jeudi 31 décembre 2009

Saint Sylvestre

"Je n'aime pas le 31 décembre. Ou plutôt je l'ignore, superbement. Je n'invite pas et décline les invitations. Je préfère la solitude. J'ai horreur de toutes les liesses, surtout les récurrentes. D'ailleurs, c'est simple, mes mots et moi, nous traversons, comme des amnésiques, tous les calendriers. Nos jours de fêtes sont d'une autre espèce. Ce qui les détermine c'est la rencontre d'une écriture ou d'une femme, du corps de l'une dans le corps de l'autre. Il n'y a pas d'almanach pour çà. Le calendrier est aussi la cause, chez mes semblables, de quelque accès de fièvre chronique, tournant autour du pont. Faire ou ne pas faire le pont, c'est la question qui hante tous les esprits, certains en tombent malades. Ils voudraient bien vivre de pont en pont, même quand ils ont le pont triste, désoeuvré. En général, dans nos sociétés, où les riches vies intérieures sont une rareté, les grands ponts s'écroulent sitôt qu'on les jette, ou qu'on les franchit. Ils ne relient à rien, sauf à l'Ennui.
Cela me semble terriblement suspect, une joie à date fixe, après quoi la quotidienneté revenue n'en est que plus pesante, ou misérable, jusqu'à la prochaine fois. (...) Les ponts sont sans cesse coupés entre le désir du corps et celui de l'esprit.
Jusqu'à présent, je ne vois que la puissance du langage qui soit en mesure de promettre à cet homme la "permanence de l'exception", pour peu que son corps soit habité par cette puissance."

Marcel Moreau, Une philosophie à coups de rein.
(De la danse du sens des mots dans la vie organique).

mercredi 30 décembre 2009

Les lumières de la ville



Nous avons pris un thé dans le plus vieux Café de la ville, mais je n'ai pas entendu les pas de Max Jacob qui avait son appartement au-dessus de nos têtes!
- Qu'as-tu fait le soir de Noël me demande-t-elle?
- J'ai regardé un DVD emprunté à la médiathèque.
- C'était quoi?
- Le Cri de la soie avec Marie Trintignant.
- Ah, je l'ai vu à la télé il y a longtemps, je n'avais pas aimé.
- Vraiment? Je l'avais adoré, j'ai voulu le revoir. Quelle sensualité dans ce fétichisme de la soie, cette femme qui s'évanouit de désir en touchant, en froissant la soie. Çà me donne des frissons.
- Ah bon! Je crois que je ne l'avais même pas regardé jusqu'au bout.
- Et toi qu'as-tu fait pour Noël?
- J'ai regardé "La télé est à vous" (sic).
- Ah! C'était bien?
- Bof.
- Pourquoi n'as-tu pas regardé Les lumières de la ville, il passait sur Arte? Moi je l'ai vu tant de fois que j'ai préféré regarder mon DVD, mais c'est un chouette film.
- C'est avec qui?
- Charlie Chaplin voyons. Dans le film c'est un vagabond qui s'éprend d'une aveugle. Elle le prend pour un homme riche... (je ne voulais pas m'étendre en explications, déjà qu'elle comprend rien).
- Merci, encore un film muet sans doute.
(Je reste sans voix). Puis on se quitte.

En longeant la rivière de l'Odet je vois les lumières de la ville, je traverse le pont Max Jacob, je me retourne pour voir la cathédrale illuminée, j'enfonce mes mains dans les poches, l'air est doux et humide et çà clignote dans ma tête; je cherche quel DVD je vais emprunter demain pour mon réveillon.

***

Aujourd'hui pour moi ce sera un grand verre... de Chevillard

mardi 29 décembre 2009

Lecture, intime.

Je serais incapable de dire, en privé (en public j'oserai plus facilement), à un écrivain, que je connaîtrai (plus ou moins) ce que je pense sincèrement de son livre. Ou parce que je le trouverai quelconque, voire mauvais et là mieux vaut s'abstenir, ou parce que je le trouverai passionnant et fière d'avoir découvert un auteur talentueux et dont je m'empresserai de lire tous les ouvrages et là, mieux vaut aussi s'abstenir pour rester objective et ne pas avoir l'air d'en faire trop. Celui-là (celle-là) n'aurait d'ailleurs pas besoin de mon avis pour savoir ce qu'il (elle) vaut.

Dans mon entourage j'ai deux vrais copains (je ne puis vraiment parler d'amis) qui m'offrent toujours leur dernière production (oui, il s'agit bien là de produit marchand). La première fois, je les ai lus, puis ma déception fut telle que je ne leur en ai rien dit; ils continuent donc de mes les offrir, avec une dédicace, ce qui m'oblige à les conserver dans ma bibliothèque, bien planqués. Cela n'enlève rien à l'amitié que je leur porte. C'est un peu cruel de dire cela. En revanche, je suis très fière d'avoir des dédicaces d'écrivains que j'aime, que j'admire et que je ne connais que par leurs oeuvres. La plus belle n'étant pas vraiment une dédicace mais une lettre de l'auteur répondant à celle que j'avais eu l'audace de lui envoyer.

Il n'y a rien de plus excitant, de plus troublant, je pourrai même dire de plus intime que de rentrer dans un livre et de se retrouver en tête à tête avec un auteur que vous aimez, le temps de la lecture. C'est simplement exquis.

lundi 28 décembre 2009

***

Arriverai-je un jour à accepter de me montrer - du moins de me laisser deviner - aux autres telle que je suis, sans pour cela me mentir juste pour me faire aimer?

J'ai ce sentiment-là depuis que tu n'es plus là, depuis 26 ans que je me cherche; je me suis perdue en te perdant. Depuis, je joue à être une autre, à mon corps défendant, à ne rien laisser paraître de mon ignorance et, j'y arrive. Avec toi je n'avais peur de rien, tu m'avais embellie et j'étais devenue belle; tu m'avais retiré mes peurs et j'étais devenue comme un poisson dans l'eau dans un monde que je croyais réservé à d'autres, j'étais gaie, futile, tu me donnais de l'importance. J'avais pris goût à ce luxe que tu me faisais découvrir, dans ta folie - car ce n'était pas vraiment ton monde non plus - je rentrais avec toi dans les boutiques aux marques célèbres, en fait c'est toi qui jubilais, et je trouvais divin de voir les vendeuses se mettre en quatre pour nous fourguer le truc le plus cher et toi tu ne voulais pas que j'en sache le prix. Au restaurant quand nous fêtions chaque année notre anniversaire de rencontre - dans les plus grands - tu indiquais au sommelier que c'était moi qui goûtais le vin car non seulement tu savais que j'avais un nez et un palais sans faille mais que j'y prenais un plaisir fou. C'est toi qui m'avais appris le rituel : vérifier sa robe, le humer, le garder en bouche et je faisais cela avec autant de bonheur et gourmandise que d'allumer ton havane à la fin du repas. Toi, tu le choisissais, tu le passais sous ton nez, tu le roulais entre tes doigts près de ton oreille, il ne fallait pas qu'il soit sec, c'est pour cela qu'on les conserve dans des caves humidifiées me disais-tu.

Non, je ne vis pas dans le passé, 26 ans ce serait trop long et du temps perdu, j'ai vécu depuis et je vis. Aujourd'hui je ris quand je pense à ta folie, à ce luxe dont nous profitions ponctuellement lors d'une vente d'un tableau, pour nous satisfaire avec autant de volupté - quand nous étions un peu dans la dèche - de côtes de porc boulangères ou de tes tartes carottes/navets pas fades du tout car tu les assaisonnais d'épices extraordinaires. Aujourd'hui c'est moi qui cuisine, avec moins d'enthousiasme. Aujourd'hui je vis sans nostalgie, je croise encore des regards qui me font vibrer et qui ne se détournent pas. C'est donc que le mien n'est pas éteint. Il ne le sera jamais.

dimanche 27 décembre 2009

L'avenir du livre

... à l'ère du numérique. A l'heure où l'on nous parle de l'e-book il était passionnant d'entendre Jean-Claude Carrière et Alain Fleischer hier donner la Réplique à Alain Finkielkraut sur le sujet.

