jeudi 12 août 2010

Une passion bafouée

Lettre d’une inconnue.

Stefan Brand (Louis Jourdan) est un riche pianiste qui aime sortir la nuit et séduire les femmes. Alors qu'il emménage dans un nouvel appartement, la fille de la voisine tombe sous le charme : elle l'épie, le suit, l'aime follement en secret. Elle le rencontrera un jour, ils passeront la nuit ensemble. Pour lui, ce ne sera qu'une passade, pour elle ce sera l'amour de sa vie.
C’est le portrait d’une femme sublime, Lisa, incarnée par Joan Fontaine ! L’amour dans toute sa gravité, sa dévotion, sa passion.

"Passion bafouée. Celle d’une femme dont le cœur bat en secret pour un pianiste volage qu’elle a croisé à trois reprises, qu’elle épie, qui l’ignore, auquel elle s’offre corps et âme, mais qui ne la reconnaît pas, ou trop tard, en recevant une lettre posthume dans laquelle elle avoue sa vaine quête : "Je n’ai que toi, toi qui ne m’as jamais connue et que j’ai toujours aimé." Seule la caméra rapproche dans un même mouvement les amants que tout sépare. La dévotion de la femme douce illuminée par un amour absolu se heurte à l’aveuglement d’un amant frivole aux abandons sensuels sans lendemains. Cette Adèle H. viennoise hante des lieux qui trahissent la malédiction de ses espoirs, son chagrin et l’irrémédiable incompatibilité du cynisme et du sacré."
Jean-Luc Douin.


Vu ce film hier soir (DVD emprunté à la médiathèque). Le deuxième film de Max Ophüls tiré de la nouvelle de Stefan Zweig. J’étais bouleversée; Joan Fontaine en femme désespérément amoureuse et Louis Jourdan en dandy frivole sont magnifiques. Deux destins croisés, gâchés. Un film superbe et mélancolique. Tout ce que j’aime.

La scène où il joue du piano rien que pour elle : elle s’agenouille près de lui pour l’écouter jouer, ferveur de son regard.
Lui : Promets-moi…
Elle : N’importe quoi.
Lui : Je ne sais pas où vous vivez. Promets de ne pas disparaître.
Elle : Moi je ne disparaîtrai pas. Elle lève les yeux vers lui, un regard intense, quêtant une réponse mais il se tait.

Cette autre scène, exquise : ils sont dans un train imaginaire, une sorte de manège enchanté, mû par un pauvre homme qui pédale pour faire avancer le train. Une suite de paysages et de pays traversés. Quand le train s’arrête Stefan paie la tenancière du "manège" pour repartir… dans un autre pays, dans un autre voyage, ici la Suisse (encore elle;o)). Ils ne regardent pas le paysage, le voyage est un prétexte, seul compte ce moment - que l'on voudrait parfois infini - de la découverte de l'autre, ce voyage du coeur, des sens, de l'âme. Quand le "voyage" est fini, Stefan revient vers la tenancière et la paie pour une nouvelle traversée de... tous les pays.... Que j'aime cette scène! Beaucoup de douceur, de volupté, mais c’est un film poignant, dramatique.


"Je le sais maintenant, rien n’arrive jamais par hasard. Chaque instant est mesuré. Chaque pas est compté."
[…]
"J’ai l’impression que vous comprenez ce que je ne sais même pas dire."

Je repensai ensuite à Madame de qui m'avait aussi chavirée mais dont je garde un souvenir plus léger et délicieux.