samedi 31 octobre 2009

***

Au moment d'allumer la lumière hier soir dans ma chambre, près de mon lit, je pousse un cri : un petit scarabée doré sur le fil de ma lampe. Je me dépêche de trouver un vieux chiffon et délicatement, pour ne pas qu'il s'échappe, je l'attrape. N'ayant pas envie d'ouvrir la fenêtre pour secouer le chiffon et le libérer, afin d'éviter l'intrusion d'autre bestiole, sadique, je plie le chiffon et j'écrase le joli scarabée sous mon pied. J'entends le craquement, je n'ose pas ouvrir le chiffon, je le pose près de ma fenêtre dans le salon : je le secouerai demain...
Ce matin, j'avais un peu oublié le scarabée, je vois le chiffon en boule près de la fenêtre. Je le laisse, je prends mon petit déj. en écoutant la revue de presse de France Inter. Puis, je prends le chiffon, je vais sur ma terrasse et je le secoue sans oser regarder le cadavre écrasé. Oh mon Dieu, la petite bête n'est pas morte, la carapace est intacte, elle a survécu à son enfermement de la nuit, elle est sur le dos, ses petites pattes bougent, elle tente de se remettre sur pieds! Bon, débrouille-toi joli scarabée... je suis vraiment sadique.
Je vais, je viens, je vaque et ne peux m'empêcher d'aller voir s'il a réussi à se retourner. Que nenni! il est toujours à se débattre les patounes en l'air et là je me dis : il faut que je l'aide! Je le retourne à l'aide d'une feuille morte et je le dépose sur le mur de mes voisins qui ont un joli jardin.

Après avoir cru l'écrabouiller, je l'ai sauvé. Je ne suis pas trop sadique;-)

Tout de même, je me demande ce qui a craqué sous mon pied...

vendredi 30 octobre 2009

Et la Tendresse Bordel!


Chez mon nouveau libraire cette semaine :
- Pourriez-vous me commander le dernier Bordel?
- Pardon?
- Oui, le dernier Bordel, il est sorti le 8 octobre!
- Jamais entendu parler.
(Il me regarde et croit que je blague).
- Un instant je regarde sur l'ordinateur. Le nom de l'auteur s'il vous plaît?
- Euh, il y en a plusieurs : Fanny Salmeron! Et l'éditeur c'est Stéphane Million.
- Ah, je l'ai : Imposteur.
- Non, celui-là je l'ai, le nouveau c'est Rat quelque chose...
- The RAT PACK?
- Oui c'est çà.
- Il est disponible, je l'aurai jeudi.
Ouf! je vais pouvoir lire ma petite Fanny... ma petite folie... mon p'tit brin de fantaisie...

Ce soir, j'ai découvert une autre librairie magique : Le Piano Livre. Quand le libraire n'est pas occupé avec un client, il joue du jazz sur son piano tandis que vous parcourez les rayons remplis de vieux livres. Délicieux. Sur les quais de la Seine il y a les bouquinistes, j'ai découvert le mien, pianiste, sur les quais de l'Odet. Magique. Mon acquisition : Tendresses et Solitudes de Sully Prudhomme. Il n'y a pas de date de l'imprimeur (Lemerre). Un coup d'oeil sur Internet. Je découvre que j'ai fait une affaire (8 euros)! Il est à vendre :

PRUDHOMME SULLY TENDRESSE ET SOLITUDES
LIBRAIRIE A. LEMERRE. non daté. In-18In-18 Carré. Broché. Etat d'usage. Couv. convenable. Dos satisfaisant. Non coupé. 117 pages. Bandeaux et culs-de-lampe en noir et blanc. Couverture contre-pliée. Légèrement débroché.
Petite-Collection Rose.
€ (euro) 49.50 [Appr.: US$ 74.4 £UK 45.75 JP¥ 6830]
-- Le-livre.com. Book number: RO30060813


C'est exactement le mien. Il doit dater de 1865 ou 1869. Il contient son poème le plus célèbre : Le vase brisé. Mais je découvre celui-ci :

Je t'aime...

Je t'aime. Il est des jours. Il est des jours sacrés
Où l'âme sent tout bas renaître
La mémoire des morts qu'on a trop peu pleurés
Et qu'on fit trop pleurer peut-être.
Allons sur les tombeaux de nos parents perdus
Réparer cet ancien outrage.
On ne donne aux vieillards les pleurs qui leur sont dus
Que le jour où l'on a leur âge.

Un hommage à mes chers disparus en ce week-end de Toussaint.

J'aime les vieux livres, reliés avec un fil de soie et les pages qu'il nous faut ouvrir, soigneusement, avec un coupe papier. Mes goûts sont éclectiques... comme la tendresse, bordel!

jeudi 29 octobre 2009

Oh les beaux jours

Oh les beaux jours, Samuel Beckett

Salle d'attente, première visite, je la découvre. Buffet style 1920 mais sans style avec des petits rideaux merdiques sur les portes. Chaises style renaissance espagnole mais sans style, genre l'affaire du siècle dénichée dans un vide grenier. Des revues sur une table basse, plateau en céramique, pied en fer forgé! Au mur quelques recommandations concernant la santé de... nos pieds et trois reproductions sous verre de fleurs dans des vases, impression de respirer une eau croupie, ça sent le renfermé. A l'angle de la pièce un grand bouquet de fleurs artificielles. Au plafond, une ampoule protégée par une cloche en papier plié comme un éventail. Le mauvais goût dans toute sa splendeur. Un bon point : la fenêtre est ouverte!

J'évite en général de lire les magazines des salles d'attente, je n'ai pas attendu la phobie de la grippe A pour craindre les microbes chez les toubibs. Je prévois de la lecture, et je lis :

""Rien n'est plus difficile à supporter qu'une suite de beaux jours" . En citant cette phrase de Goethe, Freud rappelle à quel point le bonheur est utopique. Du bonheur, si tant est qu'il existe, on dira donc qu'il est imprévu, discontinu et surtout évanescent. Or qu'est-ce qu'une suite de beaux jours, sinon la négation de la surprise, du contraste, de la fuite qui donnent son sens au bonheur? La répétition climatique engendre la désespérance : elle amenuise chaque jour les chances de surgissement de l'imprévisible. Et c'est finalement l'agonie quotidienne du désir, la disparition progressive du manque qui, paradoxalement, rend la poursuite de la vie insupportable". (Nicolas Tenaillon, Philosophie Magazine).

Ah mais, qu'en termes clairs ces choses-là sont dites! C'est pourquoi j'aime tant le climat breton, le temps ici est si imprévu que c'est tout à fait çà : quand il se met à faire beau cinq jours de suite, le spleen m'envahit. Bon, cinq jours de suite de pluie, çà ne me rend pas plus joyeuse. Il me faut du contraste, de la surprise, du soleil qui joue à cache cache avec les nuages, un arc en ciel dans de l'anthracite. Comme pour un homme : j'ai besoin d'étonnement, d'émerveillement perpétuel.

... Cà bouge dans la pièce à côté, çà va être mon tour... Je ferme le magazine, je range mes lunettes. Vivement demain... qu'il pleuve!

Eté breton

29 octobre. Je me pince. Aïe, çà fait mal! Je ne rêve donc pas.
Je déjeune sur ma terrasse, en plein soleil.
Il fait chaud, je me laisse envelopper par cette température inattendue. Trop jouissif.
Été pourri. Septembre estival, octobre été breton! Mais oui, pourquoi indien?
Y a-t-il des mouettes en Inde?

Psychanalyse toujours dans les NCC ce matin.
Pour clore l'émission un extrait du Köln Concert de Keith Jarrett et cette réflexion de Raphaël Enthoven concernant le musicien :
"C'est quelqu'un qui est à la fois en état de posséder tout en étant en état de contrôler ce qu'il fait".

mercredi 28 octobre 2009

Les mains




La leçon de Piano
Holly Hunter et Harvey Keitel

Après une recherche d'images infructueuse de belles mains d'homme, celles-ci sur le clavier, abîmées, d'une femme d'un âge certain! Les mains. Les billets pullulent dans les blogs sur ce sujet. Des plus poétiques au plus insignifiants (comme icelui;-)). Je voulais m'attacher à ne parler que des mains d'homme, celles qui peuvent me séduire ou me faire fuir.

