dimanche 31 octobre 2010

Gros-Câlin

Une après-midi de Gros-Câlin c’est encore une après-midi de solitude exacerbée mais ponctuée de quelques fous-rires, de ces fous-rires qui nous prennent quand on est en plein désarroi ! Parler de la solitude sur le ton de la dérision, il sait le faire Monsieur Cousin avec son langage de simplet. Extraits.

"Le lendemain, j’ai couru au bureau une heure plus tôt… […]
En revenant, comme d’habitude, je suis allé m’asseoir à côté d’un homme bien, qui m’inspirait confiance en moi-même. Il parut mal à l’aise, le wagon était à moitié vide et il m’a dit :
- Vous ne pourriez pas vous asseoir ailleurs, il y a pourtant de la place ?
C’est la gêne, à cause du contact humain.
Une fois, c’était même drôle, nous sommes entrés ensemble un monsieur bien et moi dans un wagon pour Vincennes complètement vide, et nous nous sommes assis l’un à côté de l’autre sur la banquette. On a tenu le coup un moment puis on s’est levé en même temps et on est allé s’asseoir sur des banquettes séparées. C’est l’angoisse. J’ai consulté un spécialiste, le docteur Porade, qui me dit que c’était normal de se sentir seul dans une grande agglomération, lorsqu’on a dix millions de personnes qui vivent autour de vous. J’ai lu qu’à New York, il y a un service téléphonique qui vous répond lorsque vous commencez à vous demander si vous êtes là, une voix de femme qui vous parle et vous rassure et vous encourage à continuer, mais à Paris, non seulement les P & T ne vous parlent pas quand vous décrochez, mais vous n’avez même pas la tonalité. Ils vous disent la vérité ces salauds-là, comme ça, froidement, vous n’avez pas de tonalité, rien, et ils font même campagne contre les bordels, à cause de la dignité humaine, qui est apparemment une affaire de cul. C’est la politique de la grandeur qui veut ça
.
Pages 72-73.

J’ai commencé à m’intéresser aux nombres, pour me sentir moins seul. A quatorze ans, je passais des nuits blanches à compter jusqu’à des millions, dans l’espoir de rencontrer quelqu’un, dans le tas. J’ai fini dans les statistiques. On disait que j’étais doué pour les grands nombres, j’ai voulu m’habituer, vaincre l’angoisse, et les statistiques, ça prépare, ça accoutume. C’est comme ça que madame Niatte m’a surpris un jour debout au milieu de mon habitat, à me serrer dans mes bras tout seul, à m’embrasser, à me bercer presque, c’est une habitude d’enfant, je sais bien et j’ai un peu honte.
Page 77.

Je puis en tout cas assurer l’amateur éclairé qui hésite encore à acquérir un python que je n’ai aucun drame d’"incommunicabilité" avec Gros-Câlin. Lorsqu’on est bien ensemble, on n’a aucun besoin de se mentir, de se rassurer. Je dirais même que l’on reconnaît le bonheur au silence. Lorsque la communion est vraie et entière, sans frimes, seul le silence peut l’exprimer.
[…]
Les lits m’ont toujours posé des problèmes. S’ils sont étroits, pour une seule personne, ils vous foutent dehors, en quelque sorte, ils vous coupent vos efforts d’imagination. Ça fait I, sans ambages, sans ménagement. "T’es seul, mon vieux, et tu sais bien que tu le resteras." Je préfère donc les lits à deux places, qui s’ouvrent sur l’avenir, mais c’est là que se présente l’autre côté du dilemme. Les dilemmes sont tous des peaux de cochon, soit dit en passant, j’en ai pas connu d’aimables. Car avec un lit pour deux chaque soir, et toute la journée du samedi et du dimanche, on se sent encore plus seul que dans un lit pour un, qui vous donne au moins une excuse d’être seul. La solitude du python à Paris vous apparaît alors dans toute sa mesure et se met à grandir et à grandir. Seul dans un lit pour deux, même avec un python enroulé autour de vous, c’est l’angoisse, malgré toutes les sirènes d’alarme, les polices-secours, les voitures de pompiers, ambulances et états d’urgence, dehors, qui vous font croire que quelqu’un s’occupe de quelqu’un. Une personne livrée à elle-même sous les toits de Paris, c’est ce qu’on appelle les sévices sociaux. Lorsque cela m’arrivait, je m’habillais, je mettais mon manteau, qui a une présence chaleureuse avec manches, et j’allais me promener dans les rues en cherchant des amoureux dans les portes cochères. C’était avant la Tour Montparnasse.
J’ai fini quand même par acheter un lit à deux places, à cause de Mlle Dreyfus.
[…]
Bien sûr, il m’arrivait parfois, en rentrant à la maison, de m’adresser à haute voix au fauteuil, à la cafetière, à ma pipe, c’est un truc innocent que beaucoup de gens pratiquent, par hygiène mentale. C'est l’interpellation, l’interrogation que l’on lance à l’océan, à l’univers, ou à une paire de pantoufles, selon les goûts et la nature de chacun, mais ce n’est pas le dialogue. Ça répond pas, ça fait flasque, sans écho, rien. Il n’y a pas de réponse. Il faut le dialogue."

Pages 107-108-109.

Romain Gary (Emile AJar), Gros-Câlin éditions Mercure de France.

A l'ouest rien de nouveau

Il semblerait que ce livre soit plus drôle
que mon sujet!
Pourquoi vouloir changer de direction à mon lit! J'en étais sûre, cela n'a rien changé à mon agitation, à mon sommeil perturbé.
Ce n'est pas une orientation à l'ouest ou au nord qui apaisera mes tourments. C'est la nuit qui m'angoisse, en attente d'un lever matinal toujours si oppressant.
Certains ont peur de ne pas se réveiller en se couchant moi j'ai peur de me réveiller.
Mais non, cela ne signifie pas que je voudrais mourir. Non, c'est juste que je ne devrais jamais me coucher. CQFD!
Et dire qu'il y en a qui ont la foi! C'est l'heure de la messe, les cloches sonnent pour rameuter les paroissiens. Il pleut à 11 heures. Les voitures tournent en rond pour chercher une place. Soleil à midi!

samedi 30 octobre 2010

Donner un sens joyeux


Je m'étais dit : un an maxi ou 500 billets ou mon prochain anniversaire!
L'année est passée, les 500 billets aussi (584), reste donc la date d'anniversaire. Les deux chiffres de cet anniversaire dans quelques semaines sonnent comme une sentence : ça suffit. Tu es trop vieille pour poursuivre. Bon, nous verrons bien.

Nous allons changer d'heure, si on pouvait changer d'âge! Mais je m'en fiche, je n'ai plus envie de mourir... pour le moment.
Une journée grise, pluvieuse, venteuse, normal c'est le week-end de Toussaint. Les pots de chrysantèmes sur les tombes vont valdinguer! Je ne vais jamais sur ta tombe à la Toussaint. Ça y est voilà, je commence à me répéter, à radoter, preuve qu'il est temps que j'arrête d'écrire ici.

Je n'ai jamais pensé, je ne pense jamais à toi comme à un enterré. Tu es mort certes, mais tu n'es pas dans cette tombe où je ne vais jamais à la Toussaint, ce jour où l'on commémore les morts. J'y vais - me casser les reins à la nettoyer - sur cette tombe - où tu n'es pas - au mois de mai, quand la nature explose, pour donner un sens plus joyeux à ce devoir.




Aujourd'hui, le long du quai, sous ce ciel gris,
je n'étais même pas triste.
Etat de grâce.

vendredi 29 octobre 2010

Plénitude

"J’ai remarqué dans les vicissitudes d’une longue vie que les époques des plus douces jouissances et des plaisirs les plus vifs ne sont pourtant pas celles dont le souvenir m’attire et me touche le plus. Ces courts moments de délire et de passion, quelques vifs qu’ils puissent être ne sont cependant et par leur vivacité même, que des points bien clairsemés dans la ligne de la vie. Ils sont trop rares et trop rapides pour constituer un état, et le bonheur que mon cœur regrette n’est point composé d’instants fugitifs mais un état simple et permanent, qui n’a rien de vif en lui-même, mais dont la durée accroît le charme au point d’y trouver enfin la suprême félicité."

