano Anna Netrebko ; très belle voix. Je regarde la place de l’église, déserte, que je surplombe de ma terrasse, je vois la croix au sommet du clocher et moi, la mécréante, j’ai l’impression d’être à la messe. Chacun prie comme il veut. Un moment de grâce.


La radio annonce que l’on pourra entendre la soprano mardi 26 avril Salle Pleyel à Paris et jeudi 28 au Victoria Hall à Genève. Ils feraient bien de se renseigner avant de faire leurs annonces ! Je viens d'aller vérifier : annulation!

20 h.
En voilà une (caille) qui va finir en cocotte avec des pommes de terre nouvelles rissolées. Elle me rappelle une toile de Soutine ; j’exagère ! Je la prends en photo et je fais une rotation pour la mettre dans le même sens que le Poulet de Soutine. Fou-rire ! Une horreur! Suis écroulée de rire avec la dernière photo. Danse ma caille, bientôt tu vas cuire à feu doux!



 Le Poulet plumé
Chaïm SOUTINE (1893 – 1943)
vers 1925
huile sur toile



Non mais, j'ai vraiment du temps à perdre pour photographier ma caille. Elle est repoussante et pourtant elle était savoureuse:)

22 h.
J’écris ici et je me dis que c’est nul. Je cherche une consolation et je lis quelques extraits de Journal intime (17000 pages) de Henri-Frédéric Amiel : le pour et le contre. Je peux aller me rhabiller et je n'ai pas de chat!

Le contre :

13 mai 1847
Fausseté du journal intime. Il ne dit pas toute la vérité, il reflète plutôt les découragements, défaillances, dégoûts, faiblesses, que les moments de bonheur, de vie élevée, de contemplation. Il est confident de la souffrance et non du bonheur, témoin à charge et non à décharge.

12 mars 1862
Quand on ne converse plus guère qu'avec soi-même, la prolixité du monologue est imminente ; le journal intime devient un peu comme ces vieilles dames qui, vivant seules, finissent par causer à leurs meubles et à leurs chats, pour maintenir leur aptitude à la parole. Il y a certaines semaines où je donne dans ce piège d'oisif solitaire et de vieillard rabâcheur. Il me semble qu'aujourd'hui, ma plume a terriblement marmotté entre ses dents de choses inutiles et connues. Le soliloque a tourné en cercle comme l'écureuil prisonnier.

Le pour :

20 septembre 1864
Pour quelle raison continuer ce journal ? parce que je suis seul. C'est mon dialogue, ma société, mon compagnon, mon confident. C'est aussi ma consolation, ma mémoire, mon souffre-douleur, mon écho, le réservoir de mes expériences intimes, mon itinéraire psychologique, ma protection contre la rouille de la pensée, mon prétexte à vivre, presque la seule chose utile que je puisse laisser derrière moi (car que fera-t-on de mes cours que je n'amène jamais à maturité pour l'expression ?).

17 août 1865
J'oscille perpétuellement entre mon instinct et mes principes, l'un me disant : Vis caché, l'autre me criant : Vis pour autrui. Mon journal est mon procédé pour me sentir exister ; il est le compagnon de ma solitude, mon consolateur et un pis-aller. Je l'excuse, sans le préconiser. C'est un moindre mal sinon un bien.

***

Je viens de retirer l'enregistrement que j'avais publié hier. A la réécoute je l'ai trouvé inutile, futile et sans intérêt.
Bouhhh!

dimanche 24 avril 2011

Un va et vient constant...

... du rire aux larmes!
J'ai fait cet enregistrement vendredi soir, perturbée par cette impression de tristesse qui émanerait de mes billets.
Je n'ai pas envie de changer de style, de faire semblant d'être gaie quand mes pensées sont mélancoliques. Mais je ne suis pas foncièrement triste. Tout m'enthousiasme, j'aime la vie même si j'ai peur de vieillir, je m'émerveille encore souvent en contemplant la nature, en regardant une toile, en écoutant de la musique. Je ris, j'éclate de rire, j'ai des fous rires. Mais qu'il s'agisse de la tristesse ou de la joie, rien n'est permanent, tout est fluctuant, au gré des jours, des instants.
En ce moment, tout est doux... et j'ai une folle envie de vivre, à l'âge où d'autres meurent déjà.
Chère Marie-France Pisier, j'aimais votre voix élégante et votre sourire.

samedi 23 avril 2011

Journal

Vendredi 22 avril.