Je les aime larges, musclées, les doigts assez courts, comme leurs ongles (je pense à celles de Harvey Keitel dans La leçon de piano, magnifiques, sensuelles, en accord avec son visage). Les paumes doivent être douces, en contraste avec leur virilité, la poignée de main ferme, sans broyer la mienne! Je sais alors que ces mains-là pourraient me caresser voluptueusement, croiser leurs doigts dans les miens. Celles qui me répugnent sont molles, étroites, petites (j'ai en tête celles de Michel Drucker, de Michel Houellebecq - mais j'aime ses livres tandis que je n'aime rien de l'autre) ou longues. Pire encore les ongles longs ou crasseux.

Bref, je n'ai pas trouvé de belles mains d'homme à mettre en image qui me satisfaisaient. Alors je m'en tiens à cette photo tirée de La leçon de piano, qui allie la beauté des mains à celle des corps.

"Lorsque la main d'un homme effleure la main d'une femme, tous deux touchent à l'éternité".
Khalil Gibran

***

"À la faveur de la nuit, je me suis glissé chez ma voisine et j’ai fait un ourlet à sa minijupe."
Eric Chevillard dans L'autofictif ce matin.

Qu'écrire après avoir lu ce petit bijou?

Bof, je vais retourner me coucher et attendre mon voisin;-)

mardi 27 octobre 2009

A chacun ses rêves

Photo, Vincent Josse, chez Laurent Terzieff

Elle me dit : un jour j'irai à l'Ile Maurice!
Moi : un jour j'irai voir Laurent Terzieff au théâtre, ou chez lui.

lundi 26 octobre 2009

***

Je crois y être parvenue, à vivre mes journées sans ses pensées. Et tout bascule en une seconde :
une enveloppe mauve, là, sur ma commode. Je la regarde, je la prends, je la respire. Ne pas l'ouvrir, ne pas lire la lettre qui a tout déclenché : cette vague d'amour qui m'a engloutie.
Je regarde cette enveloppe, à l'intérieur il y a un trésor.
Je ne l'ouvre pas. Pas ce soir. D'ailleurs je ne verrais pas clair à travers mes yeux embués. Et puis, je la sais presque par coeur cette lettre qui m'a chavirée... et ces premiers mots :
Vous me troublez...

Jean-Philippe Toussaint, une découverte

Levée tôt, heure d'hiver pas encore au rythme.
Une de plus... pour faire du ménage, pfff! rendu plus spirituel en écoutant Les nouveaux chemins..., Freud.
Je lis le JDD Paris : Jazz, Un monstre sacré est à Paris, Sonny Rollins à l'Olympia pour un concert unique. Que ne suis-je à Paris! J'aurai bien déboursé 100 euros pour aller l'écouter.

Douce journée d'automne, cette après-midi quelques heures de marche et de swing dans une nature un peu trafiquée. Le seul endroit qui me fasse tout oublier, sauf lui mon coach disparu, mon doux mais ferme caddy. Il ne voulait pas s'y mettre à ce sport de snobs; m'accompagner lui suffisait pour faire ses relations publiques et dénicher des amateurs d'art qui, parfois, devenaient des clients!

Fin d'après-midi : détente, lecture. Terminé Fuir de Jean-Philippe Toussaint. Je me sens fébrile quand je découvre un écrivain qui me transporte. J'aime sa façon de dévoiler l'intime en allant très loin mais en restant pudique. Une écriture sans équivalence, je vais être impatiente de lire La vérité sur Marie.

Chen Tong est son éditeur chinois (l'histoire de Fuir se passe en Chine), extrait d'une conversation :

C.T. : Est-ce que tu sais que, avec Camus, Sartre, Beckett, Robbe-Grillet et Duras, tu es l'un des rares écrivains de langue française dont toutes les oeuvres sont traduites en chinois? La réception de tes livres en Chine n'est pas la même qu'au Japon. En Chine, la plupart de tes lecteurs sont des artiste, des amateurs de littérature ou d'art contemporains. Que penses-tu de cette différence?
J.P.T. : Au Japon, mes livres ont connu d'emblée un énorme succès public, plus de 100 000 exemplaires vendus pour La Salle de bain, il n'y a que l'Amant de Duras qui ait connu un tel succès. En Chine c'est un public différent, plus restreint, plus attiré par l'avant-garde...

C.T. : Est-ce que la matière que tu utilises dans tes livres est autobiographique?
J.P.T. : Oui. De façon un peu provocatrice, on pourrait dire que tout est autobiographique dans Fuir, tout - la scène d'amour dans le train, la fuite en moto dans Pékin, et la fin, les larmes de Marie dans la mer -, mais pas nécessairement dans l'ordre même des événements réels, et pas uniquement dans le registre de la vie, mais aussi, et tout autant, dans le registre du rêve, de la poésie et de la littérature. Tout ce qui est écrit, je l'ai vécu.

Elizabeth Badinter

Empreintes, le 23/10/09."

"J'ai une passion pour les bibliothèques, de la plus moche à la plus belle.
J'ai éprouvé un véritable coup de foudre en découvrant la bibliothèque de la Sorbonne qui est une merveille. C'était un soir, la fenêtre de la bibliothèque était ouverte et je me souviens très bien avoir découvert Les Méditations de Descartes et, très franchement, c'était un plaisir que je ne pouvais même pas imaginer. L'atmosphère est telle, (silence), elle favorise tellement l'attention que, on est vraiment à même de réfléchir, de travailler, de découvrir."
...
"Dans mes recherches sur le XVIIIème ce que j'aime par dessus tout ce sont les Correspondances".
...
"Penser que l'accouchement sans douleur a été condamné avec férocité par le pape Pie XII... me révolte."
...
"Je souhaite que l'on enseigne à toutes les petites françaises, de toute origine, qu'elles ont le droit de ne pas être vierges, que leur corps est à elle, qu'il n'appartient ni au père, ni au mari, ni à personne, et c'est cet enseignement de la maîtrise de soi, de la liberté, qui est exactement la caractéristique d'une démocratie avancée".
...
"Est-ce qu'on convainc jamais personne?
J'ai perdu beaucoup de combats.
Je suis condamnée à tout perdre (dit-elle dans un doux sourire)".
...
"Le puits de mon ignorance est sans fond".


Qui pourrait s'imaginer que sous cette apparente sagesse se dissimule un tempérament de provocatrice, un caractère passionné? Cette femme me fascine par la force de ses convictions, l'incandescence de sa passion; je suis en totale symbiose avec ce qu'elle dit. Tout en elle est noble et délicat. Il faut voir son visage s'illuminer quand ses recherches aboutissent.
C'est la femme qui déculpabilise les femmes qui ne veulent pas avoir d'enfants :
"Elles ne doivent pas culpabiliser, bien au contraire. Elles sont en fait plus responsables que la plupart des mères qui ne se posent parfois pas la question de savoir si elles veulent vraiment un enfant ou simplement être enceinte. C'est une forme de maturité extrême de renoncer à devenir mère quand on ne le désire pas. Il faut leur ficher la paix, ne pas les juger."

Je n'ai rien lu d'Elizabeth Badinter. Il est grand temps que je comble cette lacune. Je voudrai commencer par Madame du Châtelet, cette femme qui a connu la plénitude du bonheur et les ravages de la passion! J'ai tant de choses à lire... et je n'ai pas encore terminé mon Virginia.

dimanche 25 octobre 2009

Lang Lang

Concerto pour piano et orchestre n°1 de Beethoven.

Il faut le voir caresser les touches de son piano, puis les pénétrer; se pencher sur elles, prêt à les embrasser. Se redresser, tendu, impérial et s'envoler dans une interprétation magistrale qui vous fait décoller, planer au-dessus des étoiles.
Ne pas fermer les yeux mais suivre les siens, baissés puis s'ouvrant tout ronds prêts à bondir, suivre sa bouche entrouverte, dans un sourire d'extase.
Ô musique, ô pianiste, je vous aime.
Jouissance, frissons, palpitations.
Je pousse un cri.
J'ai fait l'amour avec un pianiste (27 ans;-)).

Grand moment de bonheur. Merci l'Orchestre de Paris. Merci Christoph Eschenbach. Merci Arte. Merci ma solitude.
Merci Lang Lang.

FIAC 2009


Une oeuvre de Jack Pierson: The Show Must Go On.