La lecture quotidienne des journaux diminue d'années en années ainsi que celle des livres et, paradoxalement, la vente des livres l'année dernière a battu des records historiques. Mais ce n'est pas le nombre de livres lus qui comptent c'est la qualité du texte et ce n'est pas parce qu'on lit, que l'on ne lit que de bonnes choses. Je doute que les lecteurs (en particulier des lectrices) qui vont à la bibliothèque et qui empruntent cinq livres en les ramenant trois semaines plus tard aient pu les lire correctement. La lecture demande du temps, de la réflexion; je parle de littérature. J'ai un ami qui achète tout ce qui sort, dans tous les domaines : romans, essais, politique, histoire, philosophie; une vraie librairie à domicile. Bien sûr, il ne peut pas tout lire - tout de suite - il accumule et refuse de m'en prêter mais je ne lui en veux pas. Il a un besoin vital (ventral?) de les savoir là. Un jour il m'a dit, à propos de la lecture, une chose étonnante mais à laquelle j'adhérai complètement sans pouvoir l'expliquer : "il m'arrive d'ouvrir un livre, de ne rien comprendre au texte mais de m'enivrer des mots".
"La lecture de livres subit depuis plusieurs décennies une certaine dévaluation à la bourse des valeurs culturelles, que le succès d'Internet n'a fait qu'amplifier". Il semblerait que ceux qui continuent d'être des lecteurs acharnés soient les baby-boomers. Pour ma part, je n'ai jamais autant lu que depuis que je surfe sur le Net et surtout, je me suis remise à acheter des livres, l'emprunt à la bibliothèque ne me procurant pas ce même plaisir que celui de posséder le livre.

Qu'est-ce qu'un livre?
"Un livre est un lieu de repos pour les mots écrits. Cela peut paraître incongru mais en fait la page imprimée est le seul endroit où les mots ont un domicile fixe. Ailleurs ils sont sans cesse en mouvement : quand vous parlez, quand ils apparaissent sur l'écran, quand vous les voyez sur le Net. L'hypertexte n'est pas un livre car le livre est fixe, et cette fixité est cruciale; parce qu'aujourd'hui le défi n'est pas d'accélérer l'information mais de la ralentir. L'information va déjà assez vite d'elle-même, nous avons besoin de décélérer, le livre permet une décélération de premier ordre.
La génération de la nanoseconde est celle qui ramasse sa chaussure et la jette avec colère contre l'écran parce que l'ordinateur ne va pas assez vite. Les livres demeurent donc nécessaires pour deux raisons : ils sont les ralentisseurs de l'information, ils la distillent et se refusent à toute manipulation de la part du nouveau lecteur hypertextuel interactif.
C'est l'apport inappréciable du livre."
Derrick de Kerckhove, L'intelligence des réseaux.

"On ne devrait lire que les livres qui nous piquent et nous mordent. Si le livre que nous lisons ne nous réveille pas d'un coup de poing sur le crâne, à quoi bon le lire?"
Franz Kafka.

samedi 26 décembre 2009

Brigitte


Je viens de revoir Une vie, un destin et je ne retiens de cette femme que sa beauté.

J'oublie les images d'aujourd'hui, de la femme vieillissante, celle qui a accouché d'un fils et qui eut préféré que "ce fut d'un chien", celle qui reproche à la France d'être devenue la première patrie des musulmans, ces "tueurs de moutons", celle qui a soutenu le parti d'extrême droite. Toutes ces idées qui me répugnent.

La beauté est éphémère et d'un poids si lourd à porter que la vie ne peut que devenir insoutenable, et laide, quoi que l'on fasse. Je plains les beautés, fatales.

Mais qu'elle était belle.

vendredi 25 décembre 2009

Dévorations

Je viens de terminer le livre de Richard Millet. Entre malaise et admiration c'est ainsi que j'en ressors. Mais j'ai été littéralement emportée par cette histoire où je décèle encore de l'autobiographie bien que le narrateur soit une narratrice. Et l'auteur s'est mis dans la peau de cette femme, dans son mal être, dans ses tripes que c'en est époustouflant. Quelle tourmente dans cet être, dans cette femme, qui n'est sans doute que la tourmente de l'auteur.
L'écriture est à la fois violente et incandescente. La passion amoureuse de cette femme est dévastatrice et Richard Millet fouille dans ses entrailles avec des mots d'une crudité violente mais qu'on ne peut qu'admirer. Je voulais lire un texte un peu léger pour mieux digérer La vieillesse de Simone de Beauvoir, en cours de mes lectures mais là c'est un peu raté. Ceci étant je ne regrette pas cette lecture, nonobstant le sentiment de malaise qui m'a tenaillé en le lisant, mais ne pouvant m'en détacher tant je trouve fascinante l'écriture de cet auteur. Je vais pour me détendre, je l'espère, trouver ce qu'il me faut dans les livres de Philippe Annocque que je viens d'acquérir; j'ai déjà parcouru quelques pages qui me font sourire, c'est de bon augure.

Je ne saurai mieux résumer Dévorations qu'en reprenant cet extrait de Richard Blin paru dans Le Matricule des Anges.

"Un roman de Richard Millet, pour explorer la face cachée de la douleur d'être et de la mort amoureuse.
C'est le récit oralisé, l'envoûtante remémoration d'un amour impossible entre une serveuse de restaurant et un écrivain revenu de tout, qui a choisi de redevenir " maître d'école ". C'est elle qui raconte, elle qui ne connaît rien aux stratégies amoureuses, qui ne s'est même jamais montrée nue à personne. Et voici qu'arrive cet homme autour duquel sa vie va se mettre à tourner follement. Mais comment être quelqu'un aux yeux d'un autre quand on sait n'être rien, et n'y rien pouvoir ? Comment vivre quelque chose avec un homme, " habitué à n'être rien ", un écrivain n'étant qu'" une sorte de revenant " ?
C'est cet impossible qu'évoque Dévorations, en retraçant cette quête insensée d'un bonheur qui, " fût-il un mirage ou une destruction mutuellement consentie, n'en reste pas moins ce qui nous empêche de sombrer dans la folie ". "

jeudi 24 décembre 2009

Rencontre épistolaire et virtuelle

En 2007 je vagabondais sur un site de rencontres qui se voulait être littéraire donc réservé à ceux et celles qui aimaient la plume, la littérature, les arts. Les rencontres la plupart du temps n'existaient pas, la communication restait virtuelle mais les échanges prenaient parfois une sincérité étonnante et un intérêt véritable. Séduite par son écriture, j'ai ainsi lié une relation amicale très profonde avec un jeune homme. Nous nous sommes rencontrés et sommes devenus de vrais amis. Notre grande différence d'âge permettait cette amitié sans aucune ambiguïté. D. écrit et tente vainement de trouver des éditeurs, je l'encourage à poursuivre.