Ciel insolent depuis des jours.
Pris un thé à la terrasse ombragée du Bistro à lire, havre de paix dans le centre ville. Oublié mon appareil de photo. Les pétales rouges d'un camélia géant jonchaient le sol et ma table. C'était beau. Cela me faisait penser à mon enfance (éducation religieuse), à la Fête du Saint Sacrement où les enfant jetaient des pétales de fleurs sur le chemin de la Procession.
Ce Bistro est d'un calme presque studieux et si l'on y parle c'est à voix basse. J'ai pu terminer mon livre en cours de lecture : La Cour des grands de Jacques-Etienne Bovard. Lire ici, tout est dit. C'est jouissif, facile à lire, bien écrit.
A l'écrivain de romans de gare qui vient lui demander ce qu'il lui faudrait pour devenir - si ce n'est un grand écrivain - un véritable écrivain, le grand écrivain reconnu lui pose quelques questions :

- Est-ce que le spectacle du monde vous est insupportable?
- Jamais au point d'en perdre le sommeil ou l'appétit...
- Des idées politiques, morales, existentielles?
- Vagues...
[...]
- ... Êtes-vous hanté par l'idée de la mort? Tous les jours, toutes les nuits?
- Non.
[...]
-Tiens... Est-ce que la pratique du judo, quand vous étiez au sommet de votre forme, suffisait à donner un sens à votre vie?
- Bonne question... Je ne ne crois pas.
[...]
- Pensez-vous être capable de sentir des choses que les autres ne sentent pas?
- Je crois que oui. Mais je suppose aussi que tout le monde croit cela...
- Tout artiste le sait!... Donc pas de connaissances, pas d'expériences, pas de grandes souffrances, pas de révolte, pas de foi, pas d'engagement, pas de folie, pas de révélation d'aucune sorte, pas de... Mais enfin, jeune homme, ne comprenez-vous pas que vous êtes le contraire d'un écrivain? Il n'y a rien en vous, je ne dis pas qui vous prédispose à écrire, mais qui vous rende cette dimension accessible!...
[...]
Sans ménagement, il a posé sur le bureau les deux volumes gris, l'un et l'autre usagés.
- Au pied droit, Le Petit Robert, dictionnaire de la langue... Vous y vérifierez tous les noms, adjectifs et adverbes que vous emploierez. Tous, je dis bien, et plutôt deux fois qu'une ceux que vous pensiez connaître. Ainsi enrichirez-vous peu à peu votre vocabulaire, qui est misérable... Au pied gauche, vous aurez le Grevisse, tabernacle du bon usage, pour développer votre grammaire, elle aussi d'une pauvreté affligeante. Ici vous chercherez chaque conjonction, chaque locution, chaque particule en vous servant de l'index, et vous lirez religieusement toutes les citations d'écrivains qui s'y rapportent. Toutes.. A force de vous imprégnez, vous acquerrez un peu de tournure, et quelque sens de la nuance. Peut-être finirez-vous par arriver au style. Ce ne sera sûrement pas assez pour devenir Proust, du moins aurez-vous appris à marcher droit. Pour moi, je n'ai pas eu d'autre école, au départ, et vous voyez que ces ouvrages m'accompagnent partout... Voilà, ce sera votre Go-kyo d'écrivain potentiel. C'est tout ce que je peux faire pour vous... Bon courage... Et lisez, impertinent ignare, lisez!
Extraits de pages 298 à 302.
Jacques-Etienne Bovard, in La Cour des grands, éditions Bernard Campiche, 2010.

C'est le troisième roman que je lis de cet auteur, et toujours le même plaisir. Dans La Cour des grands Jacques-Etienne Bovard nous fait également sentir cette moquerie que subissent les Suisses, et pas seulement les écrivains, de la part des Français et plus particulièrement des parisiens; ce parisianisme est absolument insupportable, le Français serait-il supérieur à tout le monde? Et puis, la littérature est universelle (et la co...rie aussi); quelque soit l'origine d'un écrivain seul compte son talent et la Suisse a depuis longtemps des auteurs, des artistes, qui n'ont rien à envier aux autres et reconnus dans le monde entier. Il n'y a pas d'écrivain typiquement Suisse, Français, Américains, Bretons!!! (Je pense à Xavier Grall que l'on a enfermé dans sa bulle bretonne et qui est un grand écrivain). Il y a de bons et de mauvais écrivains dans tous les pays. Certains écrivains ne sont reconnus que dans leur pays, voire dans leur région.
Quelques Suisses dans le désordre, comme ils me viennent à l'esprit : Blaise Cendrars, Jacques Chessex, Paul Nizon, Robert Walser, Albert Cohen,  Herman Hesse, Philippe Jaccottet, Henri-Frédéric Amiel, Jacques-Etienne Bovard, etc.
Liste non exhaustive, plus complète ici.