Je me souviens de la FIAC 1982. Tu avais reçu une invitation pour le vernissage! J'y étais allée avec toi, avec réticence. Je préférai y aller un autre jour, tranquillement. Ne pas voir tous ces gens se congratuler, arborer leurs bijoux, leurs fourrures, parler fort, se héler, s'exhiber. Exposition, exhibition. Ce parisianisme qui m'effrayait, que j'abhorrai.
Et j'avais raison, c'était puant ce vernissage.
Les autres années, nous y sommes allés le troisième jour. Tu m'expliquais ce qui était obscur pour moi, sans être toi-même convaincu.

Il paraît que cette année c'est moins "bling bling", because la crise. Moins de provocation, d'extravagance, et que cette 36ème édition se révèle être la meilleure depuis des années...

C'est la Foire, de toute façon. 23 euros l'entrée! C'est la crise.

samedi 24 octobre 2009

Saturday night fever

C'était un samedi soir. Je rentrais un peu lasse de mon travail. Il fallait quand même que je dîne. Je rentre chez mon boucher, la file d'attente est longue, tant pis, je patiente. Le type que j'avais vu la veille chez mon libraire était là, près de la caisse; il attendait sa commande et plaisantait avec le boucher. Je l'avais trouvé sympathique chez le libraire; je voulais acheter le Code du Travail, j'allais être licenciée et voulais connaître mes droits. Le "type" me dit : pas la peine de l'acheter, R. (le libraire) est mon ami, il va vous le prêter; vous le lui rendrez après avoir noté ce qui vous intéresse. Il est fou me dis-je. Et R. (qui me connaissait) me dit : il a raison, je vous le prête! Je les remercie. Et voilà que ce soir, Il est là, chez le boucher, à faire le bouffon.
Arrive mon tour : un steak svp. Je lui souris, sa commande arrive - un énorme rosbeef - et il me dit, sans discrétion : vous n'allez pas manger votre petit steak toute seule! Regardez, j'ai invité dix amis, ce rosbeef est pour douze (je ne savais pas encore qu'il n'avait invité que des femmes), vous serez la bienvenue. Je ris, je pique un fard et lui dis : c'est très gentil mais non je vous remercie. Il y aura du champagne insiste-t-il. Non vraiment merci. Il avait une clope scotchée sur sa lèvre (en ce temps-là, rien n'était interdit, même pas chez le boucher), des yeux vifs, un sourire bienveillant, une barbe épaisse, un costume en velours un peu avachi mais classe; il sentait bon (j'étais près de lui) et avait de belles mains. Tenez, je vous donne mon adresse, c'est à côté du libraire, atelier n° 1, ça me ferait plaisir. J'étais gênée, la queue derrière moi gloussait, le boucher me fit un clin d'oeil. Je lui dis : bonne soirée et je partis.
C'était un 21 janvier.
En arrivant dans mon studio, je regardai sa petite carte avec son nom, l'adresse et son téléphone. Tiens, il habite en face! Je mets mon steak dans le frigo, je n'ai pas très faim, je suis fatiguée, j'en ai plein le dos. Atelier n° 1! Je savais qu'il y avait des ateliers d'artistes à cette adresse. Il a bien un look d'artiste ce "type" pensais-je. Je mets un disque de Miles Davis, je vais prendre une douche. Pourquoi n'irai-je pas à son invitation? Bon, je ne le connais pas mais le libraire et le boucher le connaissent; je ne crains rien et puis, il a l'air drôle et il émane de lui un vrai charme, une vraie gentillesse. Ma douche m'a ravigotée; je prends sa carte, je l'appelle, mon coeur bat très fort : bonsoir, je suis le petit steak chez le boucher! C'est quoi votre soirée exactement?
- Venez, vous verrez. J'ai invité des amies kinés, toubibs pour arroser la nouvelle année! Elles sont déjà là, je vous attends! Je leur ai parlé de notre rencontre (sic)!
Gonflée, je dis OK, j'apporte une bouteille.
- Inutile, il y a tout ce qu'il faut, venez comme vous êtes, je suis ravi.
Et il part d'un rire tonitruant au téléphone. J'entendais Amstrong et des voix en fond sonore.

J'y suis allée. Coup de foudre pour une toile (et pour lui). Je l'ai achetée. Nuit blanche, nuit de folie. Sa tarte pommes-canelle-fleur d'oranger était sublime. Le lendemain il est venu me livrer mon tableau. Trois mois plus tard je m'installais dans son atelier, définitivement. Et j'avais retrouvé un job.

"Dépêchez vous de succomber à la tentation avant qu'elle ne s'éloigne"
Giacomo Casanova.

***

14 h. J'ai déjeuné de crevettes (bouquet), salade verte, un demi verre de Entre Deux Mers!
Mes doigts sentent les algues, fraîches, iodées.
Café, serré.
Flûte, voilà le soleil, aucune excuse pour rester enfermée, dans mon cocon douillet.
Je sors.

17 h. Les allées de ma rivière recouvertes de feuilles jaunes et ocres mettent de la lumière dans cette journée d'automne, à l'heure d'été pour quelques heures encore. On se bouscule dans les rues piétonnes. Je ne vois que du noir, du gris, du sombre dans les vitrines de prêt-à-porter. Vivement le printemps!
Près de la cathédrale les terrasses sont prises d'assaut par les badauds avides de profiter des journées ensoleillées, comme un supplément d'une douceur inespérée.
Je me faufile entre les chaises, trouve une place et m'installe pour lire, tardivement, la presse. Et puis zut, je lirai plus tard, juste regarder autour de moi, sentir le soleil, respirer, laisser mes yeux sourire à la vie.

Vacances de Toussaint


Il pleut des cordes ce matin. Et çà me met en joie, en bonne Celte que je suis.
Les irlandais disent : what a lovely day! tandis que de leur pub qui sent la tourbe et la Guiness ils regardent le mur d'eau grise qui tombe d'un ciel mauve et anthracite d'une somptueuse beauté.

vendredi 23 octobre 2009

Des envies de.

Dernier jour sur l'île.
Je bois un café sur le port à la terrasse du Jean Bart en lisant Faire l'amour de Jean-Philippe Toussaint.
Est-ce le soleil qui me rend lascive ou ma lecture? Les deux sans doute.
Je ferme les yeux.
Trois jours sur l'île, sans toi mais avec toi, sans relâche.
Trois jours sur cette île désertée qui semblait m'appartenir.
Trois jours de "rêveries de promeneuse solitaire", toi à mes côtés, dans mon coeur, le corps vide.

Infrarouge

Vu hier soir : Des écrivains sur un plateau. Des extraits d'émissions littéraires disparues. L'évolution des émissions littéraires, de Pierre Dumayet à... celles d'aujourd'hui avec les témoignages de Bernard Pivot, Frédéric Ferney, Laure Adler, Michel Field, François Busnel, Frédéric Beigbeder etc.

Dont un extrait d'interview de Marguerite Yourcenar par Bernard Pivot. Il y en eut 9 de ces beaux entretiens et c'est merveilleux de pouvoir les réécouter et les voir ou revoir sur Internet.

De Marguerite Yourcenar :
- enfant j'ai désiré la gloire.
- le paradoxe de l'écrivain : il doit être profondément soi-même mais il doit s'oublier soi-même, faire table rase.

Bernard Pivot
-dans votre regard il y a beaucoup de bonté, beaucoup de douceur, beaucoup de malice. Je trouve que vous parlez avec malice des femmes.
M.Y.
-la fidélité sans autre vertu ne suffit pas à rendre les femmes supportables (sic).
B.P.
- Vous dites qu'il ne faut pas s'attacher aux choses. Qu'est-ce que vous emporteriez si votre maison brûlait?
M.Y.
- J'emporterais le feu.
B.P.
- A quoi faut-il tenir? Quelles sont vos valeurs?
M.Y.
- Il faut tenir au développement de ses propres valeurs.
B.P.
- Mais comment faire?
M.Y.
- Vous me faites trembler (l'expression de Marguerite Yourcenar à ce moment-là était sublime).
Il faut tacher de devenir de plus en plus sage, de plus en plus humain, de plus en plus généreux, de plus en plus ferme.

Des extraits aussi de l'émission de Michel Polac, Post-Scriptum que j'ai revus avec nostalgie.