En juillet 2007, toujours sur ce site (qui n'existe plus) un homme (de mon âge, enfin un;o)) venait de faire son apparition mais ne réapparaissait que très irrégulièrement et s'exprimant très brièvement. Nous avions la possibilité de communiquer "publiquement" ou "en privé". Il m'envoya un message privé en me disant qu'il aimait mon Journal (celui que je tenais sur ce site et d'autres choses sur un ton à l'humour particulier qui me plaisait. Je lui répondis, nous parlâmes de Henry Miller, d'Anaïs Nin, de bien d'autres écrivains qui nous passionnaient et de peinture. Il était (est) cinéaste et faisait (fait) des films documentaires sur quelques artistes-peintres mais pas seulement. Son humour s'est accentué au fil des échanges, j'ai rapidement compris qu'il ne serait pas un homme dont je tomberai amoureuse et que je n'étais pas la femme qui le ferait bander (c'est ce qui me venait à l'esprit quand je lisais ce qu'il me disait sur les femmes) mais j'aimais cette relation épistolaire et amicale, voire intellectuelle. Je vivais alors à la campagne et lui à Paris et à l'étranger;  il me prenait réellement pour une péquenaude ce qui me faisait plus rire encore. Il ne savait pas que j'avais passé trente ans de ma vie à Paris et devait s'imaginer une bourgeoise esseulée dans sa campagne. Mais bien qu'il ne ménagea en rien ses dires moqueurs, il n'arrivait pas à m'agacer. Je devais aller à Paris en septembre et pensais le rencontrer mais il était alors en tournage à ce moment-là. J'avais pu découvrir son parcours professionnel grâce à Google mais je réussis à résister à l'intimidation. Quelle ne fut ma surprise de recevoir en septembre de cette année-là un DVD d"un film qu'il avait réalisé, sur un artiste que j'admirais, Matisse. Ce cadeau m'a touchée au plus haut point, il était empreint de délicatesse et totalement gratuit; nous nous connaissions si peu, malgré les quelques mails. Son film était (est) très beau, en fait il raconte le peintre à travers le poète Aragon, les paysages qui ont inspiré le peintre sont magnifiques et filmés avec un esthétisme irréprochable; le texte est dit par  Jacques Weber. A chaque fois que je revisionne ce film je redécouvre le regard du cinéaste en me disant que son humour mordant est étrange avec moi tandis que son travail est d'une grande sensibilité.
Et puis, nous nous sommes perdus non pas de vue mais d'écriture... C'est un homme qui travaille beaucoup (il ironisait aussi sur mon oisiveté qui lui faisait peur, craignant d'être tombé sur une femme dépendante financièrement, ce qui me faisait éclater de rire).

Enfin, dernièrement, faisant un peu le ménage dans mes mails, je retrouve notre correspondance et je lui envoie un mail (n'étant pas sûre qu'il le reçoive) pour lui dire que la plouc est revenue en ville, sur le ton ironique qui fut constamment celui de nos échanges. Et merveille, deux ans et des poussières plus tard, il me répond avec des mots qui sont exactement les mêmes dans leur teneur et leur moquerie. Dé-li-cieux. En fait c'est un homme qui ne craint pas de dévoiler son côté ours mais avec une telle drôlerie que je ne peux pas lui en vouloir.

mercredi 23 décembre 2009

***

C'est parfait! Je ne pouvais rêver mieux! Même pas besoin d'inventer de fausses invitations pour dire : non, désolée, c'est gentil de m'inviter, demain et jeudi! Depuis ce matin j'ai la goutte au nez, les yeux larmoyants d'éternuements, la boîte de kleenex qui se vide, je ne vais pas vous refiler mon rhuBe, et qui sait, vous gâcher votre chapon!
(Bizarre ce rhume soudain, c'est peut-être psy?)
Youpi, j'adore être mal fichue, et m'enfoncer dans mon canapé, avec un bon bouquin en savourant ma solitude, avec une pastilla au pigeon (merci Picard) arrosée d'un bon champagne, parce que, bon, faut pas se laisser abattre, quand tout le monde se tape la cloche ou le minuit chrétien.
A propos d'"arrosage", pour accompagner mon champagne;o), Liquide de Philippe Annocque va je pense parfaire cette soirée, un écrivain que je viens de découvrir.

mardi 22 décembre 2009

***

4° mais pas un souffle de vent. Le soleil rasant m'empêchait de voir ma balle mais donnait une lumière éblouissante. Le silence était total et j'étais la seule à m'être aventurée cet après-midi sur les fairways. J'aime être seule, impression que tout m'appartient. J'avais presque trop chaud avec mes trois pulls. Je savourais pleinement le calme qui m'entourait, imaginant l'agitation dans les magasins, les embouteillages dans les rues, les places de parking introuvables, à deux jours de Noël. Le parcours était magnifique, je jubilais de voir les greens impeccablement tondus, ils n'avaient rien à envier à ceux du Royal Golf de Dar Es-Salam. Ce souvenir me revenait d'un 31 décembre passé à Rabat pour le Trophée Hassan II; c'était mon premier Noël sans toi et il fallait que je me projette quelque part pour ne pas sombrer. J'étais encore maigrichonne et fragile physiquement pour faire quatre jours de compétitions mais nous avions d'adorables caddies pour porter nos sacs. Je me souviens que ceux-ci étaient vraiment considérés comme des larbins par les golfeurs qui résidaient à l'année au Maroc. Ils les traitaient comme des chiens. J'étais écoeurée.

De retour en ville en fin d'après-midi, je ne m'étais pas trompée, des files ininterrompues de voitures, des klaxons aux feux, des conducteurs excités; vitres fermées, j'attendais patiemment en écoutant Nabucco, Le Choeur des Esclaves de Verdi, à fond le son, enfin presque, parce que mes acouphènes... tout de même...

Belle journée.

lundi 21 décembre 2009

Crèche païenne

Création JCC

Création Massimo Giacon

C'est vraiment n'importe quoi! et j'ai craqué pour cette crèche design hier. Il ne manque plus qu'un père noël pour en faire un objet très païen. On est loin de l'étable où aurait eu lieu la naissance de Jésus.
La tradition des crèches s'est développée dans le monde entier : crèche africaine en bois, asiatiques avec un petit Jésus aux yeux bridés, certaines sont même en argent en Roumanie.
En Amérique Latine, on compte autant de crèche que de village. Elles sont en bois, en terre cuite, en pâte à sel ou même en sucre.

"Dès le IIIe siècle, les chrétiens vénèrent une crèche dans une grotte de Bethléem, supposée être le véritable lieu témoin de la Nativité.
Au Moyen Age, les pièces de théâtres et les représentations scéniques étaient très appréciées en Europe. Elles étaient en général assez crues, animées et équivoques. Les débordements qui les entouraient étaient incontrôlables. Leur contenu, symbolique, puisait souvent dans les traditions et les rites païens."

Il n'y avait pas plus athée que nous et pourtant je t'avais dit un jour de décembre 1982 : fais-moi une crèche et tu l'as faite, avec du carton pour le toit, des allumettes pour l'échelle (tu allumais tes Roméos avec de longues allumettes), de la paille récupérée chez ton fromager favori pour le pigeonnier, les petits oiseaux tenaient à peine entre tes doigts quand tu les peignais! Tu avais fait une auge avec de la colle transparente en guise d'eau gelée. Seuls les santons n'étaient pas de toi mais tu tenais à ce qu'ils fussent d'authentiques Carbonel. Ils se sont enrichis au fil des ans. Chaque année nous la mettions en bonne place dans l'atelier, en riant et en rajoutant une nouvelle couche de neige en bombe! Le Noël suivant l'année de ta disparition j'ai sorti le carton de la réserve, en l'ouvrant, une énorme vague de tristesse m'a submergée et je l'ai refermé aussitôt. Je n'ai pas pu. Aussi, l'année suivante je l'ai offerte à mes petites nièces, elles étaient très contentes. D'ailleurs tu m'avais dit : si un jour tu en as marre, tu la donneras à tes nièces! Je n'en avais pas marre, je ne voulais pas vivre avec des objets dont l'âme était si prégnante et pour moi déchirante.