22 h 30.
Je viens de regarder Empreintes : Christian de Portzamparc, passionnant architecte, prix Pritzker en 1994.
Une de ses réalisations : La Salle Philharmonique du Luxembourg.
Dans une émission d'Arte il disait en citant (de mémoire) Goethe écrivant à Schiller :
"Le décorateur de théâtre doit nous enchanter, alors que l'on demande à l'architecture de servir la morale et la présence grave de l'autorité". Cette ville de l'ordre est devenue autoritaire et si aujourd'hui l'architecture a pris quelques distances avec cette volonté de contrôle, c'est seulement, selon Portzamparc, que la politique n'a plus besoin d'installer l'ordre dans l'espace "puisque l'ordre est tenu dans le chiffre. D’ailleurs en tout nous perdons le contact structurant avec l’espace, la matière". "A nous de trouver l'équilibre, d'introduire le désordre qui permet la surprise. On peut penser l'enchantement puisqu'on reste des animaux entiers, que l'on éprouve des goûts, des voix", dit-il.

Samedi 23 avril.
10 h.

J'ai raté mon blog/journal si ce qui s'en dégage le plus "souvent" est "un sentiment de grande tristesse". Un lecteur m'écrit ces mots hier soir... (le mots entre guillemets).
"Votre soleil paraît souvent morose, mais c'est un soleil qui réchauffe."  Même sentiment d'un autre lecteur il y a quelques semaines.
Est-ce parce que je parle de ma solitude? Que j'ose parfois dire mon spleen? Mais il m'arrive aussi BIEN SOUVENT de rire et même aux éclats sans que vous entendiez le son. D'ailleurs, tout vient de là : vous n'avez pas le son mais pire encore, le ton de ce que j'écris! Il va falloir que je m'enregistre à nouveau:)
Si vous saviez comme j'aime la vie!

"Le seul bien qui me reste au monde est d'avoir quelquefois pleuré."
Alfred de Musset
"Souvenons-nous que la tristesse seule est féconde en grandes choses."
Ernest Renan

11 h 30.
Je viens d'aller chercher mon courrier, je serre le petit carton contre mon coeur. Joie! Adieu tristesse, bonjour sourire, des étoiles dans les yeux, ce ne sont plus des graines c'est un bonsaï à ma fenêtre ... Un ange passe. Musique maestro!


vendredi 22 avril 2011

Vieilles mais rutilantes

A peine réveillée, le nez dans mon bol de thé,
 je tartinais paisiblement de marmelade mes toasts
 quand j'ai entendu pétarader ces vieilles automobiles!





Une heure plus tard, le retour...


jeudi 21 avril 2011

Savoir ou pas

Auguste Rodin, La porte de l'Enfer, détail

Les cendres de Sartre ont été ramenées au cimetière Montparnasse. Tous les jours, des mains inconnues déposent sur sa tombe de petits bouquets de fleurs fraîches.
Il y a une question qu’en vérité je ne me suis pas posée ; le lecteur se la posera peut-être : n’aurais-je pas dû prévenir Sartre de l’imminence de sa mort ? Quand il était à l’hôpital, affaibli, sans ressort, je n’ai pensé qu’à lui dissimuler la gravité de son état. Et avant ? Il m’avait toujours dit qu’en cas de cancer ou d’autre maladie incurable, il voulait savoir. Mais son cas était ambigu. Il était « en danger », mais tiendrait-il encore dix ans, comme il le souhaitait, ou tout serait-il fini d’ici un an ou deux ? Tout le monde l’ignorait. Il n’avait aucune disposition à prendre, il n’aurait pas pu mieux se soigner. Et il aimait la vie. Il avait déjà eu bien du mal à assumer sa cécité, ses infirmités. La menace qui pesait sur lui, s’il l’avait plus précisément connue, n’aurait fait qu’inutilement assombrir ses dernières années. De toute façon, je voguais comme lui entre la crainte et l’espoir. Mon silence ne nous a pas séparés.
Sa mort nous sépare. Ma mort ne nous réunira pas. C’est ainsi ; il est déjà beau que nos vies aient pu si longtemps s’accorder.