Jean-Jacques Rousseau, Les Rêveries du Promeneur Solitaire.

Je me demande parfois ce qu’est le bonheur, persuadée qu’il n’existe pas de bonheur mais des états heureux. Comme ce sentiment (cet état ?) de plénitude quand on est heureux d'être heureux, avec une vraie vibration émue de reconnaissance.
Je me demande aussi s’il n’y a pas plus de bonheur dans les illusions du désir que dans la jouissance que procure son accomplissement?

"Tant qu'on désire on peut se passer d'être heureux".
Jean-Jacques Rousseau.

Je n'ai envie de rien d'autre en ce moment que ce que je vis. N'est-ce pas cela la plénitude?!?
Je ris parce que demain sera un autre jour, mais qu'importe puisqu'aujourd'hui fut divin et qu'il le restera pour toujours.

jeudi 28 octobre 2010

L'araignée

Mon petit bonheur de ce matin.
J'ai l'impression que chaque jour la toile s'enrichit de nouveaux fils de soie.
J'avais prévu de remiser mes chaises pour l'hiver mais ce serait briser la toile! Il n'en est pas question; tant que "mon" araignée sera là le mobilier restera et tant pis pour l'humidité. Attendons que le vent l'emporte...



J'aime l'araignée et j'aime l'ortie,
Parce qu'on les hait ;
Et que rien n'exauce et que tout châtie
Leur morne souhait ;

Parce qu'elles sont maudites, chétives,
Noirs êtres rampants ;
Parce qu'elles sont les tristes captives
De leur guet-apens ;

Parce qu'elles sont prises dans leur oeuvre ;
Ô sort ! fatals noeuds !
Parce que l'ortie est une couleuvre,
L'araignée un gueux;

Parce qu'elles ont l'ombre des abîmes,
Parce qu'on les fuit,
Parce qu'elles sont toutes deux victimes
De la sombre nuit...

Passants, faites grâce à la plante obscure,
Au pauvre animal.
Plaignez la laideur, plaignez la piqûre,
Oh ! plaignez le mal !

Il n'est rien qui n'ait sa mélancolie ;
Tout veut un baiser.
Dans leur fauve horreur, pour peu qu'on oublie
De les écraser,

Pour peu qu'on leur jette un oeil moins superbe,
Tout bas, loin du jour,
La vilaine bête et la mauvaise herbe
Murmurent : Amour !


Victor Hugo, Les contemplations.

mercredi 27 octobre 2010

Atelier d'écriture. Atchoum!

Je m’en veux de vouloir décortiquer les choses, entrer dans le détail, vouloir éclaircir ce qui me reste obscur. Cela me perdra. Je dois apprendre, mais n’est-ce pas un peu tard, à dire, à lire les choses calmement, à prendre du recul, peut-être ainsi verrais-je plus clair et arriverais-je même à avoir des réponses à mes questions et me dire tout simplement : mais oui, c’est cela, rien d’autre, pourquoi chercher midi à quatorze heure ? Je suis si souvent impressionnée, voire agacée par ce que je lis sur la toile. J’ai le sentiment de plus en plus ancré (encré ?) que les gens qui écrivent (je ne parle pas des écrivains ni de certains blogueurs qui en sont de vrais sans cette appellation) sont des experts ès vocabulaire. La mode est aux ateliers d’écriture ! Cette expression me terrifie. Voudraient-ils devenir écrivains ces adeptes des ateliers d’écriture ? A TE LIER D’E CRI TURE ! Mais bon sang, j’ai pas mal lu depuis trente ans (je n’ose pas dire quarante ça me fout le bourdon) et pas n’importe quelle littérature et jamais, je ne me suis sentie déconcertée par l’écriture, les mots, des auteurs qui m’ont touchée et qui me touchent toujours. Il est vrai que j'avais toujours un dictionnaire sous le coude mais plus pour avoir une définition exacte d'un mot que pour en connaître le sens; dans le contexte on saisit toujours le sens mais il est bon d'en savoir plus pour le réutiliser, à bon escient.

"L'écriture c'est le coeur qui éclate en silence."
Christian Bobin, L'épuisement.

Il me fallait sortir de ma perplexité cet après-midi et ce fut avec Gros-Câlin de Romain Gary; un moment de bonheur, qui me conforta, enfin ? dans ce sentiment qu’il n’y a pas besoin d’un langage affecté pour faire passer des émotions.
Souvent lorsque je lis, je fais des pauses, rêveuses ; je pose mon livre ouvert à l'envers sur mes genoux, je regarde le clocher de l’église où j’aperçois quelques oiseaux qui s’engouffrent dans les ouvertures puis je regarde ma terrasse et là, que vois-je en ce moment ? toujours elle, et cette fois la toile est comme une couronne de perles de pluie autour de l’araignée. Mais c’est ravissant. Je ferme Gros-Câlin, la pluie s’est arrêtée, je vais la prendre en photo.




Et ces quelques minutes ont suffi à me réjouir. Décidément, je ne comprends pas pourquoi je me triture les méninges à essayer de comprendre ce qui me déstabilise quand la vie est si simple. Ce qui m’étonne tout de même, c’est que je n’ai besoin d’aucunes explications pour aimer un tableau abstrait qui serait hermétique à la plupart des quidams. Bien sûr d’aucuns trouvent encore des mots sophistiqués pour expliquer ce qu’a voulu exprimer le peintre. Mon regard seul suffit pour le laisser me pénétrer, sans mots.

Et là, ce soir, je contemple le ciel.


A l’heure où j’écris ces lignes je m’en veux encore, de n’avoir pas su lui dire mon incompréhension avec douceur, délicatesse, intelligence, simplicité, il faudrait que j’aille dans un atelier d’écriture ? Plutôt arrêter d’écrire, ici.

mardi 26 octobre 2010

"Le phare de la Gaule" en Suisse

Un mini phare de maquette tout de même.
Excellent cet article.

lundi 25 octobre 2010

De l'importance du bisou

Dimanche.
J’étais invitée pour le dessert et le café.
Puis nous avons voulu profiter du soleil pour une promenade, nous les trois femmes (une grand-mère, une mère, une ??? je me demande ce que je suis ? une nullipare? pfff! il y a nulle dans cet horrible mot. Help me Elizabeth !) et les deux filles, soit quatre générations différentes. Les deux hommes préféraient pour l’un regarder la télé et pour l’autre faire une sieste.
La lumière sur le port était éblouissante et les couleurs des thoniers tranchaient dans le vif.



Lorsque nous revînmes, ô surprise, la vaisselle était faite.
- Elle, l’épouse (et grand-mère) : bendidon, je devrais aller me balader plus souvent !
- Moi, la non identifiée : super! Tu ne lui fais pas un bisou ?
- Lui : ça doit faire quelques années que je n’en ai pas eus…
- Elle, leur fille de 40 ans (l’air très sérieux avec un voile de tristesse) : justement, je ne vous ai jamais vu vous faire de bisous, avoir des gestes tendres même quand j’étais enfant. C’est important pour un enfant de voir ses parents de temps en temps manifester leur tendresse, de faire voir qu’ils s’aiment. Nous avec P. (son mari) même si parfois on se dispute devant les enfants on se fait aussi des bisous devant eux.
Un instant j’ai senti que le sujet allait plomber l’ambiance (par ma faute). Les parents ne savaient plus trop que dire. J’essaie de rattraper le coup :
- Moi : oui, mais c’est une question de génération. Les couples d’aujourd’hui sont plus expansifs, plus libres (j'allais dire plus libérés; je me serais fait incendier). Tes parents sont de l'ancienne génération, celle de la pudeur extrême. Moi non plus je n’ai jamais vu (ce n'était pas vrai mais il fallait que je trouve une consolation pour cette grande fille de 40 ans qui avait l'air vraiment chagrinée) mes parents se faire des câlins et pourtant j’ai la certitude qu’ils s’aimaient.
Mince, il suffit parfois d’un mot pour déclencher une psychanalyse.
N’empêche : de l’importance du bisou !