Ma nouvelle crèche, 28 ans plus tard, n'a aucune âme, c'est une crèche vraiment païenne!

dimanche 20 décembre 2009

L'effacement comme acte créateur

Dector & Dupuy
Voleur 0,40 / litre de lait ou la grève, 2009 / Slogan provenant de la Z.I. de Kerhuel, Quimper / Peinture à la bombe décapée à l'acétone (150 x 600 cm) / photo Dieter Kik

C'est ce qu'on devrait lire si ce slogan n'avait été effacé par les artistes Michel Dector et Michel Dupuy.
Je rentre de ma virée du dimanche au Centre d'Art Contemporain, décontenancée. Je suis très hermétique à cet art et j'ai décidé d'aller voir tout ce que je n'ai pas envie de voir pour essayer de comprendre la démarche de certains artistes mais jusqu'à présent je reste estourbie après mes visites.
J'ai bien quelques renseignements sur l'expo pour m'éclairer, qui ne me convainquent guère.
Des panneaux avec des slogans pour le soutien des enfants scolarisés de parents sans papiers, une bouteille de bière brisée sur l'esplanade François Mitterrand, une ligne ondulée à la craie sur un mur, etc... je me suis attardée sur ce panneau au slogan effacé!

Ces deux artistes travaillent à partir de signes, objets ou mots glanés dans l'espace urbain.
Ainsi, pour eux, reproduire le graffiti original - Voleur 0,40 /le litre ou LA GREVE - n'aurait pas eu de sens. Explication :
"Le thème et les processus d'effacement ne tiennent pas une place isolée dans l'histoire de l'art. L'effacement y est souvent associé à une forme de violence symbolique.
En 1953, le jeune artiste Robert Rauschenberg demande à Willem de Kooning, figure éminente de l'expressionnisme abstrait, de lui offrir un dessin. Rauschenberg n'a qu'une intention : l'effacer! Cet "effacement" de l'artiste le plus important du moment, véritable geste oedipien, permettait au jeune artiste de faire table rase du passé et de se situer dans une filiation symbolique du maître."

Le dripping de Jackson Pollock, oui! L'effacement d'un de Kooning, faut oser. Mais l'effacement d'un slogan des producteurs de lait, me laisse dubitative! Mais je sais, je ne suis pas assez érudite sur ce sujet pour donner mon point de vue très sceptique. Je trouve la photo plus intéressante que le panneau de visu.

Michel Dector et Michel Dupuy seront à la FIAC 2010.
(Quimper est à l'avant-garde tout de même).

samedi 19 décembre 2009

La limpidité sans culpabiliser

Réveil sous la neige ce matin. Le clocher de l'église abrite quelques pigeons et tourterelles pétrifiés sur le bord des fenêtres au vitrail éclairé par le soleil levant. Pourquoi regardons-nous la neige avec nos yeux d'enfant? Toujours le même émerveillement.

Tandis que mon regard s'égare dans mes souvenirs, j'entends cette phrase qui me sort de ma rêverie : "Je ne refuse pas à mes adversaires d'aimer les mêmes choses que moi à certains moments". Jean Daniel, invité de Répliques, pour parler de Albert Camus.

J'affûte mon oreille distraite par le silence cotonneux de la neige sur ma terrasse, et j'écoute attentivement Jean Daniel qui poursuit :
"Dans l'étape que je traverse de la philosophie, de l'aide qu'elle me procure soit à penser, soit à vivre, je tire la conclusion que la fréquentation que j'aie de Camus m'aide à vivre : oui; m'aide à penser : oui; m'aide à ce jeu de réflexions savantes qui tournent sur elles-mêmes : non. Et finalement elles ne m'ont jamais vraiment intéressé. Le nombre de lectures savantes que je me suis imposé dans ma vie et qui ne m'ont servi à rien, me fait me retourner vers la limpidité sans culpabiliser et c'est important".

Belle conclusion de sagesse philosophique. Et si c'était le privilège de l'âge que de l'atteindre... et foin des lectures savantes? Non, je pense que les lectures savantes aident justement à cet aboutissement. Parvenir à élaguer, à écumer, pour ne garder que l'essentiel, limpide.

***

"Qui tirerait, s’il fallait se loger dans le crâne la balle qui rendrait immortel ?"
Eric Chevillard, L'autofictif.

Sûr, pas moi. En revanche, si j'étais certaine de ne pas me rater, parfois*, je n'hésiterais pas.
*(mais non, pas tout le temps, seulement au mois de décembre).

vendredi 18 décembre 2009

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Je regarde les "off" de Nicolas Domenach et là, j'éclate de rire. Eh oui, les hommes et les femmes politiques sont des hommes (et des femmes) comme les autres, z'ont des crottes dans le nez!
Entre rires et larmes, j'ai du mal à trouver le juste équilibre en ce moment.

***


Nuit de cauchemar : un tunnel, des marteaux piqueurs dans les oreilles, claustrophobie d'une IRM, isolement d'un scanner. Je n'ai pas fermé l'oeil.
Il a pris la route ce matin avec un fidèle ami, direction le Petscan; une heure de route si tout va bien. A cette heure, il doit être dans le tunnel.
Je pense à son ami qui doit attendre quelque part, seul, la fin de l'examen, à sa femme qui égrène les heures comme on égrène un chapelet en faisant chaque fois une prière, aussi inquiète de la neige, du verglas sur la route que des résultats du Petscan. Oui, on peut aussi avoir un accident, et jusqu'au bout on se raccroche à la vie.
Je vais aller voir la mer cet après-midi, le vent du nord est glacial, même emmitouflée je serai anesthésiée de froid mais la beauté de cet endroit me réchauffera. Mes pensées redeviendront positives.


mercredi 16 décembre 2009

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"L'homme riche c'est celui qui ne mange pas tout seul à sa table".
Proverbe africain.

mardi 15 décembre 2009

Simone de Beauvoir


Parler d'elle pour moi c'est comme entrer dans un lieu sacré, ce serait comme un sacrilège, comme de regarder un biopic de sa vie interprété par Anna Mouglalis. C'est grâce à Simone de Beauvoir que j'ai commencé à aimer la littérature, avec ses Mémoires d'une jeune fille rangée. Aujourd'hui je la lis encore, je la relis parfois. Ses Cahiers de jeunesse (1926-1930) édités en 2008 m'ont transportée. Là, je viens de recevoir son essai, La vieillesse; il est fort probable qu'il me sera plus difficile d'ingurgiter les 600 pages de ce livre publié en 1970. Sujet toujours aussi tabou en 2010!
"Les vieillards sont-ils des hommes? A voir la manière dont notre société les traite, il est permis d'en douter. Quand j'ai dit que j'y consacrerais un livre, on s'est le plus souvent exclamé : "Quelle idée! C'est triste! C'est morbide!""