Simone de Beauvoir, in La cérémonie des adieux, Gallimard, 1981.

Savoir ou pas ? Souvenirs douloureux.
Un matin on m’appelle de l’Hôpital Beaujon, tu étais en réa. depuis quatre jours, j’appelais tous les jours, implorant de te voir mais je n’en avais pas le droit et ce matin-là j’entends : il vous a réclamée, vous pouvez venir le voir à midi, seulement cinq minutes. Mon cœur bat, une collègue-amie vient avec moi. Le Pr. X est là et me dit : ne soyez pas effrayée, on l’a opéré, il a été désintubé… Je passe sur cette visite de cinq minutes, le Temps n’existait plus. Le neurochirurgien était dans le couloir, je lui demande : combien de temps… je veux savoir la vérité. Et elle me répond : 12 mois, elle ne m’a pas dit : un an, non 12 mois !. Je l’ai cru immédiatement, cette vérité crue, cruelle. J’étais debout dans le couloir, l’amie m’attendait dans la salle d’attente, elle a vu mon visage défait derrière la vitre, je ne pleurai pas.
Le soir en rentrant chez moi, chez nous, je me suis posée cette question : doit-il savoir ? Et cela m’a paru impossible. Non, tu étais un battant et il fallait que tu continues de vivre, diminué certes, avec l’espoir de guérir. Je nous imaginais tous les deux si tu savais la vérité, la douleur de nos étreintes, nos regards éperdus, j’aurais pleuré dans tes bras et ça ce n’était pas possible, c’était impensable. Non, j’allais me battre avec toi, j’allais rire avec toi, encore et encore. J’avais le sentiment que si tu avais su la vérité et su que je la savais, tu aurais été désespéré, pour moi, plus que pour toi. Et puis, toi non plus tu « n’avais pas de disposition à prendre » même si nous n’avions et n’avons jamais rien préparé. Un artiste ça ne prévoit rien, ça vit au jour le jour.. Nous nous sommes mariés six mois plus tard, six mois avant la date fatale, après neuf ans de vie commune.
Douze mois, pile, jour pour jour ! Des devins ces toubibs.
(Hé, t'as vu? Je parle encore de toi. Pfff!)

Le Professeur Léon Schwartzenberg était un adepte de la vérité pour ses malades. Par l’intermédiaire d’un médecin de l’agence où je travaillais je lui avais fait parvenir ton dossier, espérant une issue. Il n’y en avait pas. Personnellement, je voudrais savoir la vérité si j’avais une maladie incurable. T’ai-je menti en ne te disant rien ? Les médecins non plus ne t’ont rien dit car tu ne leur as jamais posé la question.

"Reste enfin le cas d'école qu'on évoque toujours, à savoir le cas de conscience du médecin qui sait que son malade va mourir. La question ici n'est pas simple et, justement, n'est-ce pas la simplifier à l'extrême que de dire : "il faut dire la vérité" ? Alors que Kant affirme qu'il faut dire la vérité, Jankelevitch rétorque que ce serait, sans raison, infliger la torture du désespoir.
En fait, nous savons bien que tout dépend des circonstances et que la règle morale appliquée universellement, ici le serait aveuglément. Dire la vérité au mourant qui la réclame et qui est capable de la supporter, c'est sans aucun doute l'aider à mourir dans la lucidité (lui mentir n'est-ce pas lui voler sa mort ?), dans la paix, la dignité et non dans l'illusion ou la dénégation. Que reste-t-il au mourant sinon le droit à une mort digne ? Parfois, du reste, la vérité prolonge la vie. Pensons au cas du cancéreux qui lutte lucidement et courageusement contre la maladie et guérit. Comme le fait remarquer Comte-Sponville aurait-on pu cacher la vérité au Christ, à Socrate, à Épicure ou Spinoza s'ils s'étaient trouvés dans de telles circonstances ? La réponse est bien sûr négative. Mais en même temps, nous ne sommes pas le Christ ou Socrate et si l'autre ne peut pas supporter la vérité, si c'est l'illusion qui le fait vivre, s'il ne veut pas savoir, faut-il lui imposer la vérité ? Il serait imbécile et lâche, souligne Comte-Sponville " d'imposer aux autres un courage dont on n'est pas sûr d'être soi-même capable. " Au mourant de décider s'il faut ou non tout lui dire et nul n'a le droit de le faire à sa place."
Extrait de  A-t-on le droit de se taire quand on connaît la vérité ?