Le soir, après avoir retrouvé mon sweet home, solitaire - pas de risque de bisous ratés ou éludés - petit moment de bonheur en écoutant Arthur Rubinstein jouer Chopin. Je lui aurais bien fait un bisou là, sur ses mains divines. Quelle émotion ! Rien à voir avec Lang Lang, hum ! Je ris en relisant ce que j’en disais. Complètement démesuré, je suis folle; bon, tant pis, je ne corrige pas. L’instant est vérité !

J'ai filmé maladroitement Arthur Rubinstein mais impossible de mettre la vidéo ici. Java fait des siennes. En revanche ces photos capturées à l'instant sur Arte qui passe un documentaire sur le maître.


dimanche 24 octobre 2010

La force des choses


Non vraiment, je n’y arrive pas. Je laisse tomber ce roman en cours et l’envie me prend de relire - du moins quelques pages - La force des choses I.

Chapitre premier

Nous étions libérés. Dans les rues, les enfants chantaient :

Nous ne les verrons plus
C’est fini, ils sont foutus.


Et je me répétais : c’est fini, c’est fini. C’est fini : tout commence. […] De nouveau, je flânai après minuit dans la douceur de septembre ; les bistrots fermaient de bonne heure, mais quand nous quittions la terrasse de la Rhumerie ou ce petit enfer rouge et fumeux, le Montana, nous avions les trottoirs, les bancs, les chaussées. Il restait des tireurs sur les toits et je m’assombrissais quand je devinais au-dessus de ma tête cette haine aux aguets ; […]. La peur retrouvait en moi une place encore toute chaude. Mais la joie la balayait vite. Jour et nuit avec nos amis, causant, buvant, flânant, riant, nous fêtions notre délivrance. Et tous ceux qui la célébraient comme nous devenaient, proches ou lointains, nos amis. Quelle débauche de fraternité ! Les ténèbres qui avaient enfermé la France explosaient.
Pages 13-14.
[…]
Je savais à présent que mon sort était lié à celui de tous : la liberté, l’oppression, le bonheur et la peine des hommes me concernaient intimement. Mais j’ai dit que je n’avais pas d’ambition philosophique ; Sartre avait esquissé dans L’Être et le Néant et comptait poursuivre une description totalitaire de l’existence dont la valeur dépendait de sa propre situation.
Page 15.
[…]
Je retrouvais avec émotion les anciens visages ; il y en eut de nouveaux. Camus nous fit connaître le père Bruckberger, aumônier des F.F.I. qui venait de tourner avec Bresson Les Anges du péché ; il jouait les bons vivants ; il s’asseyait en robe blanche à la Rhumerie, fumant la pipe, buvant du punch, parlant dru. […] Romain Gary aussi nous raconta des histoires, un soir sur la terrasse de la Rhumerie. A un cocktail donné par Les Lettres françaises, j’aperçus Elsa Triolet et Aragon. L’écrivain communiste que nous rencontrions le plus volontiers, c’était Ponge ; il parlait, comme il écrivait, par petites touches, avec beaucoup de malice et quelque complaisance.
Page 22.
[…]
Matériellement, la situation avait empirée depuis l’année passée. […] Quand vinrent les froids, Sartre portait une vieille canadienne qui perdait ses poils. […] Depuis ma chute de bicyclette, une dent me manquait, le trou était visible et je ne songeais pas à le faire combler : à quoi bon ? De toute façon, j’étais vieille, j’avais trente-six ans ; il n’entrait aucune amertume dans cette constatation […] j’étais le cadet de mes soucis.
A cause de cette pénurie, il ne se passait pas grand-chose dans le domaine de la littérature, des arts, des spectacles. Cependant les organisateurs du Salon d’Automne* en firent une grande manifestation culturelle : une rétrospective de la peinture d’avant-guerre. […] Toute une section était consacrée à Picasso ; nous lui rendions assez souvent visite, nous connaissions ses plus récents tableaux, mais là, toute l’œuvre de ces dernières années étaient rassemblées. Il y avait de belles toiles de Braque, Marquet, Matisse, Dufy, Gromaire, Villon, et l’étonnant Job de Francis Guber ; des surréalistes aussi exposaient : Dominguez, Masson, Miro, Max Ernst. Fidèle au Salon d’Automne, la bourgeoisie afflua, mais cette fois, on ne lui offrait pas son habituelle pâture : devant les Picasso, elle ricana.
[…]
Peu de livres paraissaient ; je m’ennuyai sur l’Aurélien d’Aragon, et non moins sur Les Noyers d’Altenburg, publié en Suisse un an plus tôt et qui avait fait dire au vieux Groethuysen : "Malraux est en pleine possession de ses défauts."
Pages 24-25.
[…]
J’avais espéré que les réveillons de fin d’année ressusciteraient la gaieté des fiestas mais, le 24 décembre, l’offensive allemande venait tout juste d’être stoppée, il restait de l’angoisse dans l’air. […] La Saint-Sylvestre nous l’avons fêtée chez Camus qui occupait rue Vanneau l’appartement de Gide ; il y avait un trapèze et un piano. Tout de suite après la libération, Francine Camus était arrivée d’Afrique, très blonde, très fraîche, belle dans son tailleur bleu ardoise ; mais nous ne l’avions pas souvent rencontrée ; plusieurs des invités nous étaient inconnus. Camus nous en désigna un qui n’avait pas articulé un mot de la soirée : "C’est lui, nous dit-il, qui a servi de modèle à L’Étranger." Pour nous, la réunion manquait d’intimité. Une jeune femme m’avait acculée dans un coin et m’accusait d’un ton vindicatif : "Vous ne croyez pas à l’amour !" Vers deux heures du matin Francine joua du Bach. Personne ne but beaucoup sauf Sartre, persuadé que cette soirée ressemblait à celles d’autrefois et bientôt trop égayé par l’alcool pour remarquer la différence.
Pages 32-33.


Simone de Beauvoir, La force des choses I, éditions Gallimard, 1963.

Je viens de relire les premières pages de ce livre dont j’ai tiré ces quelques extraits. Je me souviens l’avoir lu en 1964, après Les Mémoires d’une jeune fille rangée mais avant La Force de l’âge qui, pourtant parut avant. Je ne m’étonne pas aujourd’hui de la ferveur et l’enthousiasme qui m’animaient lors de ma découverte de Simone de Beauvoir. Je ne vivais pas encore à Paris quand je lisais Les Mémoires… en 1960, mais je rêvais de marcher sur ses pas ; je n’ai eu de cesse ensuite de lire ses ouvrages et quelques-uns de Sartre, de Camus mais aussi des auteurs qui l’enthousiasmaient et qui donc ne pouvaient que me plaire aussi, comme Violette Leduc, Henry Miller. Je suis arrivée à Paris en 1964, je venais de lire La force des choses et le Quartier Latin fut mon fief ! En quelque sorte, j’avais réalisé mon rêve puisque deux ans plus tard, je faisais un stage (de deux ans) rue Saint Jacques, non loin de la Sorbonne.

* En lisant cette liste d’artistes, je ne savais pas qu’un jour je te rencontrerai et que chaque année tu ferais partie des privilégiés qui pouvaient exposer gratuitement une ou deux œuvres au Grand Palais, ce qui n’était pas une mince affaire, vu les vieux grincheux sociétaires qui présidaient le Salon d’Automne dans les années 80.

Le taiseux Jean-Pierre Marielle

Serge Moati recevait hier dans son émission Cinémas François Bayrou et Jean-Pierre Marielle pour son livre Le grand n'importe quoi. Je lis ici :

"Rencontre avec Jean-Pierre Marielle
Le comédien Jean-Pierre Marielle se confie à Serge Moati à l’occasion de la sortie de son livre Le grand n’importe quoi."