Une belle émission. J'ai retenu que Bernard Pivot avait fait trembler Marguerite Yourcenar;-) et que la littérature était élitaire et devait le rester pour Frédéric Ferney. Ce que je crois.

jeudi 22 octobre 2009

Doris Lessing

Chez elle à Londres le 11 octobre 2007
La rebelle du Nobel! Elle reçut le prix Nobel de littérature en 2007. En l'apprenant, elle était accablée, "je m'en contrefiche" et plus tard elle dira que ce fut un "bloody disaster", un vrai désastre". La vieille dame indigne ne mâchait pas ses mots.
90 ans aujourd'hui!
Je rends hommage à cette femme militante éprise de liberté. Elle fut associée au combat des féministes sans l'avoir jamais revendiqué ni désiré.

"L’Académie suédoise qui vient de lui donner le Nobel a d’ailleurs bien résumé le personnage, expliquant d’abord qu’elle veut récompenser «la conteuse épique de l’expérience féminine» – pour avoir écrit le livre-culte des femmes révoltées de l’après-guerre, The Golden Notebook. Paru en 1962 (en français Le Carnet d’or, Albin Michel, 1976, prix Médicis) ce faux journal intime dresse les portraits croisés de femmes engagées dans la lutte politique, en quête d’indépendance, d’amour, et de liberté – sans happy end à la fin. Le Golden Notebook a inspiré plusieurs générations de femmes dans le monde, devenant la bible du nouveau féminisme du vingtième siècle."
(Libération).

***

J'enlève le masque.
Ce qui apparaît est tragique, pire, pathétique.

"Qui s’astreint à tenir un journal sollicite immanquablement le râleur, le geignard, le plaintif, qui est aussi le plus prolixe des êtres multiples qui le composent, jamais à cours de doléances et de récriminations. Autant de lignes noircies sans effort. Il le laisse donc s’épancher avec une complaisance que l’on serait en droit de juger sévèrement s’il ne trouvait surtout là le moyen de se débarrasser de lui en espérant bien le contenir dans ces pages."
Eric Chevillard, L'autofictif.


mercredi 21 octobre 2009

Le luxe sans la classe

Premier jour sur cette île.
C'est bientôt l'heure du dîner. Je me prélasse dans mon bain moussant après une après-midi de marche le long de la côte, légèrement soûlée par l'air vivifiant. Petit moment de bonheur.
Puis je m'enduis le corps de ma crème préférée, celle de mon parfum que je vaporise légèrement sur ma nuque, mes poignets, là où les premiers baisers devraient m'effleurer et me faire frissonner.
Je fais comme si... le rêve deviendrait réalité.
Je m'habille simplement, pour ne pas me faire remarquer.

J'arrive au restaurant de l'hôtel, presque toutes les tables devant la baie sont occupées par des couples, âgés. Les vieux dînent tôt. Je m'arrête au salon où le feu dans la cheminée m'appelle. Je vais attendre pour dîner. C'est le premier soir et j'ai envie de fêter ça, seule.
Je m'installe dans le moelleux canapé, face au feu. Le maître d'hôtel s'approche : souhaitez-vous un apéritif? Non merci mais j'aimerai avoir la carte des vins. Vous me servirez un verre tout de suite, c'est celui qui accompagnera mon repas, s'il vous plaît. Puis il revient avec la carte.
Je suis amateur (je hais la féminisation des mots) de Bordeaux mais ce soir j'ai envie d'un Bourgogne. Je trouve une demi-bouteille de Pommard 2005, un peu jeune mais le choix en demie n'est pas large. Si je veux un premier cru, il faudrait que je prenne une bouteille. J'hésite, puis je me dis : puisque je dois dîner ici plusieurs jours, ils me garderont la bouteille. Hop, j'opte pour le Pommard Domaine Dubreuil Fontaine -Les Epenots - Premier Cru 2005.
J'ai le souvenir de ce vin, rond, sensuel, moins âcre qu'un bon Saint Julien (mon Bordeaux préféré), qui m'avait délicieusement enivrée à l'Hôtel rue des Beaux-Arts, quelques nombreuses années plus tôt. Nous fêtions un événement exceptionnel avec mon Amour : être en-vie...
Le maître d'hôtel revient, prend la carte en disant : c'est un choix excellent, sans même savoir ce que j'allais manger pour l'accompagner. Ça m'était égal, même le poisson je l'aime avec du vin rouge.
Le feu enflammait déjà mon visage.
...
Présentation de la bouteille, il me verse un peu de vin au fond du grand verre à Bourgogne, je le hume, le goûte, le garde en bouche, je hoche la tête d'acquiescement et il rajoute du vin dans mon verre. Il revient avec quelques amuse-bouches. Seule, je tourne le vin dans mon verre, sa robe glisse sur la paroi, sa couleur rubis va bientôt rosir un peu plus mes pommettes mais il ne faut pas que je sois pompette! Il est savoureux.
...
Trente minutes plus tard, je monte les trois marches du restaurant. Il est 20 h 30, incroyable, il ne reste plus qu'un couple, très jeune, qui vient d'arriver. Les vieux sont déjà partis se coucher!
Oui, hors saison dans les hôtels il n'y a que des vieux.
Le maître d'hôtel se précipite et me propose une table contre le mur dans un coin isolé. Non mais, ça va pas? Je trouve ça dingue! On dirait qu'ils sont gênés de voir une femme seule s'attabler dans leur "maison". Je me retiens de lui dire : vous voulez peut-être que je dîne dans les cuisines? Mais non, soyons élégante : non, je préfère celle-ci. Et sans attendre son accord je me dirige vers une table près de la baie avec vue sur le jardin illuminé. Non mais! Je paie déjà un supplément single ENORME, ce n'est pas pour qu'on me mette dans un placard., et je ne dîne pas avec une carafe d'eau!
...
Le menu me convient, une serveuse charmante prend la commande, numéro de chambre et ramène ma bouteille de Pommard. Le jeune couple me sourit, ceux-là ont des gestes qui parlent pour eux, de tendresse, de caresses et des regards amoureux. J'adore les amoureux. Je leur souris toujours dès que j'en croise et toujours ils me répondent. Les amoureux pourraient tout me demander, je suis leur complice.
Une femme seule ça intrigue toujours. Depuis le temps que je le pratique...Une femme seule ça craint! Parfois même ça fait pitié (mais souvent aussi ça fait envie;-))! Une femme seule ça fait peur... aux femmes, et elles ont raison d'avoir peur. Ce midi j'ai déjeuné dans une brasserie en bord de mer. Un couple (encore un) arrive, s'installe en face de ma table. L'homme n'arrêtait pas de me regarder; évidemment la femme s'en est aperçue. Quel goujat. Soudain ils se lèvent, et changent de place, elle prend celle de son mari et lui la sienne. Ainsi il ne me voit plus mais elle, me lance un regard qui tue. Oh! je n'ai rien fait madame! J'ai envie de rire. Elle est insignifiante; lui, de dos est beau, aussi beau que son regard, un regard couleur mer, gris vert.
...
Le maître d'hôtel revient vers moi, avec un magazine : voulez-vous de la lecture?
C'est le bouquet! Le comble de l'horreur! Je ne suis pas chez le coiffeur! Quel manque de classe!
Non merci, tout va bien. Je patiente.
Les plats arrivent, tout est succulent et mon Pommard en se réchauffant est vraiment bon.
Mes pensées vagabondent, je déroule le film de ma journée. Je me dis que la classe ce n'est pas d'être dans un hôtel luxueux c'est d'avoir une maison de pêcheur aux murs chaulés et tuiles oranges sur cette île.
... Et d'être deux.
...
Je vais prendre un café devant la cheminée, le bois crépite, elle tire bien, ne fume pas, çà sent bon. Je sors de ma pochette le livre acheté l'après-midi et je reprends avidement la lecture commencée. C'est un livre magnifique, une rupture amoureuse, vertige de l'amour, c'est doux, douloureux, violent, intense et çà vous donne envie, d'aimer : Faire l'amour, Jean-Philippe Toussaint.