Un peu d'humour pour en finir avec le sujet :)

mercredi 20 avril 2011

Cartes postales





Bons baisers de Tréboul!
Petite commune faisant partie de Douarnenez depuis 1945, attirant une nouvelle clientèle avec ses cures de thalassothérapie. Son centre de rééducation  très réputé, accueille de nombreuses personnalités sportives, il fut ouvert en 1964 à Tréboul, il est aujourd'hui transféré dans de nouveaux locaux au Port-Rhu.

"Depuis le belvédère.
Le paysage est magnifique.
Le temps est clair et semble suspendu.
Entre Ciel et Mer, la côte se découpe.
Au loin le "Ménez-Hom" déroule
ses formes douces et puissantes.

Au premier plan, le regard
effleure le rocher du Coulinec ...
Que de sérénité ! "




19 avril 2011, temps estival!

lundi 18 avril 2011

...et la lumière fut

J’ai tardé à en parler, ne sachant par où commencer, il y a tant de tableaux à découvrir. Il faudra d’ailleurs que je revisite cette exposition une seconde fois ; j’attendrai maintenant la fin de l’été, quand le flot de touristes se sera évaporé.

Cette exposition « De Turner à Monet, la découverte de la Bretagne par les paysagistes au XIXe siècle » a reçu le label d’exposition d’intérêt national.
"Ce label, décerné par le ministère de la Culture et de la Communication, récompense chaque année les manifestations organisées par les musées de France, les plus remarquables par leur qualité scientifique, leurs efforts en matière de médiation culturelle et leur ouverture à un large public." Il faut dire que le musée des Beaux-Arts de Quimper est un très bel endroit que bien des villes de même importances doivent nous envier. Difficile d’imaginer ce que représente l’organisation d’une exposition d’une telle envergure : « le conservateur doit fournir un facility report, un gros dossier contenant le projet scientifique et historique, les plans des salles, la localisation des extincteurs, les courbes d’hygrométrie, la liste des musées qui ont déjà consenti à des prêts, etc. Quimper a de belles références, tels le MoMa de New York, la Tate Gallery ou le Louvre. « Et pourtant, la première réponse des musées est souvent négative, raconte André Cariou, le conservateur. Du côté des collectionneurs privés, ce n’est pas simple non plus… Il faut alors forcer un peu le destin, faire jouer ses relations et discuter longuement des conditions. » Au total, les œuvres proviennent de quarante trois endroits différents. »

Cette exposition comprend 82 peintures, 75 dessins, 26 estampes et 13 livres. Évidemment, je ne vais ici que donner un infime aperçu de ce que l’on peut admirer, pour aller vite, en deux mots, un peu de ce qui a retenu mon attention.

J’ai trouvé très intéressante la mise en vis-à-vis de plusieurs tableaux représentant un même lieu par des artistes différents. Comme cette toile de Jean-François Hue, de 1795 : Vue de l’intérieur du port de Brest et celle de Joseph Mallord William Turner, de 1826 : Le Port de Brest, le quai et le château, dont j'ai parlé plus en détail ici. On peut parler d'abstraction lyrique pour ce tableau de Turner.

 Jean-François Hue, Vue de l'intérieur du port de Brest, 1795


J.M.William Turner, The Harbour of Brest :
The Quayside and Château , 1826-1828. Tate London

Mais ce qui m’a émerveillée ce fut de voir des œuvres d’un même artiste si différentes, passant de la figuration avec une peinture très étudiée, léchée, à un impressionnisme précurseur, avec légèreté.
Notamment de Eugène Boudin, ce tableau de 1873 : Le Port de Camaret puis ces Falaises à Douarnenez, de 1897 où Eugène Boudin - vingt quatre ans plus tard - se laisse aller à une grande liberté.

Eugène Boudin, Le Port de Camaret, 1873.

L’une des œuvres les plus importantes de Boudin.
Celui qui a été le professeur de Claude Monet y démontre sa virtuosité à traduire les effets atmosphériques.


Eugène Boudin, Bretagne, Falaises à Douarnenez, 1897

Ainsi de Claude Monet, mais mon étonnement fut moins grand que pour Eugène Boudin, l’impressionnisme étant déjà moins académique.