Un moment épique! François Bayrou avait du mal à réfréner un fou rire en voyant Serge Moati "ramer", déstabilisé par Jean-Pierre Marielle qui avait décidé de ne pas répondre à ses questions ou, laconiquement, sur un ton désabusé. Ce dernier semblait complètement hermétique - pour ne pas dire agacé - aux longues phrases tarabiscotées, aux gestes exubérants et aux éloges sentencieuses de Serge Moati.

Ce fut le moment le plus joyeux de ma journée, j'étais écroulée de rire. Très jouissif de voir cette interview qui fut un vrai bide. (Désolée pour Serge Moati que j'ai eu l'occasion de rencontrer il y a... très très longtemps bien avant qu'il fasse de la télévision et qui était un homme très chaleureux; mais il faut dire qu'il est de plus en plus redondant). Jean-Pierre Marielle, épatant!

Petit rajout. Dans la série Mdr :

"garé contre la pompe à bière
le gros célibataire
se désaltère"
Eric Chevillard, L'autofictif.

samedi 23 octobre 2010

Du réchauffé

Solution de facilité quand les mots nous échappent, que l’inspiration manque parce que notre journée – si ce n’est notre semaine, notre mois, notre année – n’est que du réchauffé*,
solution de facilité donc, de prendre des photos, en amateur pas éclairé, des photos que n’importe quel pékin est capable de ne pas rater avec un numérique basique – je ne dis tout de même pas de réussir et je ne parle pas non plus des photographes, eux, éclairés, à l’œil exercé, au regard d’artiste, au talent affirmé – quand on n’a rien à écrire et surtout rien qui sorte de nos entrailles, de ces mots que nous n’allons pas chercher ailleurs par facilité.

Je n’ai rien à dire et, je vais donc faire dans la facilité avec une photo, floue, de mauvaise qualité, ratée, prise d’un tirage papier - il serait temps que j'achète un scanner - avec un appareil numérique basique.
Pourquoi choisir cette photo aujourd’hui ?
Et pourquoi faudrait-il que je trouve des réponses à mes questions idiotes ?
J’ai peut-être juste envie de le sortir de temps en temps de sa boîte !
Et là pour le coup je fais dans le réchauffé car blogger me signale que cette photo figure déjà dans mon blog, mais vous dire où? La preuve que ce blog/journal est un foutoir.


*Sauf que, si mes journées sont dans leur vécu du réchauffé, elles sont en pensées bien réchauffées d’une présence qui est sans doute un peu la cause de mon état (de grâce) anesthésié.

vendredi 22 octobre 2010

Une rencontre improbable

"Je voudrais que tu m'aimes et en même temps que tu ne m'aimes plus".
Jean Seberg, A bout de souffle.

jeudi 21 octobre 2010

Le bonheur une impossible quête



Je poursuis un peu sur Romain Gary et le bonheur.
Il avait des bonheurs d’écriture pour dire son dégoût du bonheur.

"Moi je ne me suis jamais sucré, j’ai fumé la marie quelquefois avec des copains pour être poli et pourtant à dix ans, c’est l’âge auquel les grands vous apprennent des tas de choses. Mais je ne tiens pas à être heureux, je préfère encore la vie. Le bonheur c’est une belle ordure et une peau de vache. Il faudrait lui apprendre à vivre, on n'est pas du même bord lui et moi et j’ai rien à en foutre. J’ai encore jamais fait de politique parce que ça profite toujours à quelqu’un, mais le bonheur, il devrait y avoir des lois pour l’empêcher de faire le salaud. Je dis seulement comme je le pense et j’ai peut-être tort, mais c’est pas moi qui irais me piquer pour être heureux, merde !"

Il disait que le bonheur requiert l’homme, le somme d’être à sa mesure et cette quête du bonheur est quelque chose d’extrêmement pesant et douloureux. Effectivement, le bonheur devient cette notion petite bourgeoise, quelque chose de restreint, de contenu à une sphère délimitée, alors que Gary est l’homme des grandes aspirations. "Il est le conquérant nostalgique, à l’avance, de ce qu’il ne parviendra jamais à conquérir". (Dixit R. Enthoven). Son dégoût de l’idéalisme va de pair avec son goût de l’absolu.

"Il faudrait changer le monde pour l'envoyer se faire foutre".


"Est-ce qu’au fond il n’est pas dans l’impossibilité de parvenir à l’objet qu’il se donne à conquérir, et en même temps incapable par définition, de renoncer à cet objet ?" (R. Enthoven).
Nostalgie ou utopie ?
Et l’on entend Romain Gary dire ceci de sa belle voix grave :

"Don Juan a eu un très grand nombre de femmes. J’ai eu un très grand nombre de pays, d’univers, de peaux (sic), de voyages, de milieux, de diversités. Mais dans ce cadre-là, je considère qu’on ne peut pas être plus heureux que Don Juan ne l’a été avec les conquêtes féminines. Voilà ce que je veux dire. Et je ne veux pas non plus vous faire de la philosophie bon marché qui consiste à dire : mon enfant, enferme-toi dans ta petite boîte, vie ta vie, t’occupes de rien, tu seras plus heureux comme ça. Le véritable bonheur exige une continuité de vie."

Il attend sans fin le messie qui ne viendra pas. S’il y a une unité dans sa vie multiple, il n’a jamais été infidèle à ce qu’il appelle son messianisme. Cet impossible à atteindre, c’est ce qui le réduit à ce qui est déjà donné, ce qui ne dépend pas d’un effort de création. C’est ce qu’il a sans doute cherché par ses identités multiples : "J’éprouve parfois le besoin de changer d’identité, de me séparer un peu de moi-même…".
"Une vie ne suffit pas pour en avoir des milliers, sauf peut-être par le biais de la littérature. Ce qui est raté c’est l’existence à laquelle j’aspire, c’est celle-là que je rate et qui me rejette dans la littérature à chaque fois pour repartir à la conquête d’une autre vie et d’une autre identité."

"S’il n’avait pas passé ses journées à écrire, il se serait tué plus tôt" confie Myriam Annisimov auteur de la biographie Romain Gary, le caméléon (Denoël). Il lui avait dit : ce qui me maintient en vie, c’est la sexualité et la littérature.

mercredi 20 octobre 2010

Il y a en moi une absence terrible de creux de la main

Réveil ce matin avec ce rêve étrange, certainement lié à la dernière image vue avant de me coucher. Les lieux où se passaient ce rêve étaient vraiment dans mon imaginaire, un château ? un palace ? avec piscine. Je cherchais fébrilement un peignoir pour retrouver un chat, mon chat ? qui s’était enfui. Puis je l’avais retrouvé. C’était un chat sauvage, roux, le dos un peu pelé que j’avais adopté (ou qui m’avait adoptée) depuis seulement la veille. Une fois retrouvé, plus de château ni de palace, j’étais chez moi, dans une maison à la campagne.
Je partis faire des courses et je revins. Je m’aperçus que j’avais oublié d’acheter des « boîtes » pour le chat et je le voyais dans le jardin planqué derrière une taupinière. Aussitôt je ressortis pour aller acheter des boîtes de canigou ou autre whiskas !!! et, chose étrange, j’étais à Paris. Je cherchai vainement un épicier dans les rues puis je rentrai dans un bureau tabac (j’ai arrêté de fumer en 89). Le buraliste me regardai attendant ma demande, je ne savais pas quelles cigarettes acheter (je fumais à l’époque, avant 89, des Dunhill) je lui dis : je voudrais des cigarettes légères. Il me sort un paquet de Camel (ma tante fumait des Camel), je lui dis : non c’est trop fort, j’ai arrêté de fumer mais je suis très stressée il faut absolument que je refume. Il me sort je ne sais plus quoi et m’annonce le prix. Je lui dis alors : ce n’est pas possible, c’est beaucoup trop cher, donnez-moi les cigarettes les moins chères et, je suis repartie avec mon paquet. Et là, mon rêve s’est transformé en cauchemar. J’avais repris des petites rues à la recherche d’une épicerie – pour mon chat – je me suis retrouvée rue de la Pompe (mais pourquoi rue de la Pompe) puis avenue Kléber et j’avais l’air d’une folle dans la rue, en pyjama, ne retrouvant plus mon chemin. Je ne voulais pas pleurer, pas crier, pas me faire remarquer. Alzheimer était en marche… dans mon cauchemar. Voilà, me suis réveillée là-dessus, épuisée.

