jeudi 24 juin 2010

Le Père Noël est une ordure

Mercredi 23 juin.

Il y avait quatre parties en attente au départ du 1.
Nous attendions notre heure de réservation mais il y avait du retard.
Les joueurs en profitaient pour se saluer.
Soudain quelqu'un m'interpelle, je me retourne :
- Je vois que le Père Noël n'est pas passé pour votre sac de golf!
- Eh bien non!
- Et pour votre matériel non plus?
Et là je pars d'un grand éclat de rire!
- Ben non, le Père Noël est une ordure. Il m'a laissé avec mes vieux clubs et mon vieux sac. Mais ne trouvez-vous pas que c'est la grande classe d'avoir des vieilles choses? Et même de driver plus loin avec mon vieux bois qu'avec votre Ping ou votre Callaway doté d'une grosse tête?
Il en est resté comme deux ronds de flan! J'ai failli rajouter mais me suis abstenue :
Ben oui monsieur, le matériel c'est comme un pull en cashmere : plus c'est usé, plus c'est classe.
'tain et c'est ce type qui va jouer avec nous.

J'ai terminé les 18 trous sur les rotules et j'ai bien joué... avec mes vieux clubs!

Je rentre mon sac et mon chariot dans le coffre de ma voiture et je retourne aux vestiaires récupérer mes affaires dans mon casier. Une femme me suit avec son chariot, je me retourne, elle me regarde, visage fermé. Le genre d'expression qui me met en joie! Je m'apprêtais à lui dire un : bonjour! mais là il n'en était plus question. Je pose ma clef de voiture et ma bouteille d'eau (ce qu'il en reste) sur l'étagère qui correspond à mon casier. Elle me regarde, je dirai même me fusille du regard. Je ne savais pas qu'elle avait le casier juste en-dessous du mien, donc ma clef et ma bouteille la gênaient pour ouvrir le sien. J'ai cru qu'elle allait taper des pieds d'agacement. J'ouvre tranquillement mon casier, je sors mon sac et mes Converse (oh-mon-dieu-maman des Converse, quel manque de classe). Au lieu de me dire gentiment qu'elle voulait ouvrir son casier, en dessous du mien, pour que je déplace mes objets, elle marmonne quelque chose que je ne comprends pas et d'un geste elle les pousse nerveusement. Je m'installe carrément plus loin pour ne pas la gêner, j'enlève mes vieilles pompes de golf (eh oui, le père Noël est une ordure) et je mets mes Converse, oh que ça fait du bien, j'ai les pieds en compote; 4 h 15 de marche en plein soleil tout de même!
Toujours sans un mot, lèvres pincées, elle sort un énooooooorme sac de golf dernier cri de son casier, avec beaucoup de difficulté (bien fait) et le place sur son chariot maladroitement (re-bien fait). Je préfère mon petit sac, na! Je suis restée zen, me retenant de lui dire que les chariots étaient interdits dans les vestiaires.
Elle allait jouer et n'avait pas tort, il faisait moins chaud à cette heure-là (18 h).
Bref, l'ambiance était pesante. J'ai pris mes affaires et je lui ai dit : bonsoâââr. Incroyable, elle ne m'a pas répondu. Je ris.

Je me demande comment je peux continuer à côtoyer des gens aussi imbus de leur personne. Mon Dieu qu'ils sont médiocres.
Je pense à toi, mon coach, tu dois bien te fendre la pêche de me voir rouspéter après les snobs, toi l'artiste qui s'en fichait de tirer mon chariot en roulant tes cigarettes; ta tenue de caddy était peu conforme pour arpenter le gazon : veste et pantalon chinois qu'un ami nous ramenait de Marseille. J'en portais aussi et les vestes je les mets toujours... 25 ans plus tard, elles sont inusables, enfin, je veux dire, elles sont elles aussi comme le cashmere, blablabla... Et même que le cashmere maintenant c'est révolutionnaire!!!

Révolution caviar je vous l'accorde.

Dans ma voiture je repensais à cette lady de 90 ans et à sa douceur et à sa classe... (au fait, elle avait aussi un très vieux sac de golf sur son chariot et de vieilles chaussures).

23 h 30.
J'ai fini Stolz de Paul Nizan.
Dernier paragraphe du livre :

"Il s'assoupit et se réveilla en sursaut, en ressentant une crampe. Mais la lassitude était désormais plus forte que la douleur, plus forte que tout. Il crut, un instant, qu'on l'appelait, mais il était trop las pour répondre, bien trop las pour se demander seulement s'il avait bien entendu. Il n'avait plus qu'un seul désir : celui de ne pas être réveillé".

Il me fallait finir cette journée remplie de futilités avec quelque belle lecture. Ne plus être que ce qu'on voit, ce qu'on sent, ce qu'on entend... ce qu'on lit. Peu à peu Stolz se sépare de tout ce qui le relie à la réalité du monde. Van Gogh devient le seul intérêt qui le relie à la vie et il part dans une ferme isolée dans la montagne pour écrire sur le peintre. Plus j'avançais dans ma lecture plus je me sentais concernée. J'aime les lectures graves qui m'extraient de ma futilité.

Jeudi 24 juin.
11 h.
Le centre ville est noir de monde. Les manifestants sont partout. Devant moi sur les quais, incroyable... zut je n'ai pas mon appareil de photos pour le prendre de dos, un type à la carrure imposante porte un t-shirt noir imprimé : le Che avec un chapeau breton! Sûr c'est moins chic qu'un cashmere avec le révolutionnaire mais vu la température ce matin c'est plus adapté. Quelle coïncidence, alors qu'hier soir j'écrivais les quelques brèves ci-dessus!
J'ai trouvé via Google cette photo exacte réplique du t-shirt susdit.

Che Guevarrec, c'est horrible, ça craint un peu. Au choix, je prends le cashmere, enfin, si le Père Noël me l'offre vu son prix.

Mais comme le Père Noël est une ordure...