Claude Monet, Les Rochers de Belle-Ile, la Côte sauvage, 1886
Dépôt du musée d'Orsay

Je suis dans un paysage superbe de sauvagerie, un amoncellement de rochers terribles et une mer invraisemblable de couleurs.
Enfin je suis très emballé quoique ayant bien du mal, car j’étais habitué à peindre la Manche et j’avais forcément ma routine.
Mais l’océan c’est tout autre chose.
Claude Monet : Lettre à Gustave Caillebotte, 21 octobre 1886.


Claude Monet, Pluie à Belle-Ile, 1886.

Lassé par l’incessante tempête, il choisit un point de vue à l’abri et peint l’un de ses rares regards vers l’intérieur, vers la lande belliloise.

Ensuite j'ai poursuivi tranquillement ma visite, m'arrêtant sur ce qui accrochait mon regard.

Thomas Alexander Harrison, Marine au clair de lune, vers 1892-1893

Harrison appartient à cette génération d'artistes originaires de la côte est des Etats-Unis qui séjournent volontiers en Bretagne à la fin du XIXe siècle.
Après avoir résidé à Pont-Aven, il s'installe à Concarneau loin de l'affluence et peint les plages de Mousterlin et de Beg-Meil.
A partir de 1885, il se fait une spécialité des marines nocturnes qu'il représente d'une manière symboliste.
Marcel Proust admirera de telles œuvres, lors de sa rencontre avec le peintre.
Dépôt du musée du Louvre.


T. Alexander Harrison, sans titre : quatre marines sur une toile non datée

Elodie La Villette, La grève de Lohic et l'île des Souris, près de Lorient. La mer étale. 1875
Dépôt du musée d'Orsay, Paris.


Octave Penguilly-L’Haridon, Les Petites Mouettes,
rivages de Belle-Île-en-Mer à Port Donan, 1858

Je ne veux pas quitter cet aimable artiste, dont tous les tableaux cette année sont également intéressants, sans vous faire remarquer plus particulièrement Les Petites Mouettes, l’azur intense du ciel et de l’eau, deux quartiers de roche qui font une porte ouverte sur l’infini (vous savez que l’infini paraît plus profond quand il est plus resserré), une nuée, une multitude, une avalanche, une plaie d’oiseaux blancs, et la solitude ! Considérer cela mon cher ami, et dites-moi ensuite, si vous croyez que Mr. Penguilly soit dénué d’esprit poétique.
Baudelaire.

Octave Penguilly-L’Haridon, Les Roches du Grand Paon, île de Bréhat

« On dirait un paysage de la planète avant l’apparition de l’homme ».
Théophile Gautier.

Et je termine par le port de Quimper, puisque c’est là que je vis aujourd’hui. Chaque jour j’emprunte la passerelle qui va d’une rive à l’autre et chaque jour, quelle que soit l’heure, mon regard est ébloui par ce lieu où scintille la rivière de l’Odet ; les flèches de la cathédrale pointées vers le ciel transpercent mon cœur de leur beauté comme le feraient des flèches d’amour. (Je ris, il faut bien que je me motive, à vivre ici, dans la solitude).

Eugène Boudin, Vue du Port de Quimper prise de l’aval, 1858.

Oui, c’est une belle exposition, à voir et à revoir :
Du 1er avril au 31 août.

Les photos étaient interdites et toutes celles reproduites ici proviennent de diverses recherches sur le Net. Les légendes sous les tableaux sont celles de l’exposition.

Allez, j'ose joindre mes "marines" de Quimper, mais le ciel de Eugène Boudin est bien plus beau :



dimanche 17 avril 2011

samedi 16 avril 2011

Balade en ville

"Le bouledogue français est un petit chien à l'allure effrontée et vivace; puissant malgré sa petite taille.
Eveillé, actif, intelligent, s'intéressant à tout ce qui l'entoure, courageux et entreprenant, c'est un sportif très musclé, doté d'une solide ossature."

Ces deux-là sont inséparables:)... ils étaient sur mon chemin. Ici c'est le maître qui lève la patte! Eh oui, il y a de quoi se casser la binette s'ils passent entre vos jambes! Je n'ai pas osé les devancer pour les prendre de face. Dommage, ils avaient vraiment l'air effronté et me plaisaient beaucoup.