Je l'ai terminé ce soir-là, le feu s'était éteint et je suis allée me coucher, brûlante, en manque de baisers sur ma nuque et mes poignets.

mardi 20 octobre 2009

Fuir


Qu'ai-je voulu fuir avec cette échappée?
Je ne sais mais tout est là, pareil, inchangé, au retour.
J'ai bu des cafés au port, où nous nous étions assis.
J'ai regardé les cartes postales que je ne pouvais pas t'envoyer, là haut dans le ciel.
J'ai marché sur nos pas, que les marées avaient effacés.
Je me suis enivrée du vent de nos dunes.
J'ai fait l'amour en pensées, lèvres fermées.
Je n'ai rien oublié du verbe aimer.

jeudi 15 octobre 2009

***


Ce soir, j'étais trop lasse pour lire. J'ai regardé un film. Accrochés à la porte d'un phare, j'ai vu ces gréements noués.
Je me suis souvenue d'un beau cordage sur une carte postale, de pensées vives et de ce mot "liés!" que j'avais lu, coeur battant.
Ce ne fut qu'un instant de vérité, fugace.

J-1

Il y a quelque temps j'écrivais dans un des billets de ce "Journal" que j'aimais compter les jours qui me séparaient de retrouvailles heureuses.
Ce J-1 aurait en être... mais il devient le J-1 d'aucune retrouvaille, sinon, encore un peu plus avec moi-même.
Je vais prendre la route le coeur en déroute.
Mais foin de mélancolie, je sais que je ne pars pas pour un dernier voyage et qu'il y en aura d'autres... avec des retrouvailles.
Et puis, la vie est trop féérie quand j'écoute Audrey Hepburn!


L'objet du scandale

Guillaume Durand, ou comment faire de l'audience avec des sujets écoeurants!
Nouveaux gadgets pour espionner son conjoint...
Nouveaux sites Internet pour pratiquer l'adultère en toute "légitimité"...
... avec la bénédiction du Père de machin chouet? Amen!

Vite, écoutons la radio ou prenons un bon livre. Dernier paragraphe du livre de Richard Millet, Le goût des femmes laides terminé hier soir :

"Un récit impossible, je le savais, je la sais encore qu'on me soupçonnera d'avoir forcé le trait, de m'être montré masqué, de n'avoir tombé mon masque que pour en révéler un autre, bien plus effrayant, puisque moralement inacceptable, et que l'accent de vérité qu'on peut trouver à mon récit n'est qu'une forme de dénégation, une dévorante quête du démenti, cherchant la consolation du vivant (...), attendant qu'une femme très belle vienne enfin à moi pour démentir ma laideur, la réduisant en cendres, me faisant oublier ce que je suis en me donnant mon vrai visage, celui qui était le mien avant que je ne rencontre celui de ma mère, bien que je sache que rien ne changera pour moi, que tout commence et finit de la même façon, pour les laids comme pour les autres, dans la défaite, l'absence ou l'impossibilité de l'amour qui aura été ici-bas notre seule manière d'aimer."

Il faut toujours aller jusqu'au bout d'un livre, attendre de l'avoir terminé, pour s'en faire une opinion. Je n'aurai peut-êre pas écrit comme hier, que j'étais un peu déçue par le fait que ce soit une autofiction! Qu'importe du moment que l'écriture est superbe, et puis ne dit-on pas : je est un autre?

mercredi 14 octobre 2009

***

Je crois que je ne dirai plus jamais "je t'aime" à un homme et encore moins "je vous aime"!
Je n'ai pas dit que je n'aimerai plus. Non, cela est impossible.
Mais aujourd'hui j'attendrai qu'on me le dise et cela est sans nul doute impossible.

Je crois que je mens, là.

Autobiographie, autofiction

L'autofiction m'agace! Sorte de roman autobiographique elle perd pour moi toute sa crédibilité.
Le Je devient un autre puisqu'il est romancé.
Richard Millet dans Le goût des femmes laides - que j'ai presque terminé - a écrit une autofiction. Je comprends mieux : ce n'est pas lui ce monstre de laideur dont il nous parle. Certes, il se voit laid, mais il amplifie cette laideur et ses conséquences. Il en a fait un roman.
Me voilà déçue, un peu, mais pas par le style.

"L'autofiction est un genre littéraire qui associe deux types de narration a priori contradictoires : c'est un récit fondé, comme l'autobiographie, sur l'identité de l'auteur, du narrateur (et donc du personnage), tout en se réclamant également de la fiction, principalement du genre romanesque. [...] Wikipédia.

Pour moi c'est un roman! On sait que dans de nombreux romans il y a une part importante d'autobiographie. Au moins c'est clair.

L'autobiographie : "Récit rétrospectif en prose qu'une personne réelle fait de sa propre existence, lorsqu'elle met l'accent sur sa vie individuelle, en particulier sur l'histoire de sa personnalité."

L'autobiographie est un genre littéraire sans doute plus réservé à des personnages importants. Les Confessions de J.J. Rousseau sont une référence en matière d'autobiographie. Je ne m'y suis jamais attelée (17 volumes), j'ai seulement lu et étudié en son temps Les rêveries du promeneur solitaire :

"Quand le soir approchait je descendais des cimes de l'île et j'allais volontiers m'asseoir au bord du lac sur la grève dans quelque asile caché ; là le bruit des vagues et l'agitation de l'eau fixant mes sens et chassant de mon âme toute autre agitation la plongeaient dans une rêverie délicieuse où la nuit me surprenait souvent sans que je m'en fusse aperçu.
(...)
... le bonheur que mon cœur regrette n'est point composé d'instants fugitifs mais un état simple et permanent, qui n'a rien de vif en lui-même, mais dont la durée accroît le charme au point d'y trouver enfin la suprême félicité."


Décidément je reste sur mes goûts exclusifs : autobiographies, mémoires, correspondances, journaux intimes.

Cette après-midi je me suis laissée caresser par le soleil. Ce n'est pas très littéraire... mais "j'y ai trouvé la suprême félicité"!

***

J'ai décidé de me laisser pénétrer... par la lumière radieuse de ce matin d'automne et de garder en moi sa chaleur durant de longs jours.
Déjà, je souris.

mardi 13 octobre 2009

A propos du Journal intime

Quelques réflexions tirées d'un entretien avec Hubert Haddad* par Alain Veinstein.

Ecrire son Journal intime c'est ne pas avoir d'autre alternative aujourd'hui que le mutisme ou la confession. Se taire serait une sorte de noyade, de suicide.
Ne pas se raconter des histoires, approcher au plus près de sa vérité. On est soi et pas soi dans le Journal, on est dans des dédoublements qui peuvent être plus ou moins dangereux.
Tout Journal intime est une sorte de tribunal; c'est une manière infinie de se disculper et de tourner autour d'une catastrophe, qui est là, au coeur.
Le Journal intime peut prendre la forme d'une correspondance, mais à une voix.

*Géométrie d'un rêve.

Quelques extraits de mon Journal en 2007.

09/02/2007 12 h.

Matinée culturelle!
F. Inter ce matin. J'écoute la voix d'Antonin Artaud. C'est la première fois que je l'entends.
Je prends dans ma bibliothèque "Les lettres de Rodez" et je lis ceci, avec, dans mes oreilles le son de sa voix :
"Je vous écris au crayon, n'ayant pas d'encre et ne pouvant pas en avoir, car ici les autres internés renversent mes flacons d'encre sur mes livres et mes écrits...
... Lorsque je récite un poème, ce n'est pas pour être applaudi mais pour sentir des corps d'hommes et de femmes, je dis "des corps", trembler et virer à l'unisson du mien, virer comme on vire...".

F. Culture un peu plus tard. Philo. "Physiologie des corps".
J'ai une réponse à mes problèmes de démangeaisons et autres eczémas chroniques! Mon corps manque de caresses ;-).
Les maladies de la peau sont les maladies du Moi.
Vite, je m'en vais oublier ma gratouille sur les greens, n'ayant rien d'autre pour me soulager!

11/02/2007 23 h.

Ce soir j'ai de la peine.
Je suis triste à laisser mon coeur au néant.
Je recommence...
Ce soir j'ai le coeur en fête.
Je suis joyeuse à m'en péter la tête.
Je vous laisse deviner ce que je suis ce soir... Peut-être ceci de Rilke :

LE POETE.
Heure, tu t'éloignes de moi
ton battement d'ailes me déchire.
Seul : que faire de ma voix
de ma nuit? de mon jour?

Je n'ai ni bien-aimée, ni maison,
point de lieu où je demeure
point d'endroit où je puisse vivre.
Toutes les choses auxquelles je me donne
s'enrichissent et m'abandonnent


Les années se suivent et se ressemblent... 13/10/2009 23 h.