Je m’en suis remise ce matin en écoutant avec délice Les Nouveaux Chemins qui nous offrent une semaine avec Romain Gary. Cadeau.

"Je considère que le bonheur est incompatible avec une multiplicité de vies, une dispersion de vie quelles que soient l’intensité de ces vies multiples que vous avez, le bonheur est incompatible avec cette expansion de vies. Il faut savoir réduire sa sphère d’intérêt, ses goûts et ses passions à quelque chose de beaucoup plus limité, si on veut être heureux".
Romain Gary.

J’y reviendrai, trop de choses à dire, tellement enrichissant d’écouter, de lire Romain Gary.

Là je reviens de la bibliothèque et, évidemment folle envie de relire Gros-Câlin après avoir écouté l’émission de ce matin. Emprunté aussi (que je n’ai pas lu) La nuit sera calme, puis, pour me divertir, ah ah : Asiles de fous de Régis Jauffret.

"Lorsqu’on a besoin d’étreinte pour être comblé dans ses lacunes, autour des épaules surtout, et dans le creux des reins, et que vous prenez trop conscience des deux bras qui vous manquent, un python de deux mètres vingt fait merveille. Gros-Câlin est capable de m’étreindre ainsi pendant des heures et des heures".
En parlant de ce python il dit :
"Le creux de ma main lui suffit. Il y a en moi une absence terrible de creux de la main".

Pour conclure ce journal du jour puisque je n’en finirai jamais avec ce sujet :

Romain Gary et la mort.

En 1978, lors d'un entretien avec la journaliste Caroline Monney, lorsque celle-ci lui pose la question :
"Vieillir ?" Romain Gary répond "Catastrophe. Mais ça ne m'arrivera pas. Jamais. J'imagine que ce doit être une chose atroce, mais comme moi, je suis incapable de vieillir, j'ai fait un pacte avec ce monsieur là-haut, vous connaissez ? J'ai fait un pacte avec lui aux termes duquel je ne vieillirai jamais."
Romain Gary se suicida le 2 décembre 1980 en se tirant une balle dans la bouche. Il laissa une lettre dans laquelle était notamment écrit : « Aucun rapport avec Jean Seberg » (l'actrice s'étant elle-même suicidée en septembre 1979).

Il fait un temps superbe, en prenant mon café face à la cathédrale ce matin, je ne savais plus si c'était son bon arôme ou la douceur du soleil sur mon visage qui me faisait trouver la vie belle.

mardi 19 octobre 2010

Voix off

Quand vient le soir et que la solitude dépose son voile, j'aime venir ici et l'apaisement est immédiat.

Une autre forme de journal en images et en son, qui vaut le détour. Prendre son temps et revenir voir les cinq premiers "chapitres". C'est très beau.

Humour vif

"On me demande souvent si ce journal est réellement tenu au jour le jour. Évidemment, non. J’ai des pages et des pages d’avance et déjà des notes amusantes pour quand je serai cancéreux."

Eric Chevillard, L'autofictif.

Miam! Mon petit bonheur du matin.

lundi 18 octobre 2010

Ca bouchonne

Salle d’attente. Je suis seule. Cinq minutes plus tard un autre patient arrive.
Je n’ai pas le temps d’ouvrir mon livre, la porte s’ouvre.
Il me serre la main avec un sourire, s’installe derrière son bureau, regarde sur son écran la date de ma dernière visite et sans me dire son habituel : comment allez-vous ? il me parle des grèves, des manifestations, du manque d’essence et me demande : vous pensez quoi de tout ça ? Vous avez regardé sur Internet ce qui se dit ? Vous avez de l’essence ? Mais oui j’ai de l’essence cher Docteur. Les cuves sont vides dans les hypermarchés me dit-il. Bon, il s’enfonce dans son fauteuil, pour un peu il mettrait ses pieds sur le bureau. Je sens qu’il est parti pour une conversation pas du tout médicale et je lui dis :
- Il n’y a pas que dans les stations que ça bouchonne ! Dans mes oreilles aussi. Il a ri :
- Ah bon ? je croyais que vous veniez comme ça, pour le plaisir.
Je n’ai rien répondu car c’était aussi pour le plaisir que je venais le voir.
- Installez-vous ici que je regarde ça et gare à vous si vous n’avez pas de bouchons !
Son téléphone sonne, il ne répond pas.
Hop, oreille gauche, hop oreille droite…, toujours la même chose, vos conduits sont très étroits c’est normal que ça bouchonne. Je n’étais pas venue pour rien. Confirmé !
Nous retournons nous asseoir, lui derrière son bureau. Il s’enquiert de mes acouphènes : j’arrive à les occulter, à vivre avec. De toute façon, il faut accepter de vivre avec ce qui nous ennuie. C’est terrible de vieillir et hop nous voilà reparti pour converser. Le téléphone sonne à nouveau, il ne décroche pas.

C’est la première fois qu’un toubib m’écoute parler de la mort, de la vieillesse, de l’euthanasie sans passer à autre chose, sans détourner son regard.
- Je n’ai pas peur de la mort.
- Vous êtes croyante ? Vous avez la foi ?
- Non pas du tout.
- J’ai peur de la mort m’a-t-il dit.
Et tout d’un coup j’ai eu peur de l’ennuyer, lui qui est confronté chaque jour à la maladie, aux cancers de ses patients et avant de poursuivre j’ai ressenti le besoin de m’excuser de lui parler de tout cela alors que je suis à peu près en bonne santé etc… Mais voilà c’est lui qui insistait maintenant pour en parler comme si cette discussion, même sur des sujets sérieux, allait le détendre, le sortir de ses consultations habituelles certainement moins relaxes. Nous en avons parlé très sérieusement sur un ton léger. Pour conclure je lui dis :
- J’irai à Zurich !
Je plaisantais mais au fond de moi la question se posait, lointaine, mais je savais qu’un jour je me la poserai vraiment.

Avant de le quitter, avec un sourire il me serre la main :
- N’attendez pas un an, je vous revois dans six mois pour un bilan auditif.
- Mais j’entends très bien docteur !
- Allez en paix, je vous suiciderai.
J’ai éclaté de rire.
- Ok mais dans vingt ans alors !

Il m'a gardé trente minutes dans son cabinet, pour parler.
Au retour dans ma voiture je me disais que j’exagérais de penser tout le temps à la vieillesse qui allait venir et que je devrais vivre pleinement, au jour le jour, avec bonheur, parce que je pouvais aussi mourir demain de… n’importe quoi. Ah ! et mourir d’amour ? Non, ce serait cruel, je préfèrerais vivre d’amour.

***

3 mars 2008.

Même tenu au quotidien pendant cinquante ans, un journal sera toujours lu finalement comme le livre de bord des derniers instants.

Eric Chevillard, L'autofictif

dimanche 17 octobre 2010

Renaître

Parfois je me sens comme ces pommes, ratatinées,
se raccrochant désespérément/vigoureusement à une branche morte
en attendant le coup de vent qui les emportera pour...
reprendre racine et
renaître.
"Je peins ce que je vois, pas ce que vous souhaitez que je voie".
Lucian Freud.


Horizontale ou verticale
Couchée ou dressée
Allongée ou debout
Oblique parfois
La vie.