J'ai dévoré ses Cahiers de jeunesse, j'ai mis du temps à lire Le deuxième sexe, La force de l'âge, je risque de ne pas sortir indemne de La vieillesse... mais je sors toujours enrichie de ces lectures. Entre-temps j'emprunterai à la bibliothèque quelque littérature légère! Faut que j'y arrive moi à la vieillesse, la tête haute, la démarche altière et le cerveau intact. Pour cela je sais ce qu'il me faut : de l'amour. Je vais peut-être relire en même temps, Chéri de Colette et Sexus de Henry Miller (rires) si je ne veux pas trop déprimer!

lundi 14 décembre 2009

La criée de Noël


Je hais les dimanches. Hier je me suis mêlée aux badauds pour essayer d'entendre les "crieurs" publics près de la cathédrale. J'ai une totale aversion pour tout ce qui me rappelle que nous sommes en décembre avec son lot d'attractions de Noël. Mais bon, soyons honnête, je fus aussi une enfant qui aima les lumières de la ville, le père Noël et, par-dessus tout, tenir la main de mon père lorsqu'il m'emmenait voir les vitrines animées de la rue de Siam les dimanches de décembre. Et hier, le soleil radieux m'a fait mettre le nez dehors mais ne m'a pas réchauffée; je me suis pelée de froid parmi les badauds et je n'ai pas eu le courage de tendre l'oreille pour tenter de comprendre les messages "postés" par quelques habitants; une vraie cacophonie. J'ai rapidement abandonné mon poste et je suis allée me réfugier dans les fauteuils clubs du bistro de la place avec un bon chocolat chaud, d'où je voyais la foule ratatinée.
Je comptais sur la presse ce matin pour m'en dire un peu plus sur les messages. Certains sont amusants et l'initiative est sympathique. Nonobstant cette remarque du journaliste : "quand huit crieurs parlent en même temps, à moins d'être professeur d'université, on ne peut pas les entendre". C'est bien ce que je disais (eh oui! je ne suis pas professeur d'université).

Pour les oreilles averties on pouvait donc entendre :
« Je t'attendrai près de la patinoire. J'aurai ma robe rouge » ; « Chérie, n'oublie pas la lessive, la farine, le beurre et à manger pour le chat. »
Des messages d'amour : « Chère voisine, je vous aime en secret depuis 20 ans. » « À l'homme de toujours, à ma boussole, à mon rêve. »
Ou touchant : « J'ai 9 ans, quand je serai grand, je veux être docteur pour aider les pauvres. »
Bidonnant : « Souvent, on emprunte mon mari, mais on me le rend tout le temps. PS : samedi dernier, quelqu'un l'a emprunté, si pour une fois vous pouviez le garder. »
Énigmatique : « Il faut s'échapper de la boucle. »
Tordu : « Ce qu'il y a de bien dans l'intelligence, c'est que quand on n'en a pas, on n'en a pas assez pour s'en rendre compte. »
Triste : « Ne me secouez pas, je suis plein de larmes. »
Politique : « Monsieur le maire, vive les écoles ! »
(Texte de Yann-Armel Huet)

Crieur public, un drôle de métier, comme "une demande liberté". Un souvenir me revient, c'était au Jardin du Luxembourg il y a fort longtemps (c'était dans mon autre vie), j'aimais écouter un jeune homme qui lisait, un jour des poèmes, une autre fois des extraits de textes littéraires à quelques promeneurs qui s'arrêtaient pour l'écouter pieusement. Un moment de bonheur.

dimanche 13 décembre 2009

201ème quoi?

Post? Billet? Ce n'est pas un blog, je dirai donc 201ème état d'âme. Pfff!
Et il faut qu'elle soit gaie mon âme ce matin, qu'elle clignote de mille feux comme ces lumières qui ont envahi la ville.
Il va me falloir un sacré delco, la batterie est à plat.

samedi 12 décembre 2009

Jean-Philippe Toussaint, clap dernière

Kyoto

Cette fois c'est bien fini, je viens de fermer le dernier livre de Jean-Philippe Toussaint, qu'il me restait à lire. Joie et tristesse mêlées, de l'avoir découvert et de n'avoir plus ce plaisir si exquis, celui de m'enfoncer dans mon canapé et de me plonger dans son écriture. De rire, de sourire, d'éclater de rire mais aussi de me laisser émouvoir, comme dans ce dernier chapitre, de Autoportrait (A l'étranger). Extrait :

RETOUR A KYOTO

Les larmes ne me sont pas venues, j'ai pourtant recherché la volupté des pleurs. J'étais accoudé à la rambarde du pont de Sanjo, la poitrine fragile et les doigts immobiles qui tremblaient légèrement (j'avais trop bu la veille), et je regardais la Kamo en contrebas dont les eaux coulaient en silence. (...)(...) De ce moment de mélancolie très pur je n'ai su que faire, je me demandais comment en conserver l'essence. J'avais conscience de sa nature exceptionnelle, du concours de circonstance unique qui en avait été à l'origine (c'était la veille exactement que j'étais revenu à Kyoto, après deux d'absence). Tournant la tête vers le carrefour de Sanjo, j'aperçus au loin les collines de Kyoto qui se dessinaient dans la brume et, rassemblant mon énergie, fermant les yeux pour mieux me concentrer, j'essayai de me laisser gagner par les larmes. Je savais que je n'arriverais sans doute pas à pleurer, mais, si aucune larme ne coulait de mes yeux, mon esprit pleurait. Je regardais les eaux de la Kamo couler en contrebas, j'étais debout sur le pont de Sanjo, le regard fixe, l'esprit en pleurs. Ma poitrine, lentement, se soulevait au rythme de ma respiration, j'étais envahi par une vague de mélancolie, chaude et sensuelle, que je n'essayais pas de contraindre, laissant couler devant moi dans la Kamo ces quelques larmes intemporelles.

Prix Médicis 2009

"Faites attention quand vous embrassez quelqu'un qui a faim, il (elle) pourrait vous manger la langue". Dany Laferrière.
Je viens de l'entendre parler de son livre, L'énigme du retour (Grasset), pour lequel il a obtenu le Prix Médicis 2009.
Dans ce livre, Dany Laferrière ne plaisante plus. Son père vient de mourir et après 33 ans d'exil à New York, il revient dans sa terre natale en Haïti.
L'Haïti de Laferrière ? "Un fleuve de douleurs dans lequel on se noie en riant." Ne l'ayant pas lu, je me réfère aux articles parus dans la presse :

"Dès le titre L'Enigme du retour, le ton est donné. Grave, poétique. Grave parce qu'il y est question de deuil. A l'annonce de la mort de son père demeuré en exil, Dany Laferrière, chargé de rapatrier le corps de cet homme qu'il n'a pas revu, regagne Haïti après trente-trois ans. De ces longues et bouleversantes retrouvailles avec les siens, mais aussi avec un pays qu'il peine à reconnaître et dont il se sent étranger, le romancier haïtien a bâti plus qu'un récit, un grand roman en prose traversé d'images, de sensations, de fulgurances, mais aussi de cri de rage et de colère. Un roman magistral que l'on placera au côté du Cahier d'un retour au pays natal, de Césaire, dont l'ombre plane sur toutes ces pages."
"Homme drôle, émouvant, attachant, au regard lucide, Dany (de son vrai nom Windsor Kléber) Laferrière est né à Port-au-Prince en 1953."
Le Monde.

"Dany Laferrière, c'est la pêche, l'art de raconter et des titres coups de poing : Comment faire l'amour avec un nègre sans se fatiguer, Cette grenade dans la main du jeune nègre est-elle une arme ou un fruit ? (Le Serpent à plumes), Je suis un écrivain japonais (Grasset)."
Le Point.

L'art de raconter, c'est une évidence; j'ai beaucoup aimé son humour dans cette interview d'Ali Baddou cette après-midi.

***

Je savais en écrivant ici que viendrait le moment où le JE allait devenir incontournable, où il ne serait plus que cela : moi, dans ce que je fus, dans ce que je suis, dans ce que j'ai vécu, dans ce que vis.

***

Il est des matins si éblouissants de lumière qu'ils crient dans la nuit de nos coeurs.

vendredi 11 décembre 2009

***

Je n'y arrive plus à lui faire croire ce à quoi il ne croit plus et pourtant, il y croit encore un peu, beaucoup, mais son - je sais que maintenant ce que je vivrai ce sera du bonus, j'ai déjà encaissé tout çà, je suis prêt, - m'a chamboulée. Failli pleurer au téléphone mais pas fait.
- Prêt à quoi?
- A espérer vivre le temps qu'il me sera accordé. Au jour le jour. J'ai demandé au toubib de faire en sorte que ce soit le plus longtemps possible et il m'a dit : on va essayer.
Je lui dis que bien sûr ils vont y arriver et qu'il ne doit pas se décourager mais en disant cela c'est moi que j'essayai de convaincre.
La galère va recommencer avec son cortège d'examens, petscan dans une semaine, avant Noël.
Je n'ai retenu que cet affreux "on va essayer". Mais bon Dieu, pourquoi ne pas lui avoir dit : c'est notre but, on va y parvenir, on va gagner... je sais pas moi? Un verbe positif, pas ce truc qui pue l'incertitude : essayer. Merde!