Station de lavage

Station de lavage de voitures.
Je coince ma voiture dans le "sabot". J'arrête le contact. Je sors et constate qu'elle est mal centrée. Je remonte, remets le contact, recule, recentre et cale la roue dans le "sabot".
Je ressors, je vérifie, c'est OK. Je rentre les rétroviseurs, je mets les pièces, les rouleaux se mettent en route.

Merde j'ai oublié de mettre le frein à main et d'enlever l'antenne. Je discute avec un conducteur qui attend aussi que sa voiture soit lavée, pour qu'il me rassure. Il me dit, vous avez dû aussi laisser le contact, les balais d'essuie-glace se sont mis en route!!! Zut (en vrai je pense p..in), oui je jure comme un charretier parfois.
Lavage et séchage terminé; ma voiture n'a pas bougé. Non seulement j'avais laissé le contact mais le moteur tourner. Pas de dégât.
Je reprends la route et, sur la voix express, j'entends un sifflement qui s'amplifie : j'éteins le lecteur de CD (j'écoutais Prince, Purple Rain) et çà siffle très fort. Flûte, vendredi je vais faire de la route, il faut que j'aille tout de suite chez mon garagiste! Je fonce, j'ai l'impression d'être sur une piste de décollage. Paniquée j'arrive chez le garagiste et je lui explique : je viens de passer ma voiture aux rouleaux, pouvez-vous regarder sous le capot s'il n'y a pas un problème, il y a un sifflement de supersonique quand je roule au-dessus de 90! Il lève la tête et voit mon antenne complètement retournée dans le mauvais sens. Pas la peine de chercher me dit-il : vous avez eu de la chance qu'elle n'éclate pas le pare-brise. J'éclate de rire!

Ouf! Quelle Bécassine! Je deviens de plus en plus étourdie. Va falloir que je trouve des laveurs de voiture pour la prochaine fois. Lavage à la main, c'est plus doux;-)

Philip Roth, la vieillesse, la mort

"Il y a une destinée commune à tous les individus, qui est la mort. La destination est toujours et pour tous la même.
(...)
La singularité de chaque existence est indéniable, mais si remarquablement différentes que soient les vies des individus, elles sont toutes vouées à connaître une fin identique, et elles sont toutes hantées par cette destination effrayante et inéluctable qu'est la mort."


Dans son dernier roman Exit le fantôme Philip Roth nous parle de ses obsessions :
la fin du désir notamment, pour les très jeunes filles dont raffolait Zuckerman - son personnage récurrent, son alter ego, son double - le sexe, le désir, la culture juive, les jeunes femmes, l'écriture...et la mort.

J'ai découvert Roth avec Professeur de désir et Que la bête meurt. J'avais beaucoup aimé ce dernier roman. L'histoire de cet ancien professeur d'université de 70 ans qui raconte à un ami l'histoire amoureuse qu'il avait vécue huit ans plus tôt avec une de ses élèves, une fille superbe. Il sait qu'il est au crépuscule de sa vie et que son corps peut le trahir bientôt. Il sait que la bête meurt. Il se lance à corps perdu dans cette nouvelle liaison, la jalousie... jusqu'à la rupture, cette absence qui lui devient insupportable. Puis le manque... Et puis l'histoire c'est aussi celle, tragique, de cette fille superbe "aux seins somptueux", quand elle lui apprend quelques années plus tard sa maladie... Dans ce roman déjà les mêmes obsessions : le désir, la vie palpitante, le pouvoir érotique du corps, la sexualité masculine, la vieillesse, la mort.

Je suis toujours surprise quand je dis à mes amis que je pense à la mort chaque jour, de voir leur étonnement. Comment peut-on vivre sans penser à la mort? Peut-être est-ce d'avoir perdu des êtres chers très tôt que la mort fait partie de ma vie. J'ai moins peur de la mort que de la vie... qui m'attend.

***

Comment est-ce possible d'être si mélancolique sous un si beau ciel?
Comment croire que le jaune du soleil va envahir mon coeur gris de sa lumière, de sa chaleur?

lundi 12 octobre 2009

J-4

Je sais que cette fuite est dangereuse. Elle risque d'accentuer ma mélancolie puisqu'elle faisait partie des projets mis en route, à deux, et que je vais partir seule sur cette île.

J'ai souvent le trac avant de partir à l'aventure mais, après, je ne regrette jamais d'être partie. J'aime les voyages en voiture; dès que je suis au volant j'ai un sentiment de liberté extraordinaire, je me sens maître de mon destin alors que c'est tout le contraire : l'insécurité est totale sur la route. J'ai toujours aimé conduire et la vitesse, mais bon, maintenant je lève le pied! Sagan m'a fait rêver avec ses voitures de sport : Jaguar, Aston Martin; je comprends cet amour de la vitesse, cet enivrement qu'elle procure.

J'ai hâte de sentir le vent me fouetter, me secouer. La météo annonce un très beau temps et un vent du nord pour les prochains jours; ici c'était déjà divin aujourd'hui. Le vent va, j'en suis sûre, me libérer de mes tourments.

J'ai le trac mais j'aime aussi cette solitude qui souvent me comble, oui, me comble.

Là, j'écoute Billie Holliday en claviotant, ensuite je vais regarder l'interview de Philip Roth par Busnel que j'ai enregistré, puis je lirai. Des moments choisis. Qui peut ainsi faire ce qui lui plaît sinon le solitaire?

"Panique, me faudra-t-il faire un bilan, tirer un trait sur mon journal de bord? Non je m'y refuse. j'aimerais que les vents d'alizé gonflent encore la voilure de ma barque. Et si lasse, si délabrée soit ma coque, mettre le cap sur d'autres îles. Ne jamais se résigner à l'immobilité des pensées et des rêves, à la stagnation de l'être".
Xavier Grall, Les vents m'ont dit.

Richard Millet


Faire son autoportrait par écrit, mettre son visage en mots. Richard Millet le fait dans Le goût des femmes laides. Richard Millet se trouve monstrueusement laid.

"J'ai la figure large et légèrement de travers. On dirait, chuchotaient autrefois les écolières de Siom, du bois mal dégrossi, un sabot mal taillé. Les écolières ne sont plus là (...) mais j'ai toujours ma gueule, étroite, maigre même à l'âge de vingt ans, et, trois décennies plus tard, redevenue le rondin dans lequel on a taillé le sabot : l'ensemble est à faire peur (...) - lèvres épaisses, petits yeux, nez et oreilles un peu trop gros, sourcils excessivement fournis. Quelque chose d'inquiétant..."

Je me suis précipitée sur Google pour trouver des photos et, bien que l'ayant déjà vu dans quelque magazine, je n'étais plus sûre que ce fut lui; je n'avais pas remarqué la laideur dont il parle. Je ne le trouve pas laid mais effectivement, assez inquiétant.  Est-ce donc notre miroir qui nous ment? Ce miroir qui nous renvoie notre image est celle que nous voyons mais donc pas celle que les autres voient.

Et si se trouver laid c'était simplement avoir besoin d'être rassuré, de s'entendre dire que l'on est beau.

Je suis moi-même assez narcissique et obsédée par mon physique vieillissant.

Je vais essayer de me livrer à l'exercice de l'autoportrait par l'écriture. Personne ne viendra me contredire ici.

Je place un miroir sur mon bureau (pas grossissant pour ne pas me faire peur). C'est déjà assez effrayant de se voir. C'est la première fois que je fais ce genre d'expérience : écrire en me regardant. Je me regarde moi telle que je suis. Personne ne me verra jamais comme cela.

Mon visage est maigre, anguleux, asymétrique, le côté droit plus décharné (j'essaie toujours de ne faire voir que mon profil gauche si on me prend en photo). Mon front est large, je le trouve beau. Mon menton est proéminent, moche. Mon nez petit, normal, banal. Mes oreilles petites, plutôt jolies. Ma bouche est fermée, petite, mes lèvres sont minces et de fines ridules les entourent. Mes pommettes sont rosées. Ma peau est fine et lisse entre les rides (rires;-)). Entre mes sourcils clairsemés, deux rides marquent mon inquiétude permanente. Mes yeux (ce que je préfère dans mon visage), en cet instant dans le miroir, sont tourmentés mais jolis, toujours expressifs, verts/noisettes. Quand je ne souris pas, comme en ce moment, mon visage est dur, mes rides disparaissent un peu. Alors je vais sourire : apparaissent mes dents dont je prends grand soin, mes rides se creusent sur mes joues, mes pattes d'oie jouent de l'éventail au coin des yeux, mon regard s'illumine. Tant pis pour mes rides, je préfère mon visage quand il sourit.
Je ne me trouve pas laide, mais je suis loin d'être belle. Quand j'étais plus jeune j'avais du "chien", et aujourd'hui, quelle importance? Une femme a toujours envie d'être séduisante.