L'Acratopège


samedi 16 octobre 2010

Sous le soleil, des pétards

En Bretagne non plus les manifestants ne lâchent pas prise! Quimper, environ 10.000 personnes ont défilé cet après-midi dans le centre-ville. Un chiffre en recul par rapport au 2 octobre où la mobilisation avait été estimée à 12.000. Photos du jour par myself (cliquer pour agrandir)! Reproduction interdite. Non mais!
Il y avait dans l'air comme un parfum qui me ramenait du côté de la Sorbonne (avec beaucoup d'imagination tout de même) mais j'ai eu envie de me joindre à cette liesse, non, je ne me trompe pas de mot, il y avait quelque chose de joyeux dans cette foule, de revigorant. Je croyais avoir perdu cet enthousiasme à défendre certaines causes et je me suis rendue compte que ma rébellion était toujours là et qu'il s'en aurait fallu de peu que je porte la pancarte : La retraite à 62 ans, t'es ouf!


















En parallèle, demain, comme chaque année Journée Internationale pour l'élimination de la pauvreté :"Là où des hommes sont condamnés à vivre dans la misère, les droits de l'homme sont violés. S'unir pour les faire respecter est un devoir sacré."

vendredi 15 octobre 2010

La vie ou la littérature

Je suis dans une période d’incapacité intellectuelle totale. Quand je prends un livre je le lâche au bout d’un chapitre ou de cinq pages, ma concentration ne tient pas plus longtemps. Regarder la télévision, n’en parlons pas, elle me fait l’effet d’un somnifère. Ecrire, impossible (sauf du rien ou pas grand chose). Cependant mes neurones fonctionnent, je dirai presque 24 h x 24, ne me laissant que peu d’heures repos.
Alors, je marche, je regarde le ciel, je regarde beaucoup le ciel, je lis le ciel. Et même le golf que, habituellement je pratique pour ne penser à rien sauf à placer cette balle dans le bon axe pour aller dans le trou, même le golf en ce moment ne fait diversion dans mes pensées, qu’à vrai dire je trouve délicieuses. Ce sont elles qui m'empêchent de me concentrer sur autre chose. Ah si! J'ai réussi cet après-midi à me concentrer sur une jolie chenille dans le gazon. Je l'ai prise en photo avec mon téléphone portable mais je ne sais pas la transférer sur mon ordinateur. Plus nulle tu meurs.

Là, je regarde Bernard Pivot dans l’émission Empreintes. J’arrive tout de même à faire deux choses à la fois : être sur mon écran d’ordinateur et regarder la télévision.

Si on lui demande (à B. Pivot), qu’est-ce qui est le plus important pour vous : la vie ou la littérature ? Il répond (bien sûr) la vie. Je crois que lorsqu’on peut répondre "la vie" on peut se dire heureux. Il faut pour cela avoir une vie riche de relations humaines, d’amitié ou d’amour. A cette question j’aurais pu répondre : la vie, durant les dix années vécues avec mon Amour mais aussi durant mes années d’enfance. Pour le reste de ma vie qui compte maintenant un paquet d’années, je réponds que le plus important pour moi, ce fut, c’est la littérature. C’est elle qui m’aide à vivre… Quand on ne peut répondre : la vie, je pense qu'on l'a ratée.
CQFD. Un vrai fouillis ce que je viens d'écrire.

En regardant le ciel ce matin (y en a marre de la météo qui montre le Finistère sous un ciel gris ou pluvieux alors qu’il fait un temps superbe)



Et ce soir



Ce fil étrange est une toile d'araignée!

Il faut bien reconnaître que la contemplation du ciel remplace parfois avantageusement la littérature.

De l'audiovisuel et du livre

En attente de recevoir quelques nouveaux livres, je relis ces pages d’un de mes auteurs fétiches, Marcel Moreau. Cet ouvrage date de 1979, qu'en dirait-il aujourd'hui?

"L’audiovisuel n’est pas un instrument destiné à la cause de l’être, c’en est un conçu pour l’abrutissement des masses avant qu’il ne s’applique à leur domestication. Certes l’audiovisuel peut précipiter l’une ou l’autre connaissance, élargir à l’universel des regards par trop particuliers. Mais ce n’est pas de cela qu’il s’agit ? L’audiovisuel ne te conduit qu’à des savoirs épidermiques, qui font fulminer ton "savant" des entrailles. Tout le flot des images bellement martelantes n’aura jamais sur la part sombre, fertile, inquiétante, luxuriante de ton inconscient le pouvoir détonateur de quelques mots témérairement assemblés et violemment vrais. Nous sommes de plus de discours que de regards. Tout en nous est parole : parole simple au niveau du communicable, parole composée au niveau du créatif, parole mutilée, bâillonnée mais insurrectionnelle au niveau de l’instinctif. […] On peut se transpercer d’un bout de phrase de livre et s’en faire l’archer dont le regard porte plus loin que le visible. L’audiovisuel assène l’image, il ne nous donne pas le temps de la transformer en conscience et encore moins en libération de mots libérateurs.
[…]
Dans notre soumission à l’audiovisuel, nous sommes condamnés à prendre des raccourcis de sensation à sensation, alors que nos sensations intimes, comme "matrice" de connaissance et de sens, et cela, seul le livre le peut, ont le désir de se montrer sous tous leurs aspects, de s’exposer à la scrutation, d’être déroulées, ramifiées, de s’élever lentement (arborescence noire) de nos profondeurs. L’audiovisuel est une place publique, une foire aux illustrations et déballages où les enchaînements rapides font perdre connaissance, alors que le livre, le livre secoueur, bien entendu, se veut notre repaire, presque devenu secret où nous donnons rendez-vous à nos hontes, à nos inhibitions, à nos complexes pour en recueillir, par les mots, les savoirs retardataires, désormais éclairants, même inusités. Nous devons accepter de certain livre qu’il nous perde avant qu’il ne nous sauve. Mais l’auteur qui s’est lui-même mis en danger pour l’écrire sait que la force libératoire de ce livre, te dit le Verbe, et le Verbe a raison, était à ce prix."


Marcel Moreau, Discours contre les entraves, 1979. Edtions Denoël, 2005.

En ce moment, je suis incapable d’aligner trois phrases personnelles. Mes pensées ont toutes la même direction. Pensées pas toujours apaisées mais j’aime aussi les tempêtes, celles qui me font avancer avec force contre le vent cinglant et dont je ressors plus vivante que jamais.

mercredi 13 octobre 2010

Poésie

Joies sans causes

On connaît toujours trop les causes de sa peine,
Mais on cherche parfois celles de son plaisir;
Je m'éveille parfois l'âme toute sereine;
Sous un charme étranger que je ne peux saisir.

Un ciel rose envahit mon être et ma demeure,
J'aime tout l'univers, et, sans savoir pourquoi,
Je rayonne. Cela ne dure pas une heure,
Et je sens refluer les ténèbres en moi.

D'où viennent ces lueurs de joie instantanées,
Ces paradis ouverts qu'on ne fait qu'entrevoir,
Ces étoiles sans noms dans la nuit des années,
Qui filent en laissant le fond du coeur plus noir?

Est-ce un avril ancien dont l'azur se rallume,
Printemps qui renaîtrait de la cendre des jours
Comme un feu mort jetant une clarté posthume?
Est-ce un présage heureux des futures amours?

Non. Ce mystérieux et rapide sillage
N'a rien du souvenir ni du pressentiment;
C'est peut-être un bonheur égaré qui voyage
Et, se trompant de coeur, ne nous luit qu'un moment.

Sully Prudhomme, Tendresses et Solitudes.

Osez Joséphine

Hier soir j'ai regardé la télé! Ben oui, depuis le passage au numérique (en juin!!!) je n'avais que des images pixellisées. A vrai dire ça ne m'a pas manqué de ne pas regarder la télé.
Hier soir pourtant, les doigts de pieds en éventail, j'ai regardé TARATATA! Enfin, j'ai surtout écouté Raphaël dans Osez Joséphine. J'aime beaucoup Raphaël, mais Cali... hum!.
Alain Bashung rraahhh! Je kiffe grave? C'est comme cela qu'on dit... quand on n'a pas de cheveux blancs?