Schopenhauer fin

... d'une semaine en sa compagnie.
Sur le désir : "le désir amoureux c'est d'abord une illusion, qui est en soi une promesse de bonheur. Et au fond, éprouver le désir de l'autre, c'est déjà s'imaginer tenir l'autre dans ses bras, c'est déjà jouir d'une certaine manière, de ce que la possession réelle ne nous offrira pas, vraiment".
Christophe Salaün, professeur de philosophie, auteur de Philosopher avec Schopenhauer.

Evidemment, pour Schopenhauer le plaisir ne va pas sans la douleur. Je continue pourtant de penser, avec certitude, que parfois la jouissance réelle nous offre bien plus que ce que notre imaginaire avait suscité. Cette grâce nous est, il est vrai, rarement accordée.

jeudi 10 décembre 2009

***

J'ai croisé une très vieille femme cette après-midi sur les fairways. Le dos un peu voûté, elle tirait son chariot sans trop de peine. On lui avait donné l'autorisation de le garder (malgré l'interdiction en ce moment), vu son grand âge. Son swing était mesuré et sans amplitude mais je voyais sur son visage une joie de vivre l'instant présent. Je lui donnais au moins 80 ans. Elle ratait souvent sa balle et en remettait une autre aussitôt, avec la même application. Je lui fis un sourire quand on se croisa. Elle avait quelques trous d'avance sur moi et vint un moment où nos fairways furent parallèles. Sa balle arriva sur le mien par erreur. J'en profitai pour lui parler et lui dire mon admiration de la voir jouer à son âge, (même si ce fut malhabilement). C'était une anglaise j'aurai dû m'en douter, mais elle parlait français et j'appris qu'elle avait 87 ans! Elle me dit qu'elle perdait beaucoup de balles car elle ne voyait plus très bien. Je lui proposai alors de finir le parcours avec elle, pour regarder sa balle. Elle fut ravie, et moi aussi. Je rêvai un instant qu'à mon tour, je pourrai toujours jouer quand j'aurai son âge et y prendre plaisir.
Les 9 premiers trous terminés, elle s'arrêta, un peu fatiguée mais l'air heureux. Elle me salua par un joyeux : have a good time! J'ai fait les 9 derniers seule, je ne sentais plus le poids de mon sac sur l'épaule, çà m'avait ravigoté de voir cette lady porter ses 87 ans avec tant de bonheur.

J'avais soudain oublié que je ne voulais pas vieillir. Grâce à elle, je n'avais plus envie de mourir jeune.

Obama, Prix Nobel de la Paix

Oslo le 10 décembre 2009, remise du Prix Nobel de la Paix à Barack Obama

September 30, 2009 (Official White House photo
by Samantha Appleton)


Barack Obama a reçu ce midi, à l'Hôtel de ville d'Oslo, son prix Nobel de la Paix.
L’attribution de ce prix ayant été très controversée, ces détracteurs estimant que la remise de ce titre était prématurée (moins de 9 mois après l’élection du président), Barack Obama a accepté son prix Nobel de la Paix avec « une profonde gratitude et une grande humilité ». « Je ne doute pas qu’il y a d’autres candidats qui étaient plus méritants » a-t-il déclaré lors d’un point presse. Le Président américain était le premier, conscient du ridicule de la situation. Il a d'emblée évoqué Martin Luther King et Nelson Mandela, avouant qu'à côté d'eux « (ses) actions sont bien minces ». C'est un fait : Obama n'a encore rien fait de concret pour la paix dans le monde.

Le prix Nobel de la paix ayant été fondé par Alfred Nobel l'inventeur de la dynamite, peut-être n'y a-t-il pas lieu de s'étonner. (Le Monde).

Où est la liesse de son élection?
Hum, je crois qu'il va lui falloir se remettre de ce prix très pesant, sur les greens (précédent billet ici ), en attendant, entraînement dans le hall de la Maison Blanche et démonstration de putting à Arnold Palmer, une légende du golf!

mercredi 9 décembre 2009

***

La rivière de l'Odet coule devant mes fenêtres


Bénodet ne sait pas celle-là qu'il préfère
La mer aux mille écueils ou sa tendre rivière
L'Odet plus douce encore que ne sonne son nom
Mais le temps passe il faudra bien que tu t'en ailles
Laissant Quimper et le Comté de Cornouaille

Vers de Guillaume Apollinaire, écrits en août 1917 après un séjour du poète à Bénodet

Je viens de recevoir un mail d'un jeune ami-lecteur qui m'a émue.
Peut-être vais-je attendre encore quelques jours? quelques semaines? pour baisser le rideau.
La trêve des confiseurs approche et je vais sans doute avoir besoin de me réfugier un peu plus ici (ou là) pour occulter cette période qui, chaque année, me fait si peur.

Entre solitude et vulgarité

Et toujours Schopenhauer qui ce matin vient troubler mes pensées, pleines d'incertitudes :

"Celui qui a pour lui sa chaleur intérieure, il préfère éviter la société et les désagréments qu'il pourrait lui causer ou recevoir d'elle. La conséquence de tout cela est que la sociabilité de chacun est inversement proportionnelle à sa valeur, et dire de quelqu'un qu'il est sauvage signifie déjà, presque : c'est un homme de qualité. On n'a donc d'autre choix dans ce monde qu'entre la solitude et la vulgarité".

Oui, mes incertitudes, mon questionnement : ne suis-je donc pas ici - même si pratiquement lue que par trois ou quatre personnes - en train de me livrer à un exercice vulgaire? Je vais donc faire le choix qui est le mien, depuis tant d'années, celui de la solitude et n'écrire vraiment que pour moi. Demain, je baisse complètement le rideau.

"Il faut distinguer la ténacité de l'obstination : savoir insister et persévérer au bon moment, savoir aussi se retirer et renoncer quand il le faut."
Je ne sais plus qui a dit cela mais çà me va très bien.

mardi 8 décembre 2009

De l'importance de l'ennui

L'ennui fait bien partie des grandes questions philosophiques. Mais pour moi l'ennui est vital et je fuis les hyperactifs qui ne savent pas s'ennuyer. L'ennui permet l'introspection.
Dans l’ennui nous sommes abandonnés à nous-mêmes et dépossédés de nos tâches habituelles. Mais cette dépossession n’est-elle pas aussi libération ? Un moment où nous comprenons qui nous sommes, nous qui pouvons décider à tout instant de ce que nous faisons…
Mais peut-être que je mélange mélancolie (le spleen baudelairien) et ennui qui souvent ne vont pas l'un sans l'autre.

Pour le pessimiste Schopenhauer, "l'ennui est l'expérience fondamentale qu'il faut prendre en compte pour comprendre notre condition et ce que nous vivons". Il dit aussi : qu'il y a pire que l'ennui, c'est la tentation d'en sortir; c'est-à-dire les divertissements dont les hommes font preuves. Le remède n'est-il pas pire que le mal lui-même?
"Travail, tourment, peine, misère, tel est sans doute durant la vie entière le lot de presque tous les hommes. Mais si tous les voeux à peine formés étaient aussitôt exaucés, avec quoi remplirait-on la vie humaine? A quoi emploierait-on le temps?
Placez cette race dans un pays de cocagne, où les alouettes voleraient toutes rôties à portée de bouche (...), où chacun trouverait aussitôt sa bien-aimée et l'obtiendrait sans difficultés, alors on verrait les hommes mourir d'ennui ou se pendre, d'autres se quereller, s'égorger, s'assassiner et se causer plus de souffrances que la nature ne leur en impose maintenant; ainsi pour une telle race nul autre théâtre, nulle autre existence ne sauraient convenir."