Je jette un dernier regard dans le miroir, c'est très troublant de s'observer ainsi.

dimanche 11 octobre 2009

***

C'est merveilleux de découvrir les êtres à travers la littérature.
On croyait les connaître un peu mais leurs lectures vous les révèlent.
Les non-dits deviennent parlants.
Les silences des cris stridents.
On ne lit toujours que ce qu'on aime - parce que çà nous touche, nous atteint -, ce qui est soi.

Ce qui me tordait le ventre, ce n'était pas le désir ou la peur, ni même le combat qu'ils menaient en moi, mais ce qui reste d'espérance, en dépit de tout, dans les situations les plus vaines, et que je n'étais pas encore encore en mesure d'appeler le possible, lequel est le nom apaisé de l'espoir, et dont l'idée serait tout ce qui resterait à un être tel que moi (...) : faire l'amour, écrire une oeuvre, ou se tuer, oui, quelque chose de cet ordre...
(...)
... la solitude faisait surgir à mes lèvres des buissons d'épines qui me mettaient au bord des larmes.
Richard Millet, Le goût des femmes laides.

What a Fucking Wonderful Audience


Autre moment fort de cette expo (suite), proposée par l'artiste Dora Garcia, en relation avec l'incident provoqué par l'exclamation du comédien Lenny Bruce lors de son spectacle en 1962, qui lui a valu une arrestation et l'interdiction de jouer en Australie. Il fut le comique le plus célèbre et le plus controversé des Etats-Unis dans les années 60.

Elle en fait une vidéo qui vous secoue, où l'on voit le comédien dans un one man show. Lenny Bruce fut arrêté pour "obscénité" à multiples reprises. Il est décédé en 1966.

Bob Fosse lui consacre un film avec Dustin Hoffman en 1974, à voir ou revoir : Lenny.

L'art conceptuel/visuel m'a séduite aujourd'hui.

Dimanche suite

Jour pas si merdique finalement!
Vu une expo fabuleuse et pourtant je pensais être hermétique à ce genre d'art, auquel je ne sais pas donner de nom.
L'expo intitulée Wake up, Please réunit les oeuvres d'artistes qui, à partir de modes d'expression divers, interrogent la capacité de l'art à éveiller le spectateur.

J'ai pu filmer très succinctement et rapidement quelques scènes de cette vidéo : Vexations Island de l'artiste canadien Rodney Graham.

Le titre de l'expo Wake up, Please, reprend les paroles du perroquet dans le film. Observant un pirate inconscient échoué sur une île déserte, le perroquet s'exclame "Wake up, Please, Wake up, Please"! Parce que la réalité insulaire ne peut se dire elle-même, il lui faut la conscience d'une présence extérieure. Le perroquet est le pendant du spectateur dans le film mais ses paroles bondissent hors de l'image pour interpeller le spectateur.

Çà semble abscons mais c'est magnifique, on rentre dans cet écran (en format géant à l'expo), on est là sur cette île et on a envie de crier avec le perroquet : Wake up, Please!

J'avais très envie de partir sur une île ce matin, c'est décidé, je pars bientôt sur "la mienne", moins exotique! Peut-être y rencontrerais-je un pirate échoué;-)?

Dimanche

"...jour de merde par excellence".
Louis Calaferte, Septentrion.

Nuit noire, mes insomnies deviennent chroniques et cauchemardesques.
J'envisage de faire un break avant de faire un burn out! Oui, même les oisifs peuvent être épuisés.
Une île me tend les bras, et si j'y allais...

samedi 10 octobre 2009

Cherchez l'erreur

J'écrivais cela dans mon Journal le 15 février 2007.

Je chantais tout à l'heure dans ma voiture... hystérique j'étais!
"Aujourd'hui... on n'a plus le droit...
Ni d'avoir faim... ni d'avoir froid..."
En fait, je gueulais, coeur battant.

Je venais de faire "le plein" de mon caddy!
Pour la première fois, depuis dix ans, je n'ai pas regardé les prix, obsédée que j'étais d'acheter le moins cher.
Pour la première fois, depuis dix ans, j'ai acheté de l'agneau, comme çà, par folie, même si la viande ce n'est plus vraiment mon truc. Mais c'est cher l'agneau, alors j'en ai acheté... Le fromage, çà c'est mon truc, bien affiné... avec une salade de mesclun et du bon pain; à Paris j'aurais acheté du Poilâne. Je vais me régaler.
J'ai acheté un Saint Julien 1998, hé hé.
Même le PQ je l'ai acheté quadruple épaisseur, faut c'qui faut!
Pour la première fois, depuis dix ans, je ne suis pas allée à la bibliothèque; suis allée chez le libraire et j'ai acheté des livres qu'un ami m'avait conseillés.
Depuis dix ans j'avais froid l'hiver.
Depuis dix ans je vivais en dessous de ce qu'on appelle 'le seuil de pauvreté', mais je n'étais pas dans la misère, j'ai une maison ... dont les murs s'effritent et qui tombe en ruines:o)

Depuis dix jours je me pince, je n'y croyais plus, je touche ma retraite. The foot!
Je vais faire une orgie de chauffage mais pas orgie de bouffe. Non, je vais la savourer, déguster mon Saint Julien!

Ce soir c'est Noël. Je déteste Noël à Noël. Suis bien contente de fêter le petit Jésus en février.

La semaine prochaine je ferai le 'plein' mais chez les commerçants des Halles, pas comme aujourd'hui à l'hypermarché. Pas tout d'un coup, les bonnes choses!

Ce soir je m'enivre seule, je n'ai pas dit je me saoule (je ne supporte pas les ivrognes) mais la semaine prochaine j'invite toute ma famille au restau. C'est grâce à elle que j'ai pu tenir le coup... PENDANT DIX ANS!


Aujourd'hui je vis en ville, je n'ai plus froid, j'ai même souvent trop chaud dans mon appartement, les murs ne s'écaillent pas. Je fais des orgies d'achat de livres (mais pas de viande - je n'aime plus), de CD, je vais au cinéma, au théâtre, au restaurant, je peux faire des cadeaux à ceux que j'aime et j'apprécie tous ces privilèges au centuple. Je n'ai jamais perdu ma joie de vivre pendant ces années de galère, j'avais un ange gardien au-dessus de ma tête, il fallait que je sois digne, digne de lui.

Et il y a trois semaines j'étais chez Jean-Paul Gaultier! Cherchez l'erreur...

De l'amour

Je n'aurai toujours accordé d'importance vitale qu'à l'amour. Et je ne vivrai jusqu'à ma mort que pour cela, pour le vivre ou le faire naître. Pour qu'il vive en moi et le faire vivre en l'autre. Je parle ici de l'amour entre un homme et une femme; bien sûr il existe de multiples façons d'aimer autrui, mais cet amour dont je parle il n'en existe qu'un, l'absolu.
Je ne peux pas vivre sans cet amour et je n'ai de cesse de le retrouver quand il vient à disparaître, ou plutôt, quand j'ai perdu tout espoir en celui que j'ai vécu.
Je suis consciente de l'irréalisme de mes propos et pourtant je vis en accord avec mes pensées sur le sujet. C'est pourquoi la solitude est ma divine compagne. Je n'arrive pas à faire de concession.

"L'amour : l'exaltation ne tient pas à la prétendue fusion entre deux êtres, au contraire, stimulé par la présence d'autrui, par la conscience de son impénétrabilité...
(...)
Le pathétique de l'amour consiste dans une dualité insurmontable des êtres.
(...)
Du rôle de l'amour et de l'éros : possibilité d'un amour ou d'une amitié sans la dualité; la dualité qui est pour moi l'essentiel; la dualité est à autrui le fond même de l'amour, puisque l'ego ne se définit chez moi, pas en dehors de l'amour."
Emmanuel Levinas, Carnets de captivité.

vendredi 9 octobre 2009

Prix Nobel de la Paix


Attribué à Barack Obama! Remise le 10 décembre.
Il paraît qu'il "swingue" avant les événements importants!
Yeah! I sing in the rain.