Ce matin, j'étais désespérée en me réveillant.
A dix heures, j'avais oublié pourquoi j'étais désespérée, mais je savais pourquoi je ne l'étais plus.
A midi je chantais!
A treize heures j'éclatais de rire en regardant le zapping : 20 % des hommes regardent des films "porno" au bureau. Pas en open space tout de même!
Il est 19 h. Le soleil décline, les mouettes dansent au rythme des cloches qui sonnent l'Angélus et ce soir est rempli d'espoir.

mardi 12 octobre 2010

L'araignée

Depuis dimanche j’observe « mon » araignée ! Après la plume, l’araignée ! Je m’apprêtais à passer entre les plantes quand je l’ai vue. Pas question de briser cette toile, regardons un peu si elle bouge. Les vidéos sont de mauvaise qualité car je suis obligée de les compresser pour les publier et, l'araignée est particulièrement minuscule!
Dimanche matin. Araignée du matin : chagrin? Entrain?


Dimanche soir : araignée du soir (des)espoirs
.

Araignée du midi : souci? envie?

Ce mardi midi donc, cette fois, la même ? une autre ? tisse une nouvelle toile entre la chilienne et la table !
J'ai vraiment pas grand chose à faire moi, tsss!

"On n'enlève jamais une toile d'araignée dans une cave, c'est que ça sert à attraper la vermine qui ferait piquer le vin!"
Bernard Clavel. (En hommage).


lundi 11 octobre 2010

Le paradigme de l'amour

Je me suis régalée samedi en écoutant Répliques. Les invités d’Alain Finkielkraut étaient Pascal Bruckner pour son livre Le mariage d’amour a-t-il échoué et Luc Ferry pour La révolution de l’amour. L’amour fait vendre et ces titres font un peu marchand de business (pléonasme). Bref, je ne regrette pas tout de même de les avoir écoutés disons plutôt d’avoir écouté Alain Finkielkraut !
Celui-ci entre dans le vif du sujet par une citation : l’introduction que fait Roland Barthes dans ses Fragments d’un discours amoureux. Petite parenthèse, à mon tour de jouer les "cabots". Cette même année 1977, Roland Barthes me dédicaça son livre, le 18 juin. Comme bien souvent quand j'aime un auteur, je l'avais acheté et lu avant la rencontre



Donc, je reviens à cette introduction :
"La nécessité de ce livre tient dans la considération suivante : que le discours amoureux est aujourd’hui d’une extrême solitude. Ce discours est peut-être parlé par des milliers de sujets (qui le sait ?), mais il n’est soutenu par personne ; il est complètement abandonné des langages environnant : ou ignoré, ou déprécié, ou moqué par eux, coupé non seulement du pouvoir, mais aussi de ses mécanismes (sciences, savoirs, arts). […]"

Mais aujourd’hui le climat a changé le discours amoureux. Pour des explications plus claires que je ne saurais transcrire, réécouter l’émission ici.

Il s’agit de se poser la question du passage de l’amour-passion à une amitié-amoureuse, à une tendresse, à une complicité, dixit Luc Ferry (je résume) et de réhabiliter l’amour conjugal, dixit Pascal Bruckner (je résume encore). Mariage d’amour ou mariage de raison.
Alain Finkielkraut cite Léon Blum, qui dans son ouvrage Du mariage plaide pour la libre polygamie des jeunes filles afin qu’elles arrivent au mariage en état de maturité matrimoniale, ce qui diminuera le nombre de divorces ! Et A.F. poursuit :
"Les anciens distinguaient la passion amoureuse et l’amour conjugal. Cette distinction est capitale (hé hé) et c’est cette distinction dont nous ne voulons plus. Il y a des passions amoureuses qui peuvent durer. Cependant les anciens n’y croyaient pas tout-à-fait ou pensaient que c’était exceptionnel ou miraculeux, et donc, ont réfléchi à cette distinction-là.
Il semblerait qu’aujourd’hui nous ayons rabattu l’amour sur la passion amoureuse, seulement. N’y a-t-il pas là une réduction ou une déperdition plutôt qu’une révélation ou une découverte de l’amour ?"

Réécouter donc les réponses des deux invités (bla bla bla). Je note tout de même celle-ci de Luc Ferry, qui en profite pour faire la promo de son livre en précisant qu’il y fait référence à Michel de Montaigne, pour qui l’idée de fonder la famille sur l’amour-passion est absurde :
"Le mariage d’amour est une horreur, non seulement ça ne marchera pas mais c’est moralement idiot. On n’épouse pas sa maîtresse (suis d’accord, hum!). Il dit même (Montaigne) : "Épouser une femme qu’on aime par passion c’est chier dans le panier avant de le mettre sur sa tête ".
Oh ! Luc Ferry, comme vous y allez avec Montaigne;-)

Et Alain Finkielkraut de rebondir sur un texte (délicieux) de Jean-Jacques Rousseau, avec Julie ou La Nouvelle Héloïse :
"Il n’y a point de passion qui nous fasse une si forte illusion que l’amour. On prend sa violence pour un signe de sa durée, le cœur surchargé d’un sentiment si doux l’étend pour ainsi dire sur l’avenir, et tant que cet amour dure on croit qu’il ne finira point ; mais au contraire, c’est son ardeur même qui le consume, il s’use avec la jeunesse, il s’efface avec la beauté, il s’éteint sous les glaces de l’âge, et depuis que le monde existe on n’a jamais vu deux amants en cheveux blancs soupirer l’un pour l’autre".
Et je remercie vivement Alain Finkielkraut qui a poursuivi en disant : "Je pense qu’il s’avance un peu, j’ai pas de cheveux blancs* encore mais je pense qu’on peut soupirer longtemps ". (Je confirme).
* (Je le soupçonne de les colorer! Voir l'image dans son contexte.)

Eros, Agape, Philae. "Le passage de l’Eros à l’amitié c’est le grand problème du couple moderne. Si nous ne voulons pas devenir des « Don Juan au ralenti » et changer de femme (ou de mari) tous les dix ans, il faut choisir de rester avec sa femme ou avec son mari, et ce choix-là suppose qu’on passe à d’autres formes d’amour". Luc Ferry.

Ah l’amour l’amour l’amour, même avec quelques cheveux blancs ;o) je soupire toujours !

dimanche 10 octobre 2010

Déjeuner impromptu

Samedi 9 octobre.

Ça m’a pris subitement, peut-être le vent chaud ce matin, le soleil comme une présence heureuse dont il fallait profiter avec qu’elle ne s’éloigne ; la météo annonçait une dégradation du temps pour la fin de journée. Tout me semble propice à une échappée, même rapide, pour un déjeuner au bord de la mer. Je lui ai téléphoné pour lui demander si elle voulait m’accompagner mais non, elle craignait que le temps tourne à la pluie. Pas question de changer mon projet.

Ni une ni deux, en voiture, direction le port. Le ciel commençait déjà à se couvrir sur la route, zut, j’allais arriver trop tard pour déjeuner en terrasse. Quinze minutes plus tard, j’y suis ; la vue est belle même sous le ciel anthracite et il fait doux bien que le vent se soit levé. Je m’attable en terrasse au Bistro du Port, la salle à l’intérieur est pleine, les clients doivent craindre le vent et les nuages, deux couples en terrasse et moi, alone. Ben oui, mon amie me trouve courageuse d’aller au restaurant toute seule ! Bien sûr, c’est mieux à deux mais là, je me sens bien, ma solitude est remplie de douces pensées, cela suffit à ce bonheur du moment. Je regarde le ciel s’assombrir sur le pont de Bénodet ; comme nos impressions peuvent changer en fonction du temps, de la lumière. Je consulte la carte et les propositions du Menu du jour (pas très cher), entrée plat dessert : un plat 10 euros, deux plats 12 euros, les trois 13 euros. Mais RIEN ne me tente dans ce menu ! Je jette un coup d’œil sur l’ardoise des suggestions du jour et j’opte pour une brochette de Saint Jacques, velouté Thaï à 14,50 euros, un seul plat pour le prix de trois, pfff ! La serveuse arrive, je lui annonce mon choix en lui disant que rien ne me convient dans le menu. C’est une entrée me dit-elle. Ah ? La brochette une entrée ? Eh bien tant pis, je la prends tout de même. Sur la carte des vins pas de vin au verre. Je lui demande si je peux avoir un verre des blancs qui sont sur la carte, un Chablis, un Sancerre ou un Menetou-Salon ? Non me dit-elle, je peux vous proposer un verre de Muscadet (bonjour la migraine illico) ou un Côteau de je ne sais plus quoi ; bon tant pis, je vais prendre une demi d’eau d’Evian, après tout je ne bois jamais de vin au déjeuner, je ne m’enivre que le soir – je plaisante ! Je respire un bon coup cet air vivifiant, on est loin de l’agitation estivale et j’aime ces arrière-saisons.