Si les hommes acceptaient de s'ennuyer, y aurai-il moins de guerres?

Ce mortel ennui comme dit Gainsbourg:


Plaisir de l'ennui...
(Billet inspiré par Schopenhauer, le pessimisme. NCC de ce jour).

lundi 7 décembre 2009

Jubilation

Hier soir, en commençant les premières nouvelles de Autoportrait (A l'étranger) de mon chouchou, je cherchais le verbe qui correspondait à mon état dès les premières lignes. Et j'ai trouvé! Je jubilais!
Oui, c'est tout à fait cela : Jean-Philippe Toussaint est jubilatoire.
Hop, hop, j'arrête là (faut pas pousser, tout de même;o))

En fait c'est bien de cela qu'il s'agit. La littérature doit me faire jubiler, qu'elle soit de détente ou de réflexion, et c'est ce que je ressens avec mes écrivains fétiches.

Ce soir je suis lessivée.
Passé la matinée dans une usine de radiologie qui ne désemplissait pas! Salle d'attente bourrée. En sortant, déluge, je n'avais pas d'autre porte de sortie que de rentrer dans la première brasserie pour déjeuner à l'abri! Là aussi c'était plein, pas une table de libre. Allez, au bar comme dans le bon vieux temps où je bossais à Paris! Et de m'assoir sur l'unique tabouret, près d'un type qui était aussi dans la salle d'attente du cabinet de radiologie!
- Quel temps! me dit-il.
Je regarde ce qu'il a dans son assiette : une choucroute. Je prends la même chose avec un verre de Gewurtz. Après moi le déluge (déjà qu'il a eu lieu...).
Nous conversons théâtre. Bien bien.
Café. Faut que je rentre à pieds, petite accalmie.
Au revoir et bonne santé. Mais non, je n'ai pas dit çà. (Il n'était pas mal du tout cet homme, j'aurai dû faire un effort).
Flûte, il reflotte. Tant pis, j'y vais, sans parapluie; de toute façon avec le vent il serait inutile.
Je rentre trempée.
Que faire une après-midi de pluie? Prendre un bain! Jouissif.
Quelle dure journée.
Ce soir je suis lessivée.

***

Cette fois c'est contre moi que j'enrage. Je suis archi-nulle en informatique, et Internet m'a eue!
Tsss! Je n'ai plus qu'à espérer l'intégrité d'un inconnu et... j'y crois, naïve que je suis.
Tiens, je vais me faire un thé blanc (pour me soûler).

dimanche 6 décembre 2009

Monsieur

Un mot "(tout de même)" sur Monsieur de Jean-Philippe Toussaint que je viens de terminer.
Même humour que dans tout ce que j'ai lu de cet écrivain. Celui-ci fut écrit après La salle de bains, Toussaint avait 29 ans. C'est drôle, délicieux, et toujours ses petites expressions entre parenthèses qui jalonnent ses livres avec cet humour si particulier.

C'est l'histoire d'un homme sans nom et sans qualités, qui ne fait qu'être, tous désirs éteints, toute agitation abolie. Quelques signes distinctifs : vingt-neuf ans, directeur commercial chez Fiat-France.
Monsieur, la plupart du temps, est toujours “ en train d'être assis sur une chaise ”. “ Il ne demandait pas davantage à la vie, Monsieur, une chaise ”. Dans les moments les plus intenses, comble de l'excitation, il monte sa chaise sur son toit, “ s'éloignant de tout ”, et va voir le ciel, sans toutefois le scruter trop fort, de peur, sans doute, d'offusquer l'ordre des constellations.
"(les gens tout de même)".
Le narrateur (il s'appelle au sens transitif – “ Monsieur ”, et parle de lui à la troisième personne, mais nous savons bien qui il est) se trouve confronté à la plus invraisemblable théorie de fâcheux et d'emmerdeurs que l'on puisse trouver dans les beaux arrondissements de Paris. Tout semble absurde dans la vie de Monsieur. Je pense à Beckett.

Ici il dîne au restaurant avec Anna Bruckhardt rencontrée un mois plus tôt. Soudain toute la salle est plongée dans le noir et dehors c'est la nuit, plus une lumière aux fenêtres, les réverbères se sont éteints :
"On prend quand même un dessert? dit-il, ou je demande l'addition. Au moment où on leur porta l'addition, Monsieur demanda à Anna B. si elle désirait qu'il l'invite ou si elle préférait partager. Anna B. n'avait pas de préférence. Après quelques instants de réflexions, Monsieur lui confia qu'il n'avait aucune idée de ce qu'il convenait de faire dans ces cas-là. Anna B., le rassurant, lui dit qu'il n'y avait pas de règle en la matière.
Parfait. Dans ce cas-là, c'était devenu tout à fait insoluble. Qu'est-ce qu'on fait, alors? dit Monsieur et, baissant la tête, il se plongea dans la contemplation de ses doigts dans l'obscurité. Anna B., qui commençait à sourire de sa perplexité, lui répéta que c'était vraiment comme il voulait. Finalement, proposant de couper la poire en deux, Monsieur, ne s'en sortant pas, suggéra de diviser l'addition en quatre et de payer lui-même les trois parts (c'est le plus simple, dit-il, d'une assez grande élégance mathématique en tout cas)."

J'ai cru longtemps que je ne pouvais plus lire de romans mais avec Toussaint, j'en redemande.

"À vingt-neuf ans, l’âge de ses héros, Toussaint est déjà entré dans le clan des accoucheurs de monstres littéraires, du Jouhandeau des Pincengrain au Camus de La Chute, qui soumettent tout à l'intellect."
Michèle Bernstein (Libération, 4 septembre 1986)

Je rugis, j'enrage, il ne me reste plus qu'un livre à lire et j'aurai épuisé son oeuvre. Je suis déjà en manque.

samedi 5 décembre 2009

***

- Comment fais-tu pour supporter ta solitude? me dit-elle.
- Mais je la chéris! C'est moi qui suis insupportable. Seul un fou voudrait vivre avec moi.
(et je n'aime que les fous mais ils sont invivables).

Deadline au MAM

"Cette exposition Deadline au nom à tendance morbide rassemble douze artistes pour une centaine d’œuvres. Chaque artiste est décédé dans les vingt dernières années, d’une mort qu’il savait proche (maladie, sida, vieillesse…)."
Dans le reportage que j'ai vu à la télévision on voyait Hans Hartung sur un fauteuil roulant tenant un pinceau au long manche pour atteindre la toile; il avait quelques assistants pour l'aider dans son travail.
Il m'a semblé en voyant ce reportage que cette fin de l'artiste était complaisante et embellie. Personne n'est dans la tête de l'artiste pour prétendre savoir ce qu'il pense à ce moment-là.

Je me souviens de ton retour à l'atelier après ta énième hospitalisation et ton acharnement pour tenter de maîtriser tes pinceaux et brosses. Tu abordais la toile vierge avec un léger sourire puis tu te révoltais de ne plus pouvoir peindre comme avant. J'étais déchirée. Ta dernière toile représente la tempête qu'il y avait dans ton cerveau dévoré... C'est mon Nicolas de Staël à moi. Celui-ci n'a pas achevé son Concert et toi tu as signé d'une main tremblante (on dirait des lettres faites à l'encre sur un papier buvard) cette Tempête, bien qu'inachevée. Je l'aime beaucoup.

J'aime bien la critique des Inrocks, sans concession, sur cette exposition.

vendredi 4 décembre 2009

***

Elle est arrivée avec un bouquet de fleurs si énorme que je n'ai pas vu tout de suite son visage. Il était pâle, elle avait pleuré. A cet instant j'aurais voulu que ce bouquet fut pour elle mais elle me l'offrait :
- pour ton anniversaire
et timidement, elle sort de son sac un petit paquet :
- pour ton Noël. Je ne t'ai pas acheté de livre parce que j'avais peur de me tromper; tu as des goûts tellement spéciaux (sic).
J'ai pensé : tu as bien fait mais je n'ai rien dit.
Je l'embrasse, j'ouvre la paquet, un coffret de 3 CD, très bon choix, la remercie, je n'allais pas lui dire : c'est trop, et ce n'est pas encore Noël. Non, j'acceptais sa générosité, ce désir de me faire plaisir et surtout je comprenais une fois de plus que cela signifiait : aime-moi. Elle savait pourtant que je l'aimais cette petite femme fragile et tourmentée et que ses yeux qui avaient pleuré m'attristaient.
Les gens ont la rage de vous donner ce dont ils ont le plus besoin. C’est ce que j’appellerai l’insondable abîme de la générosité.
Oscar Wilde. Portrait de Dorian Gray

La soirée allait bien se passer : apéritif de fête, champagne, toasts de saumon fumé sur pain de campagne. Ses yeux démaquillés retrouvaient la petite lumière qui s'était éteinte. J'ai osé lui demander pourquoi elle avait pleuré, je savais qu'il fallait qu'elle se libère de ce poids au moins le temps de notre soirée. Elle a parlé parlé parlé, vidé son sac pendant que nous dînions : raclette! Je savais qu'elle adorait çà. Pendant que nous mettions nos coupelles sur l'appareil elle me dit :
- çà sera sûrement moins bon que celle que tu me faisais dans ta maison quand nous faisions fondre le fromage dans ta cheminée! C'était si agréable.
- mais si tu vas voir; j'ai acheté du fromage fumé;o). Çà sera aussi bon! Et une raclette au champagne (çà vaut bien une raclette à la campagne), tu avoueras que c'est encore meilleur qu'avec un vin de Savoie!
Bien sûr, dîner près de la cheminée avait une saveur incomparable (petit instant de nostalgie pour moi) mais elle a pris plaisir à cette raclette sur mon mini appareil pour deux, Toi et Moi!
(Je rêvais fugacement que ce Toi fut un homme).

Bach par Glenn Gould nous a accompagné, elle m'a fait un très beau cadeau. Le mien le fut aussi j'en suis sûre.

C'était hier soir. Ce matin je regarde son bouquet, il est vraiment superbe.

jeudi 3 décembre 2009

Marcel Proust...

... mon illustre inconnu.
Comment n'ai-je pas eu l'envie de lire Proust plus tôt? Quand j'écoute ce passage de A la recherche... extrait de La prisonnière, je me dis que je suis enfin prête pour cette littérature.

Ecrivain reconnu, admiré du narrateur, Bergotte incarne le romancier-type de La recherche :

"... Même plus tard, quand je commençais de composer un livre, certaines phrases dont la qualité ne suffit pas pour décider à le continuer, j'en retrouvais l'équivalent dans Bergotte. Mais ce n'était qu'alors, quand je les lisais dans son oeuvre, que je pouvais en jouir; quand c'était moi qui les composais, préoccupé qu'elles reflétassent exactement ce que j'apercevais dans ma pensée, craignant de ne pas faire ressemblant, j'avais bien le temps de me demander si ce que j'écrivais était agréable. Mais en réalité il n'y avait que ce genre de phrases, ce genre d'idée que j'aimais vraiment; mes efforts inquiets et mécontents étaient eux-mêmes une marque d'amour, d'amour sans plaisir, et profond. Aussi quand tout à coup je trouvais de telles phrases dans l'oeuvre d'un autre, c'est-à-dire sans plus avoir de scrupule, de célérité, sans avoir à me tourmenter, je me laissais enfin aller avec délice au goût que j'avais pour elles, comme un cuisinier qui, pour une fois n'a pas à faire la cuisine, trouve enfin le temps d'être gourmand."*

Je me demande en fait, s'il ne faut pas avoir beaucoup lu, avoir un esprit critique aiguisé, pour apprécier toute la beauté de cette littérature et en savourer le suc.

*N'ayant pas le texte sous les yeux, la ponctuation est sans doute un peu égratignée.

mercredi 2 décembre 2009

Un orage dans le cerveau



Des personnages célèbres et migraineux, ont témoigné, par leurs œuvres, qu’il est possible de conjuguer activité créatrice et migraine. A défaut d’être un soulagement cela peut toujours être un encouragement de se le dire.

"La migraine qui broie la tête rend fou, égare les idées et disperse la mémoire ainsi qu'une poussière au vent, la migraine m'avait saisi. Pendant dix heures, j'ai enduré le supplice contre lequel il n'y a pas de remède". Guy de Maupassant décrit tous les affres d'une de ses crises de migraine. Blaise Pascal, Voltaire, Alfred de Vigny, Frédéric Chopin, George Sand, Guy de Maupassant, Freud, André Gide, Victor Hugo ont été des migraineux...

On pense parfois que seules femmes sont sujettes à ce supplice mais les hommes aussi, et en particulier les créateurs, subissent les affres de cette maladie. Combien de dîners ai-je dû annuler, combien de voyages gâchés par ces crises? Déclenchée à 3 heures ce matin, je sors à peine de ma léthargie; je ne me plains pas, parfois çà dure trois jours...
Je lis : "La migraine au masculin.
Oui, et il n'y a pas de honte à le dire, la migraine est aussi une maladie de mecs. Pire encore, certaines formes de mal de tête, plus fréquentes chez les hommes, surviennent lors de l'acte sexuel."
Intéressant! Curieusement, çà me soigne...

mardi 1 décembre 2009

Philip Roth 2.

J'ai terminé Un homme. En lisant la 4ème de couverture je m'étais dit que çà allait être douloureux de le lire : la vieillesse, la mort ces "expériences qui nous sont communes et nous terrifient tous". Mais non, je n'ai rien lu de terrifiant, mais un roman puissant, d'une lucidité qui n'a rien à envier à la mienne sur notre devenir.
Je n'ai rien pu souligner dans ce livre emprunté à la bibliothèque!
Il me reste en mémoire que malgré son âge, malgré ses maux, malgré ses angoisses, le désir est toujours là. Et qu'importe de ne plus pouvoir assouvir ce désir, l'essentiel n'est-il pas qu'il existe?
Je voulais lire Exit, le fantôme dont je parle ici mais Un homme le précède et j'ai bien fait de commencer par celui-ci.

Je suis impatiente, le mot est faible, de retrouver Jean-Philippe Toussaint, j'ai aussi La dévoration de Richard Millet sous le coude. L'hiver s'annonce exquis.
...
...
Cà y est, les chariots sont interdits. Trop de pluies ces derniers jours, les fairways sont boueux. Quelques courageux (fous? en manque de leur drogue) - comme moi cette après-midi, solitaire, sac sur l'épaule, sous le crachin - continuent de taper dans la balle. Mon genou et ma hanche s'en souviennent encore à cette heure. C'est un défi au temps (pluvieux) et au temps (qui passe).

***

Il reprend peu à peu, lentement, frugalement, l'écriture. Cette belle écriture qui continue d'emballer mon coeur, même si ses mots ne sont plus pour moi. Il me laisse ce bonheur-là, de le lire, avec Un certain sourire.