L'autofictif

Eric Chevillard vient de sécher mes yeux à cet instant et m'a fait jaillir un éclat de rire!
Ne pas oublier de le lire, chaque matin.

***

Je me suis endormie des larmes sous les paupières. Au réveil elles étaient toujours là.
J'ai pensé toute la nuit qu'il ne me fallait plus rien attendre. Cette rupture c'est moi qui l'ai provoquée parce que justement je n'en pouvais plus d'attendre, je dois donc assumer mon désarroi, et cesser d'élucubrer sur "le lent trépas de mon Amour" (comme un ami me l'a joliment dit).
C'est tellement puéril de croire que vous pouviez me lire ici. Je ne vous écrirai plus, ni ici, ni ailleurs; mais je vous lirai toujours puisque j'ai droit à ce bonheur-là.
Vos cartes postales choisies avec Amour sont devenues mes marque-page, autant dire que vous êtes là dans ces lieux qui me passionneront toujours : les livres.
Je ne parlerai donc plus de nous dans cette "toile". L'araignée nous a engloutis.

L'odorat

Parfum exotique

Quand, les deux yeux fermés, en un soir chaud d'automne,
Je respire l'odeur de ton sein chaleureux,
Je vois se dérouler des rivages heureux
Qu'éblouissent les feux d'un soleil monotone;

Une île paresseuse où la nature donne
Des arbres singuliers et des fruits savoureux;
Des hommes dont le corps est mince et vigoureux,
Et des femmes dont l'oeil par sa franchise étonne.

Guidé par ton odeur vers de charmants climats,
Je vois un port rempli de voiles et de mâts
Encor tout fatigués par la vague marine,

Pendant que le parfum des verts tamariniers,
Qui circule dans l'air et m'enfle la narine,
Se mêle dans mon âme au chant des mariniers.


Les Fleurs du mal, Charles Baudelaire

"Quand, les deux yeux fermés..."
C'est la relation intime amoureuse qui provoque la vision intérieure (" yeux fermés ").
"Je respire l'odeur de ton sein chaleureux".
Et voilà que les sens ici se mélangent. Ne sent-on jamais aussi intensément les odeurs que lorsque nous fermons les yeux? Je le crois.
Le sensuel menant au spirituel, quel bel idéal.
Ce poème de Baudelaire peut à lui seul résumer les cinq sens.

jeudi 8 octobre 2009

***

Comment avez-vous fait pour ne pas avoir envie de répondre à ma lettre d'adieu?
Il y avait quelques points d'interrogations pourtant. Ou alors avais-je fait les réponses? Cela m'arrive souvent de faire les réponses aux questions que je pose; on me l'a souvent reproché... avec des sourires, indulgents ou ironiques.
J'avais tellement envie de lire quelque chose qui aurait un peu pansé ma déchirure.
C'est sans doute mieux ainsi, pour vous. Et si c'est mieux pour vous, çà le sera pour moi, puisque je ne vous veux que du bien.
De toute façon je suis sûre que vous m'aimez. J'ai dit "aimez", pas "désirez". Non mais!

La vue

Je ne sais ce que j'aurai le plus peur de perdre de ces deux sens : l'ouïe, la vue. Bien sûr, sans eux je pourrais toujours toucher, sentir mais ceux-là sont si essentiels. Autant pour la nature que pour la peinture, je ne saurai me passer de la vue. Je peux toucher un visage et le sentir mais je ne peux pas sentir un tableau en le touchant.

Le monde du peintre est un monde visible, rien que visible, un monde presque fou puisqu'il est complet, n'étant cependant que partiel. La peinture réveille, porte à sa dernière puissance un délire qui est la vision même, puisque voir c'est, avoir à distance, et que la peinture étant cette bizarre possession, à tous les aspects de l'être, qui doivent de quelque façon se faire visible pour entrer en elle. Quand le jeune Berenson* parlait à propos de la peinture italienne d'une évocation des valeurs tactiles, il ne pouvait guère se tromper davantage; la peinture n'évoque rien et notamment pas le tactile. Elle fait tout autre chose, presque l'inverse, elle donne existence visible à ce que la vision profane croit invisible. Elle fait que nous n'avons pas besoin de sens musculaire pour avoir la voluminosité du monde. Cette vision dévorante, par delà les données visuelles, ouvre sur une texture de l'être dont les messages sensoriels discrets ne sont que les ponctuations ou les césures et que l'oeil habite, comme l'homme habite sa maison.

Merleau-Ponty, extrait de L'oeil et l'Esprit.
* http://books.google.fr/books?id=_EEK3kENPM4C&pg=PA79&lpg=PA79&dq=le+jeune+berenson&source=bl&ots=U2WrMQDj5V&sig=y4LVNskdzyb7s8YUFqptiE3aEDU&hl=fr&ei=FbzNSoLsHcKZjAer4KTzAw&sa=X&oi=book_result&ct=result&resnum=1#v=onepage&q=le%20jeune%20berenson&f=false

Ce texte peut sembler obscur à première vue;-) mais en l'écoutant ce matin dans "Les nouveaux chemins..." il m'est apparu très lumineux.

L'ouïe

... selon les philosophes.
Parler de "philosophie à coups de marteau" me fait penser au livre de Marcel Moreau Une philosophie à coups de rein! Bon, çà n'a rien à voir, mes pensées divaguent. On parle du marteau de l'oreille, du marteau du piano, du marteau piqueur et mes oreilles qui sont devenues fragiles et hypersensibles essaient de comprendre pourquoi elles ne supportent plus que le silence, si celui-ci est entouré de sons légers. J'ai dans une oreille un marteau qui résonne douloureusement dans la grand silence de la nuit.
Néanmoins j'entends et c'est un privilège. La nature est remplie de sons merveilleux (tiens, j'entends les cloches de l'église en ce moment, il est midi! j'aime ce son pourtant violent pour mes oreilles mais si doux pour mon environnement).

A vrai dire aujourd'hui, je n'entends que ce que j'ai envie d'entendre. Mais j'écoute attentivement tout ce qui me passionne, venant des êtres et de la musique.

L'homme de chevet

En achetant Le goût des femmes laides de Richard Millet, j'ai également acheté L'homme de chevet de Eric Holder en livre de poche (édité en 1995). Lorsque ce livre est paru j'avais très envie de le lire (et j'ai été très déçue) et puis, le temps passant, je suis revenue à mes premières amours de lecture : les journaux, les correspondances... je me répète.

J'aimerais avoir un homme de chevet à la place de ma table du même nom.

mercredi 7 octobre 2009

***

J'ai tapé comme une forcenée dans la balle, je m'imaginai que la balle était ma tête, envie folle de l'exploser. Ne plus penser...

Et là je lis. Je m'arrête pour écouter le Concerto (n°3) Brandebourgeois de Bach qui passe sur Radio Classique. A chaque fois que je l'entends je pense à mon premier amour; c'est fou d'être ainsi ramené si loin dans le temps; j'avais 20 ans. Il me les avait offert en deux disques (vinyles) dans un enregistrement magnifique dont je n'ai jamais retrouvé l'égal en CD. Un jour j'ai vendu ma platine et bazardé tous mes disques vinyles; je le regrette aujourd'hui.

Je vais reprendre ma lecture : Le goût des femmes laides de Richard Millet. Je n'ai rien lu de cet écrivain. J'ai eu envie de le découvrir en commençant par un livre facile d'accès; celui-ci semble l'être, ses derniers ouvrages - Ma vie parmi les ombres, Dévorations, La Confession négative (les titres me plaisent) - me paraissent plus ardus. Commençons par celui-ci. Je n'ai pas de meilleure idée pour me rapprocher de vous, que de vouloir partager vos lectures puisque nous n'avons plus rien d'autre à partager. J'ai tenté vainement de savoir ce que vous aimiez lire. Je ne suis même pas sûre d'avoir fait les bons choix pour les livres que je vous ai offerts. Vous ne m'en avez rien dit.
Et vous ne me direz plus rien.

"... je le savais déjà, j'étais de ceux à qui l'amour est refusé, et qui, par conséquent, doivent séparer ce sentiment du désir qui en est la dimension incendiaire, et consolatrice". R.M.
L'amour, le désir, toujours ce dilemme...