Effectivement, la brochette de Saint-Jacques était une entrée. Bah ! Ce fut léger mais suffisant pour mes habitudes de déjeuner frugal et le pain tartiné de beurre demi-sel était succulent. Café. Quelques photos sur le port qui seront suivies d’une balade à pieds pour aérer mes neurones, le vent se renforce et le ciel reste assez tourmenté.

Les photos de ce jour, à visionner peut-être en écoutant de la musique, je ne sais pas encore mettre de la musique dans mes montages !

Il m’avait dit : "la mer, le bateau me manquent, je ne suis pas un homme des bois". Je pensais à lui, si loin, si proche.

samedi 9 octobre 2010

C'est dans le dire que ça se passe

Un billet a retenu mon attention ce soir en lisant un blog et m'a donné envie de m'attarder chez Philippe Sollers et sur cet entretien avec Ferdinand Couzon :
De la conversation criminelle.

F.G. : Vous envisagez l'érotisme comme une manière infinie d'accéder aux cinq sens...

Philippe Sollers : ... Voilà ! Le contraire de l'expropriation du corps.

F.G. : Et donc, qu'est-ce qu'un corps qui jouit? Ce qu'au fond, vous ne cessez de décrire dans vos livres: la conversation, avec une femme de préférence - c'est-à-dire l'ouïe, la voix contre cette survalorisation de l'œil, du regard, de l'image - mais aussi la jouissance d'un ciel bleu, d'une fleur, du monde qui nous anime, ou encore l'extase procurée par une œuvre d'art, bref tout ce qui a à voir avec le langage, la gratuité, la sensation, la contemplation. L'érotisme comme savoir sur la question de la jouissance ?

Philippe Sollers : Ce qui me paraît compliqué, c'est de répéter tout le temps le mot jouissance. J'ai écrit un texte qui s'intitule : « Je sais pourquoi je jouis. » Je préfère le savoir sur cette chose à la répétition du mot jouissance qui nous entraînerait dans une confusion. Ce qu'il faut se demander, c'est pourquoi y a-t-il une telle déflation dans le pouvoir dire plutôt que de se préoccuper de savoir jouir. Vous avez cité Dante qui dit quelque part que dire ça devient jouir. Les expériences dites érotiques, avant d'être le contact de deux physiologies, c'est dans le dire que ça surgit. C'est fondamentalement quelque chose d'asocial, de clandestin qui passe par le surgissement d'une langue secrète ou ce que les Anglais, bien inspirés pour parler de l'adultère, nommaient conversation criminelle. Comment ça se dit ? Dans quelle situation ? Pourquoi ? La question est là, sous vos yeux. Et c'est cela qui va être censuré : cette expérience-là et plus précisément une façon d'être dans la liberté. Vous avez dans mon livre Femmes le premier relevé du tournant de l'époque spectaculaire. Comme dans un tableau de Mendeleïev, vous avez les négatives et les positives. Les négatives, on les remarque éventuellement mais les positives : rien. Ce sont en général des personnages dont on peut remarquer la musicalité et une certaine vivacité de langage. Donc, je veux bien qu'on parle de jouissance mais en dehors du dire je ne sais pas ce que ça veut dire. En passant, il ne faut pas non plus oublier le plaisir nous ne sommes pas obligés d'aller vers une jouissance réitérée. Tout cela est de toute façon le fruit d'une expérience singulière. Toutes les choses dites érotiques qui ne sont pas dites doivent être considérées comme n'existant pas. C'est dans le dire que ça se passe, c'est-à-dire dans le langage qui se trouve aujourd'hui subir une torsion le plus souvent obscure ou obscurantiste. L'embarras physique se traduit par des embarras de langue ou de langage, voilà. Il y a très peu de choses que nous pouvons goûter avec les cinq sens à la fois et c'est ce que je nommerais relation érotique ou amoureuse. Cela va absolument à l'encontre de ce que Dieu, devenu Société et non plus le drame de la mort de Dieu se représentant dans la crise hystérique, ne peut pas supporter. C'est ce que j'appellerais tout simplement : une incarnation. Plus ça désincarne, mieux ça vaut pour le Dieu social et ses mannequins : suivez mon regard...


Et il va sans dire, que j'adhère à ces "dires" et à la "conversation" de Philippe Sollers.

(Les caractères gras sont de mon fait).

vendredi 8 octobre 2010

Doux octobre


La journée s'annonce très douce - climat, sentiments, activités, lectures - bref, un bien-être que je voudrais voir durer (je sais qu'il n'en sera rien), profitons-en!
Les années se suivent et parfois se ressemblent, octobre c'est l'été indien, idéal pour une balade sans but, comme celle faite hier dans les rues désertes - oui, les gens travaillent tout de même - et découvrir une boutique aux objets insolites!



Le 7 octobre 2010
Pas donné!

Plafonnier Angèle Riguidel Chouette la trotinette!


Puis'installer sur une terrasse ensoleillée, à l'heure où tout le monde bosse!

jeudi 7 octobre 2010

Une visite virtuelle, Claude Monet



Claude Monet, Autoportrait

J’ai visité hier soir la superbe exposition Claude Monet au Grand Palais, sans faire la queue, grâce à ce site très réussi qui présente une galerie très complète des tableaux figurant dans l’exposition. On peut zoomer sur chaque tableau et voir les détails à la loupe, les coups de pinceaux et la matière, bien mieux que dans les salles du Grand Palais, j’en suis persuadée, étant donné la foule qui doit s’y presser. Sous chaque œuvre une explication très bien documentée. C’est parfait.
Découverte de cette toile La rue Montorgueil que je trouve flamboyante (à regarder sur le site l'original, en zoomant) et qui m’a rappelé – de façon plus modeste bien sûr – l’histoire de celle-ci.

mon café rue Montorgueil que Monet, en 1878, s'était installé sur un balcon dans cette même rue, pour peindre sur le motif cette fête nationale.

Evidemment, cette visite virtuelle ne remplace pas une visite au Grand Palais, si ce n’était qu’on puisse voir les tableaux dans de bonnes conditions, je veux dire, de très près sans jouer des coudes !

"De retour à Paris au début de l’année 1878 après la naissance de son fils Michel, Monet est préoccupé par l’état de santé de Camille, de plus en plus faible. Il part tout de même à la recherche de nouveaux motifs parisiens. La fête nationale du 30 juin 1878, organisée pour célébrer le succès de l’Exposition Universelle, lui donne alors l’occasion de peindre une capitale haute en couleurs qui voit réapparaître le drapeau tricolore.
Monet raconte : « J’aimais les drapeaux. La première fête nationale du 30 juin 1878, je me promenais avec mes instruments de travail rue Montorgueil ; la rue était très pavoisée et avec un monde fou ; j’avise un balcon, je monte et demande la permission de m’y installer pour peindre ; elle m’est accordée. Puis je redescends, incognito ! »
Cette toile, d’une grande rapidité d’exécution, montre ainsi la séduction que les drapeaux flottant au vent opèrent sur Monet."


Je ne savais pas en prenant
La rue Montorgueil Fête du 30 juin 1878
Huile sur toile – 81 cms x 30 cms
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Claude Monet, Nature morte avec fleurs